#BrigadeInside — La journée du samedi 21 mai s’annonçait magnifique au 55, Quai de Dion Bouton à Puteaux. Rien ne laissait présager les prémices d’un drame. Mais une batterie de trottinette en charge explose, un appartement de 75 m² prend feu : la tragédie est annoncée. L’intervention salvatrice d’un caporal-chef et de son équipage au VSAV va permettre de rapidement faciliter l’engagement des secours.
Retex sur une intervention extrêmement délicate.
Il est environ 11 h 30 lorsque le CCH Arthur Epito, chef d’agrès du VSAV 231 Puteaux, clôture sa troisième intervention de la journée. Lui et son équipage viennent d’emmener une jeune fille à l’hôpital Louis Mourier à Colombes. Sur le trajet du retour, l’équipage de VSAV prend le tunnel de l’A14, vire à droite sur le Quai de Dion Bouton et longe la Seine. Il fait beau aujourd’hui, la journée s’annonce belle. Au numéro 55, le feu passe au rouge, le VSAV s’arrête. « Arthur, regarde sur ta droite… » lance le conducteur à son chef d’agrès. Le caporal-chef s’exécute, pivote sa tête vers la droite et observe… L’immeuble de quatrième famille1 construit sur pilotis est en proie aux flammes. Le panache de fumée démarre du premier et s’étend jusqu’au douzième et dernier étage. Aucun engin de pompier n’est encore sur les lieux. L’alerte n’a pas dû être encore donnée.
Dans la tête d’Arthur, tout se bouscule et s’entrechoque, il ne s’y attendait pas du tout « C’est un truc de dingue ! » pense-t-il sur le moment. Mais l’expérimenté militaire du rang et ses treize ans de service est dans le cursus pour devenir sous-officier. Ses cours sont encore tous frais. Alors, presque instantanément, il applique méthodiquement tout ce qu’il a appris, comme à la manœuvre. « Golf 3, faites partir les secours pour un violent feu d’appartement dans un immeuble de quatrième famille au 55, quai Dion Bouton à Puteaux » dicte-t-il sur les ondes radio. Son téléphone sonne, le centre de surveillance opérationnelle du 3e groupement lui indique que les secours sont déjà prévenus et qu’ils devraient bientôt arriver. À la radio, le caporal-chef apprend qu’une famille serait bloquée sur son balcon. Mais les fumées sont trop denses, impossible d’apercevoir quelqu’un. Il analyse l’autre face de l’immeuble, mais à part une légère fumée se dégageant d’une fenêtre du premier étage, il n’y a rien d’alarmant. Arthur rentre dans le hall de l’immeuble avec son équipier. « Bloque les ascenseurs au rez-de-chaussée », lui dicte-t-il.
Un flux important de personnes descend et stationne dans le hall d’entrée. « Accompagne-les vers la sortie dans la rue, je ne veux voir personne dans le hall », ordonne-t-il ensuite à son équipier. Le conducteur rejoint Arthur. Ils rentrent tous les deux dans la cage d’escalier menant aux étages et actionnent le « tirer-lâcher » afin d’ouvrir les skydoms situés sur le toit pour évacuer des fumées.
Ils montent au premier étage, le plafond de fumée est encore important. Ils s’engagent tous les deux pour vérifier si la porte de l’appartement est bien fermée. Deux personnes habitant l’appartement en feu se présentent à eux. Elles sont incommodées par les fumées. « Ne vous inquiétez pas, on va vite vous sortir de là », leur lance Arthur pour les rassurer. Rapidement, il les accompagne vers l’extérieur. Arthur monte alors au deuxième étage, il n’y a pas de fumée…
Rapidement le fourgon arrive, le chef d’agrès fait alimenter la colonne sèche afin d’entamer l’extinction. Le chef de garde, l’adjudant Frédéric Louvel, chef du centre de secours de Puteaux se présente alors sur l’intervention. Le sous-officier expérimenté connaît bien cet immeuble, il a déjà fait un feu de parking souterrain à cette même adresse six mois auparavant. Son regard se pose sur le caporal-chef Epito qui se dirige vers lui. « Mon adjudant, je vous rends compte que j’ai effectué la CAGET2, j’ai reconnu le premier et deuxième étage et évacué les habitants. J’ai en ma possession les clés de l’appartement en feu. » L’adjudant lui donne alors pour mission de trouver un lieu pour rassembler toutes les victimes, Arthur s’exécute. Il se dirige vers la tour Vista, située à quelques mètres de l’immeuble, prend contact avec le poste central de sécurité et établit un point de regroupement à l’intérieur. Ce lieu sera vite transformé en un poste médical avancé.
L’adjudant Louvel réalise un tour du feu. Ce qui le choque, c’est l’intensité des flammes, le feu est vraiment très développé. Il fait face à une problématique : ce jour-là, il fait chaud, c’est le week-end et toutes les fenêtres avec vue sur la Seine sont ouvertes. La colonne de fumée partant du premier étage envahit donc tous les appartements. Le feu se propage horizontalement aux appartements voisins et verticalement au deuxième étage. La rambarde des balcons est en verre et, sous l’effet de la chaleur, une d’entre elles explose et tombe sur les équipes au rez-de-chaussée. Un fragment tombe sur un tuyau, le perce et provoque une grosse fuite. En un éclair, la manœuvre de remplacement de tuyau est accomplie. Pendant toute la durée de l’intervention, par deux fois, les chutes de verre provoquent des ruptures d’attaque.
Dans la tête de l’adjudant, il n’y a aucun doute, « Je demande renfort habitation au 55 quai de Dion Bouton à Puteaux ! » s’exclame-t-il à la radio.
Puis il monte au premier étage. Devant la porte de l’appartement, le sous-officier observe : la porte blindée est bien épaisse, mais l’intensité du feu est telle que les flammes sortent par le dessus de la porte et même par la sonnette. L’adjudant doit y engager alors ses équipes. Il doit également lancer des binômes au deuxième pour lutter contre les propagations, vérifier la praticabilité de la cage d’escalier et l’efficacité des exutoires.
Le capitaine Mathieu Gilles, commandant la 28e compagnie, est l’officier de garde du jour. Il se présente à son tour sur les lieux. Avec l’adjudant, ils effectuent tous les deux un nouveau tour du feu. « Mon adjudant, je vais prendre le commandement des opérations de secours », informe le capitaine. Après un contact avec le gardien de l’immeuble, le capitaine apprend que la configuration du bâtiment est assez particulière. En effet, l’immeuble sur pilotis possède deux cages d’escaliers encloisonnées du premier au onzième étage et au douzième étage, il y a des caves sur toute la longueur. Par ailleurs, les deux cages d’escaliers communiquent entre elles.
Afin de mener à bien l’opération, l’officier de garde réalise alors une sectorisation de l’intervention. Ainsi, quatre secteurs sont définis. Le premier concerne les deux premiers niveaux de la cage d’escalier menant à l’appartement en feu, le second porte sur la reconnaissance du troisième jusqu’au douzième étage, le troisième secteur effectuera la reconnaissance entière de la cage d’escalier non impactée, enfin le dernier est le secteur sanitaire, là où sont prises en charge les victimes.
L’adjudant Louvel est chef du premier secteur, ce sont ses équipes qui s’engagent dans l’appartement. Après avoir ouvert la porte d’entrée, le binôme d’attaque procède à l’extinction. L’incendie s’est propagé à l’ensemble des pièces du logement, notamment aux deux chambres, à la salle à manger et au couloir. Les fenêtres ont cédé sous l’effet de la puissance de l’incendie et le feu a commencé à se propager au second étage par la façade.
La chaleur est intense, l’engagement des équipes est très physique, des relèves d’attaques sont réalisées. Afin de confirmer l’ouverture des skydoms sur le toit, un drone est envoyé en reconnaissance. En quelques minutes, le télépilote confirme l’information, la fumée s’échappe bien des exutoires.
Au total, quatre lances sont en action, trois à l’intérieur de l’immeuble et une de plain-pied située devant le bâtiment. Les portes-lances, bien aidés par leurs servants, réalisent un travail d’exception et l’intensité du feu commence à baisser.
Les reconnaissances sont terminées, l’immeuble a été complètement évacué. Aucune autre victime n’est à déplorer.
À 13 h 25, le message « Feu éteint » résonne à la radio. Le capitaine félicite ses hommes. Tout a été fait avec discipline, bonne communication et avec une belle attitude. Le bilan définitif fait état de trois personnes légèrement intoxiquées qui seront évacuées en milieu hospitalier.
1 : Immeuble de 4e famille : habitation dont le plancher bas du logement le plus haut est situé à plus de 28 m et à 50 m au plus au-dessus du niveau du sol utilement accessible aux engins des services de secours et de lutte contre l’incendie.
2 : CAGET : premières actions à réaliser par le premier engin-pompe se présentant sur feu (Cour, Ascenseurs, Gaz, électricité, tirer lâcher)