Grands formats — Depuis 1985, la Brigade assure les missions de secours d’urgence de Paris et sa petite couronne. En 37 ans, elle a connu de nombreux changements, notamment logistiques et matériels. Retour sur les avancées de l’institution en matière de secours à victime.
La police au secours des Parisiens
À Paris, la protection des biens et des personnes n’a pas toujours été assurée par les sapeurs-pompiers. En effet, pendant une grande partie du XXe siècle, la police était chargée d’apporter les premiers secours aux citoyens en détresse. Retour sur 56 ans de bons et loyaux services.
Le 28 mars 1928, le préfet de police de Paris crée le Secours police. Des bornes téléphoniques implantées, environ tous les 500 mètres sur la voie publique, permettent aux citoyens d’alerter les secours. Après la Seconde Guerre mondiale, les premiers véhicules dotés d’un brancard apparaissent. À cette occasion, le service change de nom et devient Police secours. Parmi ses missions, la police assure donc la protection des biens et des personnes jusqu’au milieu des années 80. Encore aujourd’hui, dans certaines régions de l’hexagone, les secours en montagne ou en mer restent à la charge de la police.
1985 : la brigade prend le relai
De 207 000 interventions en 1984 à 300 000 départs en 1987, les effets de la suppression de Police secours au profit de la Brigade sont immédiatement perceptibles. Une augmentation qui s’est aujourd’hui stabilisée avec 463 851 opérations en 2021, mais avec 82,2 % d’interventions d’assistance aux personnes.
Avec cette mutation de l’activité, les véhicules, les matériels et les méthodes de travail se sont adaptés au fil du temps. L’objectif étant d’améliorer continuellement la façon d’opérer des sapeurs-pompiers de Paris.
En 1986, la Brigade ajoute à son parc routier le premier secours relevage (PSR) afin d’avoir à disposition un véhicule exclusivement dédié au secours à victime. Cet engin est armé par trois soldats du feu dont un conducteur et un chef d’agrès, au minimum sergent.
Deux ans plus tard, la BSPP apporte plusieurs nouveautés dans ses gestes de premiers secours : la libération des voies aériennes supérieures se fait par la technique des doigts croisés, la bascule prudente de la tête en arrière s’ajoute également aux gestes de sauvegarde du sapeur-pompier de Paris et la sonde d’aspiration bucco-pharyngée vient compléter l’aspirateur à mucosité.
En 1990, une réforme du secourisme est appliquée au sein de l’Institution. Elle concerne directement les méthodes opérationnelles et modifie par répercussion les programmes de formation et les techniques d’enseignement.
En 1993, le massage cardiaque externe (MCE), instauré à la BSPP depuis 1960, est remplacé par la cardio-pompe. Cet outil, en expérimentation depuis novembre 1992, s’avère d’une grande efficacité. Aujourd’hui encore, il reste l’outil prioritaire des sapeurs-pompiers de Paris pour effectuer des compressions thoraciques sur un adulte en arrêt cardio-respiratoire.
Dans la même année, le défibrillateur semi-automatique (DSA) fait également son apparition. L’aspirateur à mucosités, jusqu’à présent manuel,
devient, quant à lui, électrique dès 2001.
Trois ans plus tard, le premier secours relevage devient un véhicule de secours et d’assistance aux victimes (VSAV). Le châssis est identique, mais la dernière version du Renault Master est venue remplacer l’ancienne.
Le multiparamétrique, de la marque Welch Allyn, débarque dans les engins au cours de l’année 2008. Cet outil multi-fonctions, très utile pour la prise de constantes sur une victime, est remplacé en 2016 par un autre appareil plus sophistiqué : le modèle Touch Seven, de la marque Schiller, qui fait désormais partie du matériel de base pour toute intervention
de secours à victime.
Aujourd’hui, les évolutions techniques sont nombreuses, prouvant que la Brigade reste toujours à la pointe de la technologie en la matière.
Deux générations de sauveteurs
Lundi 25 avril. C’est sous un ciel rayonnant que l’adjudant-chef Jean-Michel C., est revenu au centre de secours Rousseau (8e cie) où il a servi dans les années 80. Pour l’accueillir lors de cette visite, le caporal-chef Cyril O., 7 ans et demi de service, affecté dans cette même caserne depuis 2019. Un entretien amusant et enrichissant où la nostalgie a permis de faire le parallèle entre deux époques bien distinctes.
Comment êtes-vous alertés pour partir sur une intervention de secours à victime ?
ADC : Dans les années 80, nous sommes alertés grâce au ronfleur de la caserne.
CCH : Aujourd’hui, lorsque nous sommes affectés au véhicule de secours à victime, nous sommes tous équipés d’un Strada (système de transmissions de données alphanumériques) afin d’être alerté en cas de départ.
Avec quel engin partez-vous en priorité pour assurer cette mission ? Quelle est sa composition ?
ADC : Au début des années 80, les interventions de SAV (secours à victime) sont assurées par le fourgon ou le PSE (premiers secours évacuation). Dès lors que le service Police secours disparaît, le PSR, nouveau véhicule, débarque dans les casernes pour intervenir exclusivement sur les interventions de secours à victime.
CCH : En priorité, une intervention à caractère SAV est assurée par un VSAV. Cet engin est composé du même équipage que le PSR qu’ont connu nos aînés.
Quelle est votre tenue vestimentaire pour intervenir en SAV ? Est-elle accompagnée d’accessoires ?
ADC : La tenue F1 arrive vers 1984. Avant cette date, notre tenue se compose du pantalon de drap épais, la chemise bleue claire, la cravate et le casque traditionnel. Il faut d’ailleurs faire attention à ce que le casque ne tombe pas sur la victime à cette époque (rires). Des radios sont fixées dans les engins pour communiquer. C’est au milieu des années 80 que nous nous retrouvons dotés de moyens de liaison portatifs.
CCH : Nous sommes vêtus de la tenue F1. Celle-ci peut-être complétée par d’autres éléments en fonction du motif de l’intervention comme le gilet anti-agression, la tenue biologique ou encore la tenue de feu si nous partons sur un incendie. Pour chaque intervention, le chef d’agrès porte sur lui une radio portative, un détecteur de monoxyde de carbone, un téléphone portable et une caméra embarquée.
Connaissez-vous le nombre approximatif d’interventions sur 24 heures ?
ADC : En moyenne, le nombre d’interventions est de six sur une garde de 24 heures au PSR. Quand Police secours disparaît en 1985, le nombre d’interventions augmente à une petite dizaine par jour, notamment sur la voie publique.
CCH : Nous faisons environ une quinzaine d’interventions sur une durée de 24 heures. Le deuxième VSAV, quant à lui, réalise entre 8 et 10 interventions par garde.
Que pouvez-vous dire au sujet du matériel ?
ADC : À cette période, nous avons peu de matériel à disposition. Nous prenons avec nous la couverture, la valise d’oxygénothérapie ainsi que celle où se trouvent des pansements, des bandages et des canules de Guedel. Si une victime est en arrêt cardio-respiratoire, le massage cardiaque se fait à mains nues (MCE).
CCH : Pour chaque intervention, nous descendons de l’engin le sac d’oxygénothérapie, le sac prompt-secours, l’aspirateur à mucosités, le multiparamétrique “Touch seven” et la couverture bactériostatique. Pour un ACR, le massage est réalisé à l’aide de la cardio-pompe.
Comment se passe la transmission du bilan avec la coordination médicale (CM) et le service d’accueil des urgences (SAU) ?
ADC : Nous contactons la coordination médicale par téléphone. Il est d’ailleurs possible à cette époque de composer un numéro depuis une cabine téléphonique pour joindre la CM. À notre arrivée au SAU, nous transmettons le bilan à l’IAO (infirmière d’accueil et d’orientation) puis nous lui laissons un duplicata de notre fiche-bilan.
CCH : Depuis peu, les fiches-bilan en papier ont laissé la place à une tablette tactile appelée “E‑Fibi”. Grâce à cet outil, l’opérateur à la CM a déjà reçu tous les éléments de notre bilan au moment où nous le contactons. L’appel est bien plus court. Au SAU, il nous suffit de générer un code sur la tablette à transmettre à l’IAO pour que cette dernière le rentre sur son ordinateur et retrouve toutes les données.
Que faites-vous à votre retour au CS ?
ADC : Nous réarmons l’engin. Cette manœuvre est relativement rapide ; la quantité de matériel à notre disposition étant extrêmement limitée. Une désinfection est réalisée quand c’est nécessaire mais il n’y a pas de protocole bien précis.
CCH : Nous réarmons et nettoyons le VSAV. Si le véhicule est souillé par l’intervention, nous réalisons une désinfection protocolaire.
Quelle formation est nécessaire pour devenir chef d’agrès SAV ?
ADC : La compétence de chef d’agrès lors d’une intervention de secours à victime est acquise pendant le cursus de formation pour devenir sous-officier. Dans les années 80, cette formation se passe au CFC (centre de formation des cadres) à Saint-Denis (93).
CCH : Il faut passer le BRECCH (brevet de caporal-chef), une formation de cinq semaines, également au CFC. Lors de ce stage, une partie des cours est donnée par des médecins et une semaine entière est dédiée au secours routier.