Grands formats — Cap au sud. La rédaction d’ALLO 18 est allée à la rencontre des marins-pompiers de Marseille. Un reportage pour découvrir en détails les arcanes du Bataillon.
Le saviez-vous ?
DIX TUYAUX DE MARIN !
Nous autres, sapeurs-pompiers de Paris, connaissons tous le bataillon de marins-pompiers de Marseille … Mais êtes-vous certains de bien le cerner ? Voici dix choses que vous ne savez (peut-être) pas sur le BMPM !
Le Bataillon est une unité militaire appartenant à la Marine nationale. Jusqu’ici, rien de nouveau… Mais saviez-vous que (1) le BMPM est mis à disposition pour emploi auprès du maire de la ville de Marseille ? Fort de plus de 2 600 militaires et civils, (2) le Bataillon est la plus grande unité de la Marine nationale ! En 2022, (3) les marins-pompiers de Marseille ont effectué plus de 128 000 interventions, soit une intervention toutes les quatre minutes !
L’aéroport de Marseille Provence, le site Airbus Helicopters, le grand port maritime de Marseille et le parc national des Calanques comptent parmi les sites stratégiques dont (4) le BMPM assure la sécurité. Expert en matière de réponse aux incendies de forêt, (5) le Bataillon contribue aussi, chaque année, aux renforts entre les départements de la zone Sud et à l’armement de moyens nationaux.
(6) Le BMPM est composé de dix-sept centres d’incendie et de secours intra-muros ! Saint-Antoine, Saumaty, Château-Gombert, Malpassé, La Bigue, Plombières, Saint-Just, Saint-Lazare et Frioul forment le groupement Nord, tandis que Canebière, Endoume, Saint-Pierre, Valbarelle, Saint-Menet, Louvain, Pointe-Rouge et Luminy forment le groupement Sud.
L’acronyme de « marin-pompier de Marseille » est MAPOM, à ne pas confondre avec MARPO, qui signifie « marin-pompier de la flotte » ! Les MARPO sont les pompiers des bases navales. Par ailleurs, (7) à l’image des officiers de l’armée de Terre appelés à servir quelques années à la Brigade avant de retourner dans l’armée régulière, des marins de la flotte, spécialistes dans leurs domaines, servent au Bataillon. Ils occupent des postes tels que pilote de bateau ou encore mécanicien de bord.
Au BMPM, (8) le service de garde est découpé en « sixièmes » ! Il s’agit de cycles de six jours qui se répètent indéfiniment ! En hiver : garde 24, repos 24, garde 24, repos 72, soit dix gardes par mois. En été : garde 24, repos 24, garde 24, astreinte ou garde 24, repos 48, soit quinze gardes par mois !
(9) Qu’est-ce que la CAPINAV ? Il s’agit de la « capacité nationale de renfort pour l’intervention à bord des navires » du BMPM ! Concrètement, 40 marins-pompiers sont projetables en deux heures, sur l’ensemble du territoire national, afin d’apporter l’expertise du BMPM en matière de secourisme, incendie, voie d’eau, de pollution et d’accident NRBC à bord d’un navire !
Enfin, pour assurer le soutien alimentaire des pompiers en intervention, (10) le BMPM dispose… d’un foodtruck ! L’engin est équipé d’une chambre froide en partie avant et d’une cuisine en partie arrière, avec tout le matériel nécessaire à la réalisation de sandwiches : plancha, friteuse et fourneau… Qu’on se le dise !
Texte : Sergent-chef Nicholas Bady
Centre d’incendie et de secours
POINTE-ROUGE !
Focus sur le CIS Pointe-Rouge avec le lieutenant de vaisseau Quentin Derval, chef de centre depuis septembre 2022.
Le centre d’incendie et de secours Pointe-Rouge est rattaché au groupement opérationnel Sud, entame le chef de centre. Nous sommes situés dans la partie Sud de Marseille à proximité du port de Pointe-Rouge et également du parc national des Calanques (voir carte ci-dessus) ». La caserne dispose d’un effectif de 84 marins-pompiers.
Une remise étincelante. « Pointe-Rouge est un outil ultra polyvalent et est devenue, au fil des années, une vitrine pour le BMPM, poursuit l’officier. Le CIS dispose d’un tronc commun à tous les autres centres de secours marseillais, à savoir un fourgon d’intervention (FI) et un VSAV. Ici, nous n’avons pas d’échelle car le quartier est essentiellement composé d’habitations individuelles. » Ce qui fait la particularité du centre de secours, c’est sa spécialité en secours aquatique et l’armement de la vedette SNSM de Marseille : La Bonne Mère de Marseille. « C’est une spécificité unique en France, souligne l’officier. La Bonne Mère de Marseille est armée exclusivement par des marins-pompiers, le reste des vedettes SNSM de France est armé par les bénévoles de l’association. » Pointe-Rouge dispose aussi, entre autres, d’une embarcation légère d’incendie et de secours (ELIS) dont la mission consiste à intervenir sur des opérations de protection des personnes, des biens et de l’environnement en mer. Dotée d’une lance canon d’un débit maximal de 1 300 litres par minute, l’ELIS peut lutter contre l’incendie d’embarcation, mais également projeter des équipes de sauveteurs aquatiques afin de récupérer des victimes en mer. En dehors de la remise « flottante », Pointe-Rouge dispose entre autres de trois camions citerne feux de forêt et même d’un VSAV monté en 4x4, permettant aux marins d’accéder aux lieux les plus reculés dans le fameux massif des Calanques.
Une vague rouge. Sur les 84 marins que compte le centre de secours Pointe-Rouge, 35 sont formés aux techniques de sauvetage aquatique. Parmi eux, 30 ont également la qualification « plongeur ». Ils sont une véritable force pour le commandement. Chaque jour, sur les 20 marins de garde, le lieutenant de vaisseau Quentin Derval doit compter en permanence sur six plongeurs. Trois d’entre eux arment La Bonne Mère de Marseille avec deux autres marins-pompiers, tandis que les trois autres plongeurs sont affectés au fourgon d’intervention. « Si Pointe-Rouge est sollicitée pour une intervention aquatique, les trois plongeurs du FI arment alors un moyen nautique, ELIS ou ESL (embarcation de sauvetage légère) en complément de la vedette SNSM » explique l’officier. Tout simplement. De même lorsqu’il y a un départ pour feu de forêt, les deux CCF sont armés par les équipes du fourgon. C’est une vraie gymnastique organisationnelle qui permet une flexibilité dans la gestion des interventions particulières.
Texte : Caporal Jean Flye
Embarcation de transport, d’incendie et de secours — ETIS
PLEINE PUISSANCE !
Au centre de secours de la Bigue, le Lacydon est la dernière-née des embarcations du BMPM. Située entre l’imposant bateau-pompe et l’agile embarcation légère d’incendie et de secours, l’ETIS dispose, elle aussi, d’arguments solides. Attention à la vague !
Avec près de 57 kilomètres de littoral, deux archipels, trois cours d’eau et le premier port de plaisance de la Méditerranée, le BMPM est logiquement doté d’une section opérationnelle spécialisée « interventions maritimes ». Ses missions ? L’assistance et le secours aux embarcations, le sauvetage côtier, les feux d’embarcation à quai et en mer ainsi que les interventions subaquatiques.
Véloce. Pour réaliser ses missions, le BMPM dispose entre autres d’un outil ultra polyvalent : l’ETIS. Réalisées en aluminium, ces embarcations mesurent près de douze mètres de long pour quatre mètres de large. Elles peuvent atteindre la vitesse maximale de 34 nœuds (soit près de 63 kilomètres par heure, pour les marins d’eau douce…).
Née pour sauver. Au centre de secours de la Bigue, à Marseille, le Lacydon est la dernière arrivée, fin 2022. Actuellement, trois ETIS sont en service, mais avant le début des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, le Bataillon devrait en disposer de deux supplémentaires ! Le Lacydon est complètement optimisé pour répondre à la sollicitation opérationnelle. Sa capacité de sauvetage s’est nettement développée par rapport à celle de ses sœurs ainées. En complément de deux radeaux de survie de douze places déjà présents, deux plateformes de recueil de vingt places sont installées dans les coffrages à l’arrière. Une potence permet également de faciliter le hissage des naufragés. De plus, elle a été dotée d’une porte intégrée à la coque avec une échelle pour permettre aux naufragés de monter aisément à bord.
Agile. L’une de ses particularités réside dans son très faible tirant d’eau de 65 centimètres, lui permettant de naviguer aisément dans des endroits de faible profondeur. Pour déplacer la bête, deux moteurs diesel de 425 chevaux sont installés. En plus, deux hydrojets permettent au pilote de naviguer en latéral, mais également de rester statique sans avoir à amarrer l’embarcation.
Puissante. Côté incendie, le Lacydon est capable d’embarquer douze marins-pompiers. Les ETIS sont équipées d’un canon à eau et mousse pouvant projeter 1 500 litres d’eau par minute ! Un réservoir d’émulseur de 220 litres complète le dispositif. Pour faciliter l’extinction, les ETIS disposent d’une caméra thermique d’excellente qualité avec report de l’image dans la cabine de pilotage. Les ETIS bénéficient en outre d’une protection thermique par rideau d’eau. Cette embarcation de dernière génération remplit tous les critères pour devenir la clé du sauvetage aquatique de demain. L’ETIS est prête à naviguer durant de belles années !
Texte : Caporal Jean Flye
Grades et fonctions
C’EST LE POMPON !
Pour les terriens (comprendre : les soldats de l’armée de Terre), la compréhension des grades et fonctions des marins de la Marine nationale demande un peu d’adaptation. Nous avons voulu faire le point.
Le commandant en second du BMPM, par exemple, porte des galons de colonel, est capitaine de vaisseau, mais on l’appelle « commandant »… Alors, comment ne pas se tromper ? En fait, c’est assez simple. Dans la Marine nationale, on porte un grade, mais on se fait surtout appeler par sa fonction.
L’équipage. Commençons par la base, les matelots. Le major Xavier Dumur, 30 ans de service, dont 28 au BMPM, nous explique le fonctionnement, « Notre modèle opérationnel est calqué sur celui de la sécurité civile, tandis que notre évolution de carrière sur celui de la Marine nationale entame le marin. Au Bataillon, nous commençons matelot de deuxième classe. Un matelot prend des fonctions d’équipier sur les engins d’incendie, dans les VSAV et dans les engins spéciaux. Nous n’avons pas de « remisard », chaque marin-pompier dans son cursus d’avancement va être amené à devenir conducteur poids lourds, entre les grades de quartier-maître de seconde et de première classe. C’est un prérequis pour accéder aux fonctions de chef d’agrès. C’est une force, car lorsqu’on devient chef d’agrès d’un engin, nous connaissons son fonctionnement par cœur », poursuit le major.
Les officiers mariniers. L’étape suivante est l’accès au brevet d’aptitude technique pour devenir second maître (sergent) : « cette formation inclut la formation de chef d’agrès d’une équipe et celle de chef d’équipe incendie » continue l’officier marinier. À la fin de sa formation, le second maître devient donc chef d’agrès au VSAV, au VPI (1), au CCF (2) et à l’échelle entre autres. Il est encore régulièrement conducteur, mais le plus souvent à bord d’engins spéciaux comme les moyens élévateurs aériens ou le CCFS (3). « Les officiers mariniers ont une plus grande ancienneté en tant que conducteurs. » Dans la Marine nationale, « nous avons une obligation d’évolution. Un quartier-maître de première classe par exemple ne peut pas aller jusqu’à 20 ans de service, comme il est possible dans l’armée de Terre », explique l’officier marinier. Généralement avant ses 32 ans, soit à plus ou moins dix ans de service, le second maître accède au brevet supérieur. Ce brevet permet de devenir cadre des officiers mariniers de Maistrance. Il devient alors maître (sergent-chef) et occupe la fonction de chef d’agrès deux équipes, au fourgon d’intervention, mais aussi à tous les engins spéciaux. Il peut également commander un feu de forêt composé de deux CCF à une équipe. On l’appelle « Patron », et c’est plutôt classe !
Après neuf années en tant que maître, les marins peuvent postuler au cours de cadre de maîtrise pour devenir premier maître (adjudant) puis maître principal (adjudant-chef). À la fin de cette formation, ils reçoivent le certificat supérieur de spécialité, leur donnant l’attribution de la fonction chef de groupe (chef de garde). « Réglementairement, un chef de groupe peut commander deux groupes, soit l’équivalent de trois à huit engins » indique le major. Et le grade ultime, ce sont les majors. Les maîtres principaux peuvent passer les épreuves de sélection professionnelles pour y parvenir. « En tant que major, nous passons les diplômes pour devenir chef de colonne (officier de garde compagnie). » Au Bataillon, un major peut devenir chef d’un centre d’incendie et de secours. Sur les seize centres que compte le bataillon, huit d’entre eux ont, comme chef, un major.
Les officiers. Nous avons demandé l’expertise du président des officiers du BMPM, le capitaine de corvette (appelé commandant) Christophe Vilpellet, chef du centre d’entraînement aux techniques de survie. Pour comprendre les grades d’officiers, il faut revenir sur l’histoire de la marine à voile sous Richelieu et Colbert. « Ce qui compte, c’est la taille du navire. À l’époque, il existait trois types de navires, la corvette, la frégate et le vaisseau. Au BMPM, les enseignes de vaisseau de deuxième et de première classe (lieutenant) peuvent être adjoints d’un centre d’incendie et de secours et opérationnellement, chef de groupe. » Ensuite, les lieutenants de vaisseau que l’on appelle « capitaine » sont chefs de centre et également chefs de colonne sur intervention. « Pour les officiers supérieurs, c’est très simple, ils sont tous commandants, car ils commandent des navires plus ou moins gros », évoque le commandant. Le capitaine de corvette est chef de colonne, aspirant à la fonction chef de site, et le capitaine de frégate (lieutenant-colonel), chef de site (officier supérieur de garde). Quant au capitaine de vaisseau, « au Bataillon, il n’y en a qu’un, c’est le commandant en second, il est aussi chef d’état-major ». Pour finir, du côté des officiers généraux, c’est à peu près comme dans l’armée de Terre, on les appelle tous « amiral ». Mais en vérité, le seul amiral est le chef d’état-major de la Marine nationale, l’amiral Pierre Vandier. Le Bataillon est quant à lui commandé depuis le 1er juillet 2022 par le vice-amiral Lionel Mathieu. Il est aussi le commandant de l’école des marins-pompiers de la Marine et le commandant de la Marine à Marseille. Voilà ! Nous espérons avoir pu vous éclairer un peu sur le fonctionnement de cette unité particulière…
Et comme on dit chez nous, à Paris, Fluctuat Nec Mergitur !
(1) VPI : véhicule de première intervention — (2) CCF : camion citerne feu de forêt — (3) CCFS : camion citerne feu de forêt super