SPÉCIAL BMPM (2) — À la découverte du bataillon de marins-pompiers de Marseille

 — Modi­fiée le 25 juillet 2024 à 09 h 10 

Grands formats — Cap au sud. La rédaction d’ALLO 18 est allée à la rencontre des marins-pompiers de Marseille. Un reportage pour découvrir en détails les arcanes du Bataillon.

Le saviez-vous ?

DIX TUYAUX DE MARIN !

Nous autres, sapeurs-pompiers de Paris, connaissons tous le bataillon de marins-pompiers de Marseille … Mais êtes-vous certains de bien le cerner ? Voici dix choses que vous ne savez (peut-être) pas sur le BMPM !

Le Bataillon est une uni­té mili­taire appar­te­nant à la Marine natio­nale. Jusqu’ici, rien de nou­veau… Mais saviez-vous que (1) le BMPM est mis à dis­po­si­tion pour emploi auprès du maire de la ville de Mar­seille ? Fort de plus de 2 600 mili­taires et civils, (2) le Bataillon est la plus grande uni­té de la Marine natio­nale ! En 2022, (3) les marins-pom­piers de Mar­seille ont effec­tué plus de 128 000 inter­ven­tions, soit une inter­ven­tion toutes les quatre minutes !
L’aéroport de Mar­seille Pro­vence, le site Air­bus Heli­cop­ters, le grand port mari­time de Mar­seille et le parc natio­nal des Calanques comptent par­mi les sites stra­té­giques dont (4) le BMPM assure la sécu­ri­té. Expert en matière de réponse aux incen­dies de forêt, (5) le Bataillon contri­bue aus­si, chaque année, aux ren­forts entre les dépar­te­ments de la zone Sud et à l’armement de moyens natio­naux.
(6) Le BMPM est com­po­sé de dix-sept centres d’incendie et de secours intra-muros ! Saint-Antoine, Sau­ma­ty, Châ­teau-Gom­bert, Mal­pas­sé, La Bigue, Plom­bières, Saint-Just, Saint-Lazare et Frioul forment le grou­pe­ment Nord, tan­dis que Cane­bière, Endoume, Saint-Pierre, Val­ba­relle, Saint-Menet, Lou­vain, Pointe-Rouge et Lumi­ny forment le grou­pe­ment Sud.
L’acronyme de « marin-pom­pier de Mar­seille » est MAPOM, à ne pas confondre avec MARPO, qui signi­fie « marin-pom­pier de la flotte » ! Les MARPO sont les pom­piers des bases navales. Par ailleurs, (7) à l’image des offi­ciers de l’armée de Terre appe­lés à ser­vir quelques années à la Bri­gade avant de retour­ner dans l’armée régu­lière, des marins de la flotte, spé­cia­listes dans leurs domaines, servent au Bataillon. Ils occupent des postes tels que pilote de bateau ou encore méca­ni­cien de bord.
Au BMPM, (8) le ser­vice de garde est décou­pé en « sixièmes » ! Il s’agit de cycles de six jours qui se répètent indé­fi­ni­ment ! En hiver : garde 24, repos 24, garde 24, repos 72, soit dix gardes par mois. En été : garde 24, repos 24, garde 24, astreinte ou garde 24, repos 48, soit quinze gardes par mois !
(9) Qu’est-ce que la CAPINAV ? Il s’agit de la « capa­ci­té natio­nale de ren­fort pour l’intervention à bord des navires » du BMPM ! Concrè­te­ment, 40 marins-pom­piers sont pro­je­tables en deux heures, sur l’ensemble du ter­ri­toire natio­nal, afin d’apporter l’expertise du BMPM en matière de secou­risme, incen­die, voie d’eau, de pol­lu­tion et d’accident NRBC à bord d’un navire !
Enfin, pour assu­rer le sou­tien ali­men­taire des pom­piers en inter­ven­tion, (10) le BMPM dis­pose… d’un food­truck ! L’engin est équi­pé d’une chambre froide en par­tie avant et d’une cui­sine en par­tie arrière, avec tout le maté­riel néces­saire à la réa­li­sa­tion de sand­wiches : plan­cha, fri­teuse et four­neau… Qu’on se le dise ! 

Texte : Sergent-chef Nicholas Bady

Cli­quez sur la carte pour l’agrandir

Centre d’incendie et de secours

POINTE-ROUGE !

Focus sur le CIS Pointe-Rouge avec le lieutenant de vaisseau Quentin Derval, chef de centre depuis septembre 2022.

Le centre d’incendie et de secours Pointe-Rouge est rat­ta­ché au grou­pe­ment opé­ra­tion­nel Sud, entame le chef de centre. Nous sommes situés dans la par­tie Sud de Mar­seille à proxi­mi­té du port de Pointe-Rouge et éga­le­ment du parc natio­nal des Calanques (voir carte ci-des­sus) ». La caserne dis­pose d’un effec­tif de 84 marins-pompiers.

Une remise étin­ce­lante. « Pointe-Rouge est un outil ultra poly­va­lent et est deve­nue, au fil des années, une vitrine pour le BMPM, pour­suit l’officier. Le CIS dis­pose d’un tronc com­mun à tous les autres centres de secours mar­seillais, à savoir un four­gon d’intervention (FI) et un VSAV. Ici, nous n’avons pas d’échelle car le quar­tier est essen­tiel­le­ment com­po­sé d’habitations indi­vi­duelles. » Ce qui fait la par­ti­cu­la­ri­té du centre de secours, c’est sa spé­cia­li­té en secours aqua­tique et l’armement de la vedette SNSM de Mar­seille : La Bonne Mère de Mar­seille. « C’est une spé­ci­fi­ci­té unique en France, sou­ligne l’officier. La Bonne Mère de Mar­seille est armée exclu­si­ve­ment par des marins-pom­piers, le reste des vedettes SNSM de France est armé par les béné­voles de l’association. » Pointe-Rouge dis­pose aus­si, entre autres, d’une embar­ca­tion légère d’incendie et de secours (ELIS) dont la mis­sion consiste à inter­ve­nir sur des opé­ra­tions de pro­tec­tion des per­sonnes, des biens et de l’environnement en mer. Dotée d’une lance canon d’un débit maxi­mal de 1 300 litres par minute, l’ELIS peut lut­ter contre l’incendie d’embarcation, mais éga­le­ment pro­je­ter des équipes de sau­ve­teurs aqua­tiques afin de récu­pé­rer des vic­times en mer. En dehors de la remise « flot­tante », Pointe-Rouge dis­pose entre autres de trois camions citerne feux de forêt et même d’un VSAV mon­té en 4x4, per­met­tant aux marins d’accéder aux lieux les plus recu­lés dans le fameux mas­sif des Calanques.
Une vague rouge. Sur les 84 marins que compte le centre de secours Pointe-Rouge, 35 sont for­més aux tech­niques de sau­ve­tage aqua­tique. Par­mi eux, 30 ont éga­le­ment la qua­li­fi­ca­tion « plon­geur ». Ils sont une véri­table force pour le com­man­de­ment. Chaque jour, sur les 20 marins de garde, le lieu­te­nant de vais­seau Quen­tin Der­val doit comp­ter en per­ma­nence sur six plon­geurs. Trois d’entre eux arment La Bonne Mère de Mar­seille avec deux autres marins-pom­piers, tan­dis que les trois autres plon­geurs sont affec­tés au four­gon d’intervention. « Si Pointe-Rouge est sol­li­ci­tée pour une inter­ven­tion aqua­tique, les trois plon­geurs du FI arment alors un moyen nau­tique, ELIS ou ESL (embar­ca­tion de sau­ve­tage légère) en com­plé­ment de la vedette SNSM » explique l’officier. Tout sim­ple­ment. De même lorsqu’il y a un départ pour feu de forêt, les deux CCF sont armés par les équipes du four­gon. C’est une vraie gym­nas­tique orga­ni­sa­tion­nelle qui per­met une flexi­bi­li­té dans la ges­tion des inter­ven­tions particulières. 

Texte : Caporal Jean Flye

Embarcation de transport, d’incendie et de secours — ETIS

PLEINE PUISSANCE !

Au centre de secours de la Bigue, le Lacydon est la dernière-née des embarcations du BMPM. Située entre l’imposant bateau-pompe et l’agile embarcation légère d’incendie et de secours, l’ETIS dispose, elle aussi, d’arguments solides. Attention à la vague !

Avec près de 57 kilo­mètres de lit­to­ral, deux archi­pels, trois cours d’eau et le pre­mier port de plai­sance de la Médi­ter­ra­née, le BMPM est logi­que­ment doté d’une sec­tion opé­ra­tion­nelle spé­cia­li­sée « inter­ven­tions mari­times ». Ses mis­sions ? L’assistance et le secours aux embar­ca­tions, le sau­ve­tage côtier, les feux d’embarcation à quai et en mer ain­si que les inter­ven­tions subaquatiques.

Véloce. Pour réa­li­ser ses mis­sions, le BMPM dis­pose entre autres d’un outil ultra poly­va­lent : l’ETIS. Réa­li­sées en alu­mi­nium, ces embar­ca­tions mesurent près de douze mètres de long pour quatre mètres de large. Elles peuvent atteindre la vitesse maxi­male de 34 nœuds (soit près de 63 kilo­mètres par heure, pour les marins d’eau douce…).

Née pour sau­ver. Au centre de secours de la Bigue, à Mar­seille, le Lacy­don est la der­nière arri­vée, fin 2022. Actuel­le­ment, trois ETIS sont en ser­vice, mais avant le début des Jeux Olym­piques et Para­lym­piques 2024, le Bataillon devrait en dis­po­ser de deux sup­plé­men­taires ! Le Lacy­don est com­plè­te­ment opti­mi­sé pour répondre à la sol­li­ci­ta­tion opé­ra­tion­nelle. Sa capa­ci­té de sau­ve­tage s’est net­te­ment déve­lop­pée par rap­port à celle de ses sœurs ainées. En com­plé­ment de deux radeaux de sur­vie de douze places déjà pré­sents, deux pla­te­formes de recueil de vingt places sont ins­tal­lées dans les cof­frages à l’arrière. Une potence per­met éga­le­ment de faci­li­ter le his­sage des nau­fra­gés. De plus, elle a été dotée d’une porte inté­grée à la coque avec une échelle pour per­mettre aux nau­fra­gés de mon­ter aisé­ment à bord.

Agile. L’une de ses par­ti­cu­la­ri­tés réside dans son très faible tirant d’eau de 65 cen­ti­mètres, lui per­met­tant de navi­guer aisé­ment dans des endroits de faible pro­fon­deur. Pour dépla­cer la bête, deux moteurs die­sel de 425 che­vaux sont ins­tal­lés. En plus, deux hydro­jets per­mettent au pilote de navi­guer en laté­ral, mais éga­le­ment de res­ter sta­tique sans avoir à amar­rer l’embarcation.

Puis­sante. Côté incen­die, le Lacy­don est capable d’embarquer douze marins-pom­piers. Les ETIS sont équi­pées d’un canon à eau et mousse pou­vant pro­je­ter 1 500 litres d’eau par minute ! Un réser­voir d’émulseur de 220 litres com­plète le dis­po­si­tif. Pour faci­li­ter l’extinction, les ETIS dis­posent d’une camé­ra ther­mique d’excellente qua­li­té avec report de l’image dans la cabine de pilo­tage. Les ETIS béné­fi­cient en outre d’une pro­tec­tion ther­mique par rideau d’eau. Cette embar­ca­tion de der­nière géné­ra­tion rem­plit tous les cri­tères pour deve­nir la clé du sau­ve­tage aqua­tique de demain. L’ETIS est prête à navi­guer durant de belles années ! 

Texte : Caporal Jean Flye

Grades et fonctions

C’EST LE POMPON !

Pour les terriens (comprendre : les soldats de l’armée de Terre), la compréhension des grades et fonctions des marins de la Marine nationale demande un peu d’adaptation. Nous avons voulu faire le point.

Le com­man­dant en second du BMPM, par exemple, porte des galons de colo­nel, est capi­taine de vais­seau, mais on l’appelle « com­man­dant »… Alors, com­ment ne pas se trom­per ? En fait, c’est assez simple. Dans la Marine natio­nale, on porte un grade, mais on se fait sur­tout appe­ler par sa fonction.

L’équipage. Com­men­çons par la base, les mate­lots. Le major Xavier Dumur, 30 ans de ser­vice, dont 28 au BMPM, nous explique le fonc­tion­ne­ment, « Notre modèle opé­ra­tion­nel est cal­qué sur celui de la sécu­ri­té civile, tan­dis que notre évo­lu­tion de car­rière sur celui de la Marine natio­nale entame le marin. Au Bataillon, nous com­men­çons mate­lot de deuxième classe. Un mate­lot prend des fonc­tions d’équipier sur les engins d’incendie, dans les VSAV et dans les engins spé­ciaux. Nous n’avons pas de « remi­sard », chaque marin-pom­pier dans son cur­sus d’avancement va être ame­né à deve­nir conduc­teur poids lourds, entre les grades de quar­tier-maître de seconde et de pre­mière classe. C’est un pré­re­quis pour accé­der aux fonc­tions de chef d’agrès. C’est une force, car lorsqu’on devient chef d’agrès d’un engin, nous connais­sons son fonc­tion­ne­ment par cœur », pour­suit le major.

Le capi­taine de cor­vette Chris­tophe Vil­pel­let et le major Xavier DUMUR.

Les offi­ciers mari­niers. L’étape sui­vante est l’accès au bre­vet d’aptitude tech­nique pour deve­nir second maître (ser­gent) : « cette for­ma­tion inclut la for­ma­tion de chef d’agrès d’une équipe et celle de chef d’équipe incen­die » conti­nue l’officier mari­nier. À la fin de sa for­ma­tion, le second maître devient donc chef d’agrès au VSAV, au VPI (1), au CCF (2) et à l’échelle entre autres. Il est encore régu­liè­re­ment conduc­teur, mais le plus sou­vent à bord d’engins spé­ciaux comme les moyens élé­va­teurs aériens ou le CCFS (3). « Les offi­ciers mari­niers ont une plus grande ancien­ne­té en tant que conduc­teurs. » Dans la Marine natio­nale, « nous avons une obli­ga­tion d’évolution. Un quar­tier-maître de pre­mière classe par exemple ne peut pas aller jusqu’à 20 ans de ser­vice, comme il est pos­sible dans l’armée de Terre », explique l’officier mari­nier. Géné­ra­le­ment avant ses 32 ans, soit à plus ou moins dix ans de ser­vice, le second maître accède au bre­vet supé­rieur. Ce bre­vet per­met de deve­nir cadre des offi­ciers mari­niers de Mais­trance. Il devient alors maître (ser­gent-chef) et occupe la fonc­tion de chef d’agrès deux équipes, au four­gon d’intervention, mais aus­si à tous les engins spé­ciaux. Il peut éga­le­ment com­man­der un feu de forêt com­po­sé de deux CCF à une équipe. On l’appelle « Patron », et c’est plu­tôt classe !
Après neuf années en tant que maître, les marins peuvent pos­tu­ler au cours de cadre de maî­trise pour deve­nir pre­mier maître (adju­dant) puis maître prin­ci­pal (adju­dant-chef). À la fin de cette for­ma­tion, ils reçoivent le cer­ti­fi­cat supé­rieur de spé­cia­li­té, leur don­nant l’attribution de la fonc­tion chef de groupe (chef de garde). « Régle­men­tai­re­ment, un chef de groupe peut com­man­der deux groupes, soit l’équivalent de trois à huit engins » indique le major. Et le grade ultime, ce sont les majors. Les maîtres prin­ci­paux peuvent pas­ser les épreuves de sélec­tion pro­fes­sion­nelles pour y par­ve­nir. « En tant que major, nous pas­sons les diplômes pour deve­nir chef de colonne (offi­cier de garde com­pa­gnie). » Au Bataillon, un major peut deve­nir chef d’un centre d’incendie et de secours. Sur les seize centres que compte le bataillon, huit d’entre eux ont, comme chef, un major.

Les offi­ciers. Nous avons deman­dé l’expertise du pré­sident des offi­ciers du BMPM, le capi­taine de cor­vette (appe­lé com­man­dant) Chris­tophe Vil­pel­let, chef du centre d’entraînement aux tech­niques de sur­vie. Pour com­prendre les grades d’officiers, il faut reve­nir sur l’histoire de la marine à voile sous Riche­lieu et Col­bert. « Ce qui compte, c’est la taille du navire. À l’époque, il exis­tait trois types de navires, la cor­vette, la fré­gate et le vais­seau. Au BMPM, les enseignes de vais­seau de deuxième et de pre­mière classe (lieu­te­nant) peuvent être adjoints d’un centre d’incendie et de secours et opé­ra­tion­nel­le­ment, chef de groupe. » Ensuite, les lieu­te­nants de vais­seau que l’on appelle « capi­taine » sont chefs de centre et éga­le­ment chefs de colonne sur inter­ven­tion. « Pour les offi­ciers supé­rieurs, c’est très simple, ils sont tous com­man­dants, car ils com­mandent des navires plus ou moins gros », évoque le com­man­dant. Le capi­taine de cor­vette est chef de colonne, aspi­rant à la fonc­tion chef de site, et le capi­taine de fré­gate (lieu­te­nant-colo­nel), chef de site (offi­cier supé­rieur de garde). Quant au capi­taine de vais­seau, « au Bataillon, il n’y en a qu’un, c’est le com­man­dant en second, il est aus­si chef d’état-major ». Pour finir, du côté des offi­ciers géné­raux, c’est à peu près comme dans l’armée de Terre, on les appelle tous « ami­ral ». Mais en véri­té, le seul ami­ral est le chef d’état-major de la Marine natio­nale, l’amiral Pierre Van­dier. Le Bataillon est quant à lui com­man­dé depuis le 1er juillet 2022 par le vice-ami­ral Lio­nel Mathieu. Il est aus­si le com­man­dant de l’école des marins-pom­piers de la Marine et le com­man­dant de la Marine à Mar­seille. Voi­là ! Nous espé­rons avoir pu vous éclai­rer un peu sur le fonc­tion­ne­ment de cette uni­té par­ti­cu­lière…
Et comme on dit chez nous, à Paris, Fluc­tuat Nec Mergitur !

(1) VPI : véhi­cule de pre­mière inter­ven­tion — (2) CCF : camion citerne feu de forêt — (3) CCFS : camion citerne feu de forêt super

Texte : Caporal Jean Flye
Photos : Sergent-chef Nicholas Bady


Retour en haut