Web-série — « Pour entrer chez les pompiers de Paris, il faut être un sportif de haut niveau… » Pas si sûr. En revanche, avoir le goût de l’effort, l’envie de se dépasser, la volonté de progresser sont des valeurs intrinsèques de réussite dans cette profession. Mais alors quel rôle revêt le sport ? Tous les sports se valent-ils pour être efficace sur intervention ? Zoom sur une préparation physique singulière et reconnue…
Deux heures du matin. Après une belle journée de garde, le départ normal retentit dans un centre de secours parisien. Le chef d’agrès du premier PS indique aux soldats du feu de nombreux appels… Le réveil difficile est déjà oublié. L’équipage est attentif et soucieux d’arriver prêt sur cet incendie. Déjà au bout de la rue, on voit les flammes et l’épaisse fumée noire s’échapper d’un immeuble de six étages. Le chef d’agrès commande à la première équipe une lance tandis que la seconde doit s’armer d’une échelle à crochet. Le conducteur n’est pas en reste : il devra redoubler d’efforts pour alimenter seul son engin. Pour toutes ces actions intenses, parfois périlleuses et à exécuter avec grand professionnalisme, le pompier de Paris doit pouvoir se raccrocher à un enseignement quotidien : le travail de sa condition physique. L’intervention, c’est l’heure de vérité, c’est le moment où la population mettra tous ses espoirs entre les mains des anges gardiens de la capitale. Bien sûr, l’adrénaline pourra aider dans certaines phases difficiles mais elle ne sera pas suffisante si l’effort n’a pas été consenti auparavant.
UNE CULTURE DE L’ÉPREUVE
La préparation physique permet de développer le goût de l’effort individuel et d’accentuer les valeurs de dépassement de soi, utiles à la résilience de chacun. Cela peut avoir un effet sur la motivation personnelle et de surcroît, un effet salvateur pour le groupe. « Seul on va plus vite ; ensemble, on va plus loin », dit le célèbre proverbe. Et c’est en quelque sorte la clé de la réussite de la BSPP.
Dès l’entrée au fort de Villeneuve-Saint-Georges, la jeune recrue sera confrontée à diverses épreuves : course à pied, tractions, parcours pompier et l’épreuve mythique de la planche !
QUELLE PRÉPARATION PHYSIQUE ADOPTER ?
Le matin, lors du traditionnel footing, à la piscine de manière plus individuelle ou chez soi durant les jours de repos, le pompier de Paris affine sa préparation physique malgré des contraintes parfois difficilement lisibles : piquets, fatigue, trajets, épreuves sportives, examens, vie personnelle… Sans oublier les aléas des interventions. Mais gare à l’intensité ! Bien se préparer est une chose mais attention aux excès de zèle, sinon le pompier peut se retrouver totalement inefficace sur intervention. Ce qui serait contraire à son devoir d’efficience. Il est donc recommandé au jeune qui arrive en compagnie de ne pas tenter de rivaliser avec les plus anciens. Il doit « simplement » démontrer les efforts qu’il produit et progresser avec régularité. Une attitude qui lui garantit une réussite dans la durée.
L’activité de cross-training est un bon exemple. Ce sport complet et utile doit néanmoins être appréhendé avec une dose d’intelligence de situation. La combinaison d’exercices athlétiques, de puissance et d’endurance demande beaucoup de constance pour souvent aller jusqu’à l’épuisement. Il convient donc de minimiser les risques de blessures liés à ce type de surentraînement.
Le footing matinal est essentiel pour garantir un bon niveau de résistance à l’effort lors des montées d’escaliers parfois longues, l’alimentation d’un engin ou l’établissement d’une lance sur plusieurs étages. Il peut également avoir pour vertu de faire découvrir ou approfondir la connaissance du secteur de compétence.
Les manœuvres font également partie intégrante de la préparation physique. Répéter inlassablement les gestes jusqu’à obtenir un automatisme demande un mélange salvateur d’efforts et de concentration. Exercice difficile mais essentiel à la qualité des interventions.
ET SI L’ON QUITTAIT UN PEU LA CASERNE…
Les activités de cohésion sont très appréciables dans la vie du groupe. Alors, sortir du secteur pour parcourir à vélo l’une des nombreuses forêts d’Île-de-France, enchaîner sur un parcours d’escalade, sans oublier un déjeuner champêtre entre camarades, autant de moments d’évasion où l’esprit de corps, la fraternité et l’effort collectif se révèlent. Ces sorties garantissent un bol d’oxygène utile pour une bonne santé physique et psychique.
LA RÉCUPÉRATION : UN FONDAMENTAL SOUVENT OUBLIÉ
S’entraîner dur, se dépasser, oui mais sans oublier que la performance passe par un pilier essentiel : la récupération. Pas facile quand on vit sur le rythme éreintant du sapeur-pompier. Et pourtant, il faut durer aussi bien sur le temps de garde, au cours d’une intervention difficile (reconditionnement) que sur les nombreuses années d’engagement. La récupération permet au corps de gagner en mobilité et en souplesse et de diminuer les tensions musculaires et le stress. En somme, en augmentant le potentiel physique, on diminue le risque de blessures.
Plusieurs études sur le sommeil ont été réalisées au sein de la BSPP. Cela a permis d’évaluer la prévalence des troubles du sommeil et leurs conséquences sur les capacités opérationnelles. In fine, les mentalités changent et de bonnes pratiques se mettent en place dans les centres de secours. La préparation physique, bien gérée, a de belles années devant elle : un corps vaillant pour un corps d’élite pérenne.
GRIMPER LA TOUR EIFFEL…
Expérience unique en son genre, la montée de la tour Eiffel sous forme de cordée est réservée aux initiés : le groupe de recherche et d’intervention en milieu périlleux (GRIMP). Entre ascension de la Dame de fer par l’extérieur, épreuve mythique de la poudre suspendue à 80 mètres de hauteur ou encore la descente en chute libre, les sensations ne manquent pas. Le SCH Delphine S., spécialiste du GRIMP, nous donne sa perception.
Quelle sensation avez-vous éprouvée lors de votre première ascension ?
Ma première ascension de la tour Eiffel a mélangé excitation et doute. Excitation de par la symbolique qu’elle représente. Monument historique de la capitale et site touristique de premier plan, son ascension par sa structure extérieure n’était pas physiquement inaccessible mais cette pratique reste limitée. Donc, il y avait de l’excitation d’avoir cette opportunité unique dont je mesure la qualité. Mais le doute était également présent car il s’agit d’une ascension encordée dont la moindre inattention de ma part aurait eu des conséquences pour les autres. Cela m’a demandé de faire preuve de confiance en moi et dans mes compagnons de cordée. C’est finalement un sentiment de fierté et de satisfaction que j’ai ressentis une fois cette première ascension faite.
La mythique épreuve de la poutre a‑t-elle été un obstacle de taille à affronter ?
L’épreuve de la poutre reste un obstacle redouté lors des sélections GRIMP car, à l’instar des autres épreuves, nous ne voulons pas échouer. Située au premier étage de la tour Eiffel, elle demande équilibre, agilité et confiance. Lors de mes tests, nous passions cette épreuve au petit matin, après une nuit dans les catacombes. Les treillis mouillés, il a fallu davantage contrôler les tremblements des genoux liés au froid qu’à la peur de chuter. Mais c’est une belle satisfaction de réussir l’aller-retour avec le petit plus de sentir les premiers rayons du soleil traversant le maillage de la Dame de fer.
Que vous apporte, d’un point de vue opérationnel, cet exercice de montée de la tour Eiffel ?
Lors des sélections GRIMP, je trouve que les exercices pratiqués sur la tour Eiffel sont des bons moyens de tester les candidats sur plusieurs facultés intrinsèques telles que l’appréhension du vide, l’agilité et la dextérité. La dimension opérationnelle prend son importance lorsque l’on intègre la spécialité car ce symbole le parisien, site sensible lors d’interventions de tout genre, devient un réel outil indispensable à la préparation opérationnelle du personnel du GRIMP.
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