#BrigadeInside — La tour d’instruction valorisée (TIVAL) de la 15e compagnie permet de simuler une intervention de façon étonnement réaliste… L’investissement de sapeurs-pompiers passionnés par leur métier et quelques astuces ingénieuses, judicieusement associés aux retours d’expériences, font de TIVAL un redoutable outil de préparation opérationnelle. Explications.
À première vue, la tour d’instruction du centre de secours Champigny ressemble à toutes les autres. D’un gris béton délavé et entourée de graviers, ses quelques balcons permettent sans aucun doute de manœuvrer des échelles à mains ou le lot de sauvetage et de protection contre les chutes, de faire quelques reconnaissances, du secours à victime ou une manœuvre incendie classique et bien connue de tous. Cependant, quelques détails attirent notre attention. La tour possède portes et fenêtres, dont certaines ouvertures semblent modulables. Des QR codes fleurissent un peu partout dans le bâtiment, qui sent bon la fumée d’incendie… Finalement, cette tour de manœuvre ne semble pas tout à fait comme les autres. Mais alors, pourquoi parle-t-on de tour d’instruction valorisée ? « Parce que nous sommes partis de la tour d’instruction existante, indique le capitaine Valentin F., deuxième adjoint à la 15e compagnie et instigateur du projet, que nous avons optimisée en incrémentant des modules divers et variés, comme une fausse installation de gaz alimentée en air comprimé. » Quant aux coffrets gaz et électricité, un ingénieux système d’aimants et de faux mobilier urbain permet d’en modifier la localisation. « Du CT1 au servant en passant par le chef d’équipe, chaque action nécessite de la réflexion de la part de celui qui manœuvre, souligne le capitaine. Pour barrer le gaz ou actionner un tirer-lâcher, il faut d’abord véritablement chercher son emplacement ! » Forcer la réflexion est clairement une des plus-values de cette tour d’instruction. Mais pas seulement. Du mobilier jusqu’à l’exutoire, en passant par le grand brûleur (GB) permettant de simuler une fumée chaude, tout l’équipement de la tour est pensé pour recréer l’environnement d’une intervention au plus proche de la réalité.
RÉALISME ET MODULARITÉ
Ce projet, en développement depuis maintenant deux ans, fait écho à une recommandation précise : « nous nous inscrivons dans la continuité de ce que demande le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), affirme le capitaine F. C’est-à-dire “hausser le niveau d’exigence de la préparation opérationnelle pour forger des hommes capables de combattre jusque dans les champs les plus durs de la conflictualité.” Avec TIVAL, nous entraînons nos sapeurs-pompiers dans les conditions les plus proches d’une intervention réelle, tout simplement afin de les rendre plus efficaces sur un véritable incendie ».
Avec une cage d’escalier, un sous-sol, plusieurs étages, des fenêtres, des portes et des balcons, la tour se compose de volumes réalistes, exploitables dans le cadre de manœuvres, que les pompiers retrouveront sur intervention. Mais la véritable force de cet outil de préparation opérationnelle, c’est bel et bien la diversité des modules d’entraînement qui la composent, sa modularité. Avec son mobilier, ses installations électriques, de gaz, ses barreaux sécables, ses carreaux de fenêtre destructibles ou encore l’existence d’un exutoire multi-positions, tout a été pensé pour que le sapeur puisse intervenir sur de multiples scénarios. « Nous voulions que les modules soient assez poussés pour retranscrire des scénarios déjà vus et vécus sur le terrain, précise le capitaine F.. Les idées de modules viennent d’ailleurs, pour la plupart, des enseignements des RETEX, notamment ceux du bureau planification opérationnelle (BPO), qui constituent une solide base de données pour développer ces mises en situation. Ce qui nous a encouragé à développer tout ça, c’est l’opportunité du grand brûleur, qui ajoute une valeur à cette tour. Aujourd’hui, il y a finalement assez peu de casernes qui peuvent accueillir ce type d’outil. »
UNE TOUR D’AVENIR
Depuis sa valorisation, la tour d’instruction de Champigny reçoit régulièrement d’autres compagnies qui viennent apprécier ses avantages et l’expérience qu’elle propose. « Tous sont unanimes sur les bénéfices que pourrait apporter une tour du même type dans leur quotidien, admet-il. C’est la tendance qui se dégage et on espère qu’elle sera partagée par le plus grand nombre à l’avenir. » Une tendance qui s’explique dans la capacité de la TIVAL à préparer ou à revivre une intervention. Ainsi, le caporal Kevin P., affecté à la 15e compagnie, a dû reproduire sur intervention une manœuvre déjà réalisée en exercice. « Au cours de plusieurs exercices, indique le gradé, j’ai pu perfectionner le maniement de l’exutoire présent sur la tour d’instruction. Plus tard, j’ai réalisé des gestes similaires sur intervention… Il est évident que je me sentais beaucoup plus serein et plus averti à ce moment-là. C’est d’ailleurs le principe de tout entraînement ! » Ainsi, la tour d’instruction valorisée laisse entrevoir de nouvelles perspectives d’avenir pour la Brigade. Elle pourrait, en diffusant largement ce concept, faire entrer la BSPP dans une nouvelle ère de préparation opérationnelle.
La génèse du projet par le CNE F.
« Déjà, lorsque j’étais chef de peloton au fort de Villeneuve-Saint-Georges et chargé de l’instruction des recrues, nous avions commencé à repenser certains aspects de la formation, notamment en termes de création d’outils, afin de la rendre plus “vraie” et de nous approcher au maximum de la réalité du terrain. De retour en compagnie d’incendie, j’ai simplement eu envie de poursuivre cette logique avec les moyens à ma disposition.
La tour d’instruction du centre de secours offrant de nombreuses possibilités, nous avons, idée après idée, ajout après ajout, mis en place de nombreux modules supplémentaires à notre terrain de manœuvre. Les commandants d’unités successifs ont adhéré à ce projet et notre adjudant d’unité, l’adjudant-chef Yvon Demoy, aujourd’hui au CO, en a été le maître d’œuvre ! D’une certaine manière, il a matérialisé mes idées. Nous avons également pu récupérer du petit matériel sur des chantiers alentours ou encore auprès d’agents de Gaz de France, qui nous ont amicalement apporté leur soutien. Afin de rendre nos manœuvres réalistes, nous nous sommes appuyés sur les RETEX du BPO pour créer des scénarios adaptés à la tour.
Sans nous en rendre compte, la tour d’instruction est devenue, petit à petit, un concentré d’innovations ! Indépendamment les unes des autres, ces innovations sont simples et à la portée de tous. Toutes ensemble, elles forment une tour d’instruction valorisée ! Je suis convaincu que notre TIVAL et ses modules astucieux peuvent contribuer à l’amélioration de notre efficacité opérationnelle. »
L’info en plus !
Sur feu, les ELD profitent d’une exceptionnelle souplesse d’emploi. La limite des 25 minutes de temps d’engagement ne s’appliquant pas, une équipe ELD peut poursuivre ses engagements aussi longtemps que le permettent les bouteilles d’air : soit uAu sein de l’armée de Terre, le centre d’entraînement au combat (CENTAC) de Mailly-le-Camp (Aube) accueille chaque mois plus de 400 militaires des forces terrestres afin de parfaire leur entraînement. Ce bataillon entièrement dédié à la préparation opérationnelle est notamment équipé de simulateurs 3D et, s’étalant sur un terrain de 12 000 hectares, il permet de déployer des troupes au plus près de la réalité ! Notre TIVAL pourrait-elle être la première pierre d’un CENTAC BSPP ? L’avenir nous le dira.