Web-série — Passionné d’astronomie, le lieutenant Mickaël T., 26 ans de service, n’a jamais réussi à lire dans les étoiles la fulgurante trajectoire de sa belle carrière. Actuellement chef de peloton au centre de formation des cadres, le jeune officier fait aujourd’hui le point sur cette fonction particulière.
« À mon commandement, garde à vous ! ». Il est 7 h 45, l’heure du rassemblement dans la cour du centre de formation des cadres (CFC) situé au fort de la Briche à Saint-Denis. Les pelotons des élèves caporaux (PEC) et caporaux-chef (PECCH) font face à leur chef. En rangs serrés, masqués, tenue soignée et bottes cirées, tous entament leur journée de formation. Aujourd’hui signe le début d’un nouveau peloton des élèves caporaux-chefs. À l’issue du rassemblement, le jeune officier de 46 ans adresse le traditionnel mot d’accueil à ses nouveaux stagiaires « aujourd’hui, si vous êtes ici, c’est que vous êtes motivés ! Notre rôle est de vous aider à occuper vos futures fonctions de chef d’agrès VSAV » entame-t-il avec bienveillance.
Le lieutenant Mickaël T. est officier « rang », c’est-à-dire qu’il n’a fait ni Saint-Cyr, ni l’École militaire interarmes, ni aucune autre école lui permettant de devenir officier. Il a simplement, avec courage et humilité, gravi un à un tous les échelons, tous les grades pour devenir aujourd’hui lieutenant.
En mars 1995, le jeune Mickaël sort de sa Bourgogne natale pour intégrer la Brigade, « comme beaucoup de mes camarades, j’ai passé le concours et j’ai été reçu » se souvient-il. Après ses classes au fort de Villeneuve-Saint-Georges, le sapeur T. débarque au sein de la 6e compagnie, au CS Grenelle. Une vraie découverte car « la partie la plus sensible restait l’intégration au sein de la caserne, à cette époque, ce n’était pas forcément évident ». Cette phase a duré quelques mois. Il ne s’imagine pas alors devenir un jour chef de garde, chef de centre ou encore moins chef de peloton. « C’est l’impulsion générée par plusieurs personnes qui m’a poussé pour aller à l’avancement, notamment mon premier commandant d’unité, le capitaine Jean-Marie Gontier… »
Gardes après gardes, le jeune T. prend de l’expérience et gravit les paliers de la Brigade. Devenu sous-officier à la 21e compagnie, il y passe ses années les plus intenses (notamment dans le CS Bourg-la-Reine) et s’enrichit en expérience opérationnelle. L’heure pour lui de devenir chef de garde puis sous-chef du centre de secours radiologique de Clamart, et enfin chef de centre. « C’était le point d’honneur de cette première partie de carrière, une fonction exaltante » évoque-t-il fièrement.
Après un dernier temps de responsabilité en qualité d’adjudant d’unité, « il était hors de question que je m’arrête, j’ai alors décidé de présenter les épreuves de sélection professionnelle pour devenir major ». Concours en poche, le major T. n’a pas l’intention d’en rester là ! À 42 ans, il décide de postuler à « l’épaulette » pour devenir officier, « là aussi, c’est passé ! ».
Aujourd’hui, au CFC, il exerce de nouvelles fonctions, « j’ai l’impression à 46 ans de me relancer. C’est génial, mais je sais aussi que j’arrive à la limite de l’avancement proposé pour un rang ! Devenir officier à mon âge, c’est comme une “nouvelle” jeunesse, j’ai juste un peu plus de stigmates laissées par le temps sur le visage qu’un jeune Saint-Cyrien ! » plaisante-t-il. Devenu chef des pelotons des élèves caporaux et caporaux-chefs en novembre 2019, il supervise la conduite de toute la formation. Pour l’aider dans sa mission, le lieutenant T. peut compter sur ses adjoints et sur la trentaine de formateurs qu’il a sous ses ordres. « Dans mes fonctions, il y a une grande partie de management. Les ressources humaines s’étendent des formateurs jusqu’aux stagiaires. »
Pensant pouvoir s’inscrire dans la continuité des précédents chefs de peloton du CFC, le lieutenant T. a pris ses fonctions au beau milieu de la réforme de la formation des élèves caporaux-chef. Cette réforme vise à accroître la capacité de la réserve opérationnelle Brigade. « Pour y parvenir, il a fallu moduler le stage afin que les réservistes puissent cumuler plus aisément leur vie professionnelle, personnelle et leur activité au sein de la réserve. » Cette nouvelle organisation permet aux réservistes d’échelonner leur formation sur six à neuf mois maximum, « mais il est également profitable aux pompiers de Paris en activité, qui en cas d’échec ou d’absence (médicale notamment), n’ont plus qu’une partie du stage à repasser et non la totalité comme auparavant ».
D’adaptabilité, c’est ce dont a dû faire preuve le lieutenant T. lorsqu’en mars 2020, le virus de la Covid-19 est venu frapper aux portes du CFC. La formation s’est brutalement arrêtée et, à la fin de l’année, la Brigade a manqué cruellement de caporaux et de caporaux-chefs. Enseignement à distance, décentralisation de modules de formation, de certains cours : tout a été mis en œuvre pour raccourcir les stages et rééquilibrer les effectifs. Aujourd’hui « nous sommes passés de huit à onze PEC à l’année, soit 144 personnes formées en plus ! Nous avons également un PECCH supplémentaire qui nous permet de former 55 caporaux-chefs en plus ».
Ces deux années intenses se sont terminées au mois de juin 2021. Le lieutenant Mickaël T. aurait bien signé pour une année supplémentaire, mais normalement c’est en tant qu’adjoint au commandant d’unité qu’il rejoint la compagnie de formation n°1, dès cet été. « Ma prochaine mission sera de motiver le jeune sapeur arrivant de sa Bourgogne profonde pour qu’il évolue au mieux au sein de notre belle Institution. » Nous lui souhaitons une bonne continuation.
L’INTERVENTION MARQUANTE
L’incendie du musée Deyrolle — 1er février 2008
Le 1er février 2008, 55 pompiers tentent de sauver des flammes la maison Deyrolle, installée, depuis 1888, dans l’hôtel particulier Samuel-Bernard, rue du Bac, à Paris. En vain. C’est l’hécatombe parmi les « pensionnaires » de Deyrolle quelque 300 animaux naturalisés, environ 50 000 papillons, des dizaines de milliers d’insectes, de coquillages, de fossiles…
Ce jour-là, c’est le sergent-chef Mickaël T. qui est aux commandes :
« Sur ce feu, j’avais une équipe dans le musée, nous nous sommes fait surprendre par les fumées, le plafond était très haut. Il y a eu un embrasement généralisé. Nous n’avions plus de nouvelles de l’équipe engagée. J’ai vécu dix minutes de terreur ! Heureusement, l’équipe est ressortie saine et sauve ! C’était une intervention particulière qui s’est bien terminée, je me suis retrouvé face à mes responsabilités et j’ai dû prendre toutes les décisions pour adapter notre dispositif. »