ARRÊT CARDIAQUE (1) — Chaque minute compte !

Harry Couvin
4 avril 2024
La rédac­tion Allo18 —  — Modi­fiée le 25 juillet 2024 à 21 h 20 

Grands formats – Quatre articles en une semaine pour ce Grand Format consacré à la prise en charge de l’arrêt cardiaque. Un enjeu médical majeur de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris.

La sur­vie des patients pré­sen­tant une détresse vitale est for­te­ment liée à la qua­li­té de prise en charge pré­hos­pi­ta­lière, notam­ment en cas d’arrêt car­diaque. Lorsque chaque seconde compte, l’efficacité de notre « chaîne des secours » est condi­tion­née par la robus­tesse de cha­cun de ses maillons et par la flui­di­té de leurs interactions.

Dans le cadre d’une démarche glo­bale visant à amé­lio­rer encore et par tous les moyens la sur­vie des patients les plus graves, un groupe de tra­vail spé­ci­fique réunit l’ensemble des divi­sions et grou­pe­ments de la BSPP.

L’objectif à court terme est de mesu­rer avec pré­ci­sion l’efficience de nos réponses, d’identifier des leviers d’amélioration et d’évaluer en conti­nu les effets obte­nus par les mesures prises. Pour le moyen terme, les tra­vaux de doc­trine, d’innovation et de recherche scien­ti­fique orientent nos déci­sions pour construire la Bri­gade de demain. L’objectif à court terme est de mesu­rer avec pré­ci­sion l’efficience de nos réponses, d’identifier des leviers d’amélioration et d’évaluer en conti­nu les effets obte­nus par les mesures prises. Pour le moyen terme, les tra­vaux de doc­trine, d’innovation et de recherche scien­ti­fique orientent nos déci­sions pour construire la Bri­gade de demain.

Qu’ils soient témoins d’une situa­tion d’urgence, déclen­chés comme citoyens sau­ve­teurs, opé­ra­teurs d’un centre de trai­te­ment des appels, secou­ristes, chefs d’agrès, per­son­nels de san­té, tech­ni­ciens, for­ma­teurs, ingé­nieurs ou encore cher­cheurs, les lec­teurs d’Allo 18 se savent tous concer­nés par le sujet.

Que ce dos­sier soit l’occasion de tous les remer­cier. Enthou­siasme, pro­fes­sion­na­lisme, dévoue­ment, ingé­nio­si­té et com­ba­ti­vi­té sont les clés pour gagner encore quelques minutes et au final quelques « vies sau­vées » supplémentaires.

texte : Médecin chef des services Stéphane Travers

La chaine de survie

La sur­vie d’un patient en arrêt car­diaque dépend d’une « chaine de sur­vie » dont chaque maillon fait l’objet d’une atten­tion toute par­ti­cu­lière au sein de la BSPP. En effet, chaque minute gagnée aug­mente de 10 % les chances de survie.

Paul Dar­del, bon samaritain !

Paul Dar­del est le pré­sident de l’association des Bons Sama­ri­tains. Un réseau de secou­ristes volon­taires géo­lo­ca­li­sés qui sont mobi­li­sés via l’application Staying Alive pour por­ter secours sur un arrêt car­dio-res­pi­ra­toire qui se déroule à proximité.

En quelle année ont été créés les Bons Sama­ri­tains ?
Démar­rage de l’expérimentation avec les pom­piers de Paris, jan­vier 2016. Donc, ça veut dire que nous avons com­men­cé à y tra­vailler en 2014, pour avoir un pro­duit qu’on pen­sait fini à la fin 2015, mais qui ne l’était pas. Expé­ri­men­ta­tion, grâce au méde­cin-chef Sté­phane Tra­vers, avec les pom­piers de Paris à par­tir de jan­vier 2016.

Com­ment vous est venue l’idée ?
En fait, il faut remon­ter à l’application Staying Alive qui a été lan­cée en 2011 avec comme voca­tion d’aider à la car­to­gra­phie et au recen­se­ment des défi­bril­la­teurs. Un véri­table suc­cès et au bout de quelques années, nous nous sommes ren­du compte qu’on avait atteint un mil­lion de télé­char­ge­ments de Staying Alive. C’était énorme et, en paral­lèle, on savait que les défi­bril­la­teurs qui com­men­çaient à être ins­tal­lés dans les lieux publics depuis 2007 étaient peu ou pas uti­li­sés. On s’est donc dit que dans toute cette com­mu­nau­té qui avait télé­char­gé l’application, les gens étaient for­cé­ment concer­nés par le secours. En paral­lèle, nous avions obser­vé une expé­rience suisse, dans le Tes­sin, basée sur le même prin­cipe de mobi­li­ser les citoyens et les forces de l’ordre.

Quelles ont été les amé­lio­ra­tions depuis ?
Il y en a beau­coup. Même si l’on a l’impression que rien n’a chan­gé, en fait tout a chan­gé. Entre notre pre­mière ver­sion et aujourd’hui, l’application a été en évo­lu­tion per­ma­nente et réécrite de fond en comble tous les quatre ou cinq ans. Nous allons d’ailleurs, à l’heure où paraî­tra ce maga­zine, lan­cer une toute nou­velle appli­ca­tion. En ce qui concerne le défi­bril­la­teur, la fiche sera dotée de pho­tos, d’horaires d’ouverture et du numé­ro de télé­phone de la per­sonne à contac­ter. Nous allons éga­le­ment pou­voir trai­ter toutes les remon­tées de pro­blèmes, faites par les uti­li­sa­teurs de l’application.
Dans les débuts de l’application, seuls les membres for­més pou­vaient deve­nir de Bons Sama­ri­tains, mais après quelques années d’expérience avec cer­tains SDIS, nous avons ouvert à tout le monde. Dans cette nou­velle ver­sion, nous serons capables de dis­pat­cher les uti­li­sa­teurs en fonc­tion de leur niveau d’expérience et de diplôme de secou­risme pour leur attri­buer une tâche cohé­rente. Nous conti­nuons de diri­ger les per­sonnes for­mées vers les mas­sages car­diaques externes, et nous envoyons les autres vers les défi­bril­la­teurs. Par ailleurs, l’interface de l’application a été entiè­re­ment repen­sée pour être plus effi­cace et plus personnalisable.

Com­bien, y a‑t-il de Bons sama­ri­tains sur le sec­teur Bri­gade ?
Entre 2021 et 2023, le nombre d’inscrits a aug­men­té de 66 % pour atteindre 300 000 Bons Sama­ri­tains. Sur le sec­teur Bri­gade, nous dénom­brons 23 000 citoyens sau­ve­teurs. 5 500 ont répon­du à 8 676 alertes depuis 2018.

Quel est le pro­fil type ?
En numé­ro un, les secou­ristes. Avec une grosse pro­por­tion de secou­ristes sau­ve­teurs du tra­vail, ain­si que des gens for­més au PSC1 et aux gestes qui sauvent. Cela nous rend opti­miste, car ce ne sont pas des pro­fes­sion­nels du secours. Viennent ensuite les sapeurs-pom­piers SPP/​SPV. Puis en der­nier, les pro­fes­sion­nels de san­té avec une pré­do­mi­nance pour les infir­miers et les infirmières.

Quels sont les axes de déve­lop­pe­ment ?
Il y en a plu­sieurs. Sur le plan tech­nique, nous avons repen­sé entiè­re­ment l’application pour iPhone et Android. L’évolution notable tient dans le fait que nous allons deman­der aux gens qui ne sont pas des Bons Sama­ri­tains, mais qui ajoutent des défi­bril­la­teurs ou qui confirment le posi­tion­ne­ment des défi­bril­la­teurs, de deve­nir ce qu’on appelle des contri­bu­teurs. Car aujourd’hui, nous ne les connais­sons pas. Ils télé­chargent l’application, ils s’en servent sans que nous sachions qui ils sont. Aujourd’hui, nous allons leur deman­der de s’inscrire avec un email, ce sera pour nous une façon de faire gros­sir la com­mu­nau­té vers une popu­la­tion plus faci­le­ment acces­sible. Mais le grand chan­ge­ment va inter­ve­nir au niveau du nom. La fonc­tion « Bon Sama­ri­tain » va dis­pa­raître pour deve­nir « Citoyen sau­ve­teur ». Donc, nous par­le­rons désor­mais de la com­mu­nau­té Staying Alive, de l’application Staying Alive, de la marque Staying Alive. Une seule ban­nière pour mieux communiquer.

D’autres débou­chés ?
Oui, nous sommes inté­grés à NEXSIS (futur sys­tème d’information et de com­man­de­ment uni­fié des ser­vices d’incendie et de secours) ce qui va trans­for­mer notre appli­ca­tion en auto­ma­tisme. Aujourd’hui encore, à la Bri­gade notam­ment, lorsque l’opérateur décroche sur un arrêt car­diaque, il pré­vient le chef de table qui déclenche le Bon Sama­ri­tain. Dans les cas où il y a une affluence au centre opé­ra­tion­nel, on peut perdre jusqu’à trois minutes au déclen­che­ment. Avec NEXSIS, ce sera sys­té­ma­tique et on ne per­dra pas de temps. Une avan­cée tech­nique inté­res­sante lorsque l’on sait qu’en 2023, nous avons comp­ta­bi­li­sé quelque 20 000 inter­ven­tions. Cela repré­sente, aux heures extrêmes, un déclen­che­ment toutes les vingt minutes. Nous devrions, à moyen terme, élar­gir notre domaine d’intervention au-delà de l’arrêt car­diaque. En effet, il est par­fois dif­fi­cile pour le public qui découvre une vic­time de savoir s’il s’agit d’une perte de connais­sance ou d’un ACR. Nous devrions bien­tôt pal­lier cette difficulté.

Par ailleurs, quelles sont les dif­fi­cul­tés que vous ren­con­trez actuel­le­ment ?
Le manque de moyens. Il faut rap­pe­ler que nous sommes une petite équipe. À l’heure où l’on se parle, il n’y a que quatre sala­riés et un sta­giaire. Nous avons des bud­gets de fonc­tion­ne­ment qui sont bien infé­rieurs à ce que l’on pour­rait espé­rer pour être encore plus effi­caces. L’intégration à NEXSIS demande énor­mé­ment de tra­vail pour répondre aus­si aux sol­li­ci­ta­tions tech­niques. Là encore, le manque de moyens se fait sen­tir. Autre­ment, nous avons aus­si un sou­ci pour com­mu­ni­quer effi­ca­ce­ment. Cela peut paraître sur­pre­nant, mais notre com­mu­ni­ca­tion est assez redon­dante.
Il faut néan­moins pou­voir faire gros­sir la com­mu­nau­té et pour cela, il nous fau­drait être plus pré­sents dans les médias, ce qui n’est pas chose facile.

Pro­pos recueillis par Har­ry Couvin

Illustrations et photos SCH Nicholas Bady


share Partager

0 réaction

Votre réaction
Nom
Adresse de messagerie
Site internet

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.