#BrigadeInside — Un défi pour Tim, ou l’extraordinaire volonté du caporal Timothé Bernardeau et de ses proches, de Paris à New York. Pour ALLO DIX-HUIT, Timothé livre son témoignage poignant, sur une incroyable aventure humaine dans les entrailles de la ville qui ne dort jamais.
“En mai 2018, je me suis blessé lors d’une représentation de gymnastique au profit d’enfants malades, rappelle Timothé. Et malheureusement, je suis devenu tétraplégique à la suite de cet accident.
Alors participer à la Tunnel to Towers 5K Run de New York, c’est presque une renaissance pour moi. Ce voyage à New York, “un défi pour Tim”, représente tout particulièrement trois choses : d’abord, c’est le courage de me relever, la force de rebondir après l’accident. Ensuite, c’est la joie de partager des émotions fortes avec mes frères d’armes et ma famille. Et enfin, c’est la fierté de représenter les couleurs de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris à travers le monde.
Notre voyage a duré cinq jours, du 22 au 27 septembre 2022. Nous étions 27, dont 20 pompiers de Paris et 6 membres de ma famille, dont mes frères et mes neveux. L’objectif principal du voyage était de parcourir les cinq kilomètres de la Tunnel to Towers Run. Cette course mémorielle a lieu chaque année le dernier dimanche de septembre. Elle symbolise les derniers pas de Stephen Siller, un pompier du FDNY qui s’est rendu au World Trade Center lors des attentats du 11 septembre 2001, alors qu’il n’était pas de garde. Des membres du FDNY ont rapporté que Stephen Siller est monté dans les tours. Mais il n’en est jamais ressorti.
À la fin de la course, nous sommes sortis du tunnel sous les applaudissements de dizaines, peut-être des centaines de personnes. Il y avait des pompiers et des policiers de tous les États-Unis. C’était très émouvant et ils étaient émus de voir des pompiers français participer à cette course… Aux États-Unis, les gens sont très patriotes. Ils respectent énormément les pompiers, les policiers et les militaires. Il faisait beau, c’était vraiment une belle journée. J’ai aussi été marqué par la facilité des échanges entre les pompiers du FDNY et les pompiers de Paris.
En plus de la Tunnel to Towers Run, nous avons pu visiter un peu New York… Notamment le mémorial du 11 septembre, mais aussi la Fire Academy du FDNY, la caserne du quartier de Hell’s Kitchen ou encore Central Park… Je connaissais déjà certains endroits, car j’étais à New York en 2017 pour courir le marathon. Alors revenir ici, plusieurs années après mon accident, cela a beaucoup de sens pour moi. Ce deuxième voyage à New York m’a aidé à me relever. »
TROIS QUESTIONS À…
L’ADJUDANT BENJAMIN GUY
CHEF DU GROUPE DE GYMNASTIQUE DE LA BSPP
Comment est née l’idée de ce voyage ?
À l’automne 2019, je reçois un appel du capitaine Jean-Baptiste Repain, à l’époque commandant d’unité de la 11e compagnie d’incendie et de secours. En contact avec les frères Naudet, Jules et Gédéon, réalisateurs des reportages « New-York : 11 septembre » et « 13 novembre : Fluctuat Nec Mergitur », ils ont évoqué cette magnifique course mémorielle qui a immédiatement séduit le capitaine.
Je sens toute sa détermination, qu’il me transmet tout de suite… On emmènera Timothé et ses frères d’armes, les plus proches, ceux de son centre de secours de Sévigné et ceux du groupe de gymnastique des sapeurs-pompiers de Paris ! Son dernier exploit sportif en tant que valide était le marathon de New York, nous le ramènerons là-bas pour courir de nouveau : « Un défi pour Tim » est né !
Comment avez-vous géré la logistique ?
Une fois le défi lancé, une montagne s’élevait devant nous ! Il fallait présenter le projet au commandement afin qu’il soit validé, lever les fonds nécessaires, organiser le voyage, entraîner Tim, convaincre le corps médical…
Une fois la liste des participants déterminée, nous avons fait une réunion en février 2020, afin de déterminer les tâches de chacun. Il était convenu que sous la direction de Timothé, maître d’œuvre du projet, nous ayons tous une ou plusieurs missions attribuées que nous devions remplir avec des échéances (vols, hôtels, inscriptions à la course, programmes, partenaires, etc.).
Soutenu par le lieutenant-colonel de Blignières et validé par le général Gallet, le projet semblait se présenter sous les meilleurs auspices… Malheureusement, c’était sans compter sur la crise sanitaire. Ces longs mois de confinements et de restrictions auront imposé de nombreux reports.
Mais personne n’a lâché ! Soutenus juridiquement par l’ASASPP et guidé par le lieutenant-colonel Guenanten, nous avons été généreusement aidés par de nombreuses personnes, familles, amis, frères d’armes et associations dont notamment Les Gueules Cassées, Qui ose gagne, la Batterie Fanfare des sapeurs-pompiers de Boussac, OAF-GLNF, Terre Fraternité, Un sourire un espoir pour la vie, MME-NATERME, TEGO ou encore Solidarité Défense.
L’une des étapes les plus stressantes a été le vol. Le transfert du fauteuil à sa place a été géré par ses camarades. L’ensemble du personnel de bord a montré beaucoup de sollicitude envers Tim et son groupe, et finalement tout s’est bien passé ! Le voyage aller a été ponctué par des encouragements du pilote en annonce micro et au retour par des félicitations… C’était génial !
Quel(s) souvenir(s) garderez-vous de ce voyage ?
Nous avons eu accès à des visites et des échanges exceptionnels avec les pompiers du FDNY. Nous étions en immersion totale. C’était réellement un grand plaisir de voir l’ensemble du groupe découvrir, s’émerveiller devant la grandeur de cette ville et de son corps de pompiers.
Néanmoins, si je devais garder un seul souvenir de ce voyage, ce serait le départ de la course… J’ai pu ressentir l’émotion et la fierté de Tim, de sa famille, de ses camarades. La fraternité qui s’est immédiatement instaurée avec les pompiers locaux, qui venaient courir pour leurs frères d’armes défunts, morts au feu ce tragique 11 septembre 2001. Au départ de la course, j’étais légèrement en retrait du groupe et j’ai fait quelques centaines de mètres seul, avec un sentiment fort du travail accompli par toute cette équipe ! Le seul bémol de ce « Défi pour Tim », c’est l’absence forcée de son instigateur, le capitaine Repain. Sans lui, il n’y aurait pas eu de défi.
Je travaille de nouveau très régulièrement avec Timothé, dans le cadre des prestations du groupe de gymnastique et mesure la résilience et la grande force de caractère dont il fait preuve depuis le 19 mai 2018. Il est un ambassadeur pour la Brigade et j’ai un profond respect et une grande fierté