CHEF D’AGRÈS VSAV (4/​4) — Parler boulot avec le médecin-chef…

Renaud Da Sil­va Min­hard —  — Modi­fiée le 22 octobre 2025 à 06 h 32 

Grands formats — Lorsque le médecin-chef Brigade, le médecin-chef des services Stéphane Travers, échange avec un chef d’agrès VSAV, le caporal-chef Théo Del Rio, nous nous apercevons vite qu’ils parlent le même langage. Entretien croisé.

Pou­vez-vous vous pré­sen­ter ?
Capo­ral-chef Del Rio :
je suis le CCH Théo Del Rio, j’ai sept ans de ser­vice. J’ai com­men­cé ma car­rière à Cour­be­voie à la 28e com­pa­gnie et cela fait main­te­nant quatre ans que je suis à Gre­nelle. Je suis capo­ral-chef depuis deux ans.

Méde­cin-chef Bri­gade Tra­vers : méde­cin-chef des ser­vices Sté­phane Tra­vers, je suis méde­cin-urgen­tiste du ser­vice de san­té des armées et j’ai eu la chance de pou­voir effec­tuer un par­cours mixte entre BSPP et dif­fé­rentes autres uni­tés mili­taires. Ma pre­mière affec­ta­tion BSPP débute en 2006 en tant que méde­cin adjoint au sein de l’antenne médi­cale du 1er grou­pe­ment. J’ai par la suite ser­vi comme méde­cin-chef du 2e grou­pe­ment d’incendie, méde­cin res­pon­sable de la sec­tion « plans de secours – NRBC » du bureau méde­cine d’urgence puis méde­cin-chef de la Brigade.

Qu’est-ce qui vous a don­né envie, cha­cun à votre niveau, de vous spé­cia­li­ser dans le secou­risme ? Est-ce que le secou­risme est une variante de la méde­cine ?
MCB :
c’est en fait en décou­vrant puis en pra­ti­quant le secou­risme que m’est venue l’envie de débu­ter des études de méde­cine. Le secours et soin d’urgence à per­sonne (SSUAP), puis la méde­cine d’urgence sont les maillons d’une même chaîne de secours. La sur­vie de chaque patient dépend des actions réa­li­sées à chaque niveau (CO, VSAV, AR, hôpi­tal) et de la par­faite coor­di­na­tion globale.

CCH : pour ma part je suis entré à la Bri­gade après les atten­tats de 2015. Il n’y avait pas que la par­tie incen­die qui m’intéressait, il y avait aus­si toute la par­tie secours à vic­times. Je vou­lais déjà prendre de l’expérience et m’aguerrir en tant qu’équipier et dès lors que je me suis sen­ti prêt, je suis allé au PECCH. Le but étant de pou­voir gérer des inter­ven­tions à ma manière et de façon humaine.

Si vous deviez résu­mer la mis­sion du secou­risme à la BSPP en une phrase.
CCH :
c’est aider les gens. On est pas mal confron­té à la misère sociale et/​ou psy­cho­lo­gique. C’est beau­coup plus large que l’idée que l’on s’en fait au début.

MCB : si je devais résu­mer en une seule phrase, ce serait « répondre aux détresses vitales, fonc­tion­nelles et humaines au quo­ti­dien et en situa­tion de crise ».

Vous ne vivez pas le secours de la même façon. L’un en pla­ni­fi­ca­tion, coor­di­na­tion et au sein des ambu­lances de réani­ma­tion. L’autre dans les VSAV. Quelles sont, selon vous, les dif­fé­rences dans vos approches ?
MCB :
nos approches sont cer­tai­ne­ment com­plé­men­taires, tant sur le ter­rain que depuis le centre opé­ra­tion­nel. Chaque acteur contri­bue au même objec­tif, celui d’améliorer la sur­vie des vic­times et la qua­li­té des secours pré­hos­pi­ta­liers. L’opérateur du centre opé­ra­tion­nel puis le chef d’agrès du VSAV sont clai­re­ment en pre­mière ligne, ce qui fait la beau­té et aus­si la com­plexi­té de leurs métiers. Le méde­cin vient en appui ou en ren­fort lorsqu’un patient néces­site un diag­nos­tic plus pré­cis ou des gestes de méde­cine d’urgence.
CCH : en fonc­tion des cir­cons­tances, on sera les yeux et les oreilles du méde­cin et de la coor­di­na­tion médi­cale. En fonc­tion de ce que l’on va rele­ver comme détresse vitale, on aura ou non une équipe médi­cale qui se dépla­ce­ra. C’est de cette façon-là que l’on interagit.

Est-ce que vous trou­vez que les tech­niques et pro­to­coles ont évo­lué ces der­nières années ?
CCH 
: oui, on a eu de nou­veaux équi­pe­ments qui per­mettent une meilleure remon­tée d’informations pour la hié­rar­chie. Par exemple, les tablettes e‑FiBi1. Elles sont bien plus per­for­mantes que les papiers, car on peut prendre des pho­tos, des­si­ner les bles­sures. Un petit peu de dif­fi­cul­té à la prise en main, mais au final, on a un gain de temps énorme.

MCB : les tech­niques et pro­to­coles ont en effet évo­lué sur plu­sieurs décen­nies. Chaque maillon de la chaîne a été amé­lio­ré depuis la prise d’appel à l’admission hos­pi­ta­lière. On peut citer comme exemples les filières d’orientation des AVC vers l’IRM et les uni­tés neu­ro­vas­cu­laires, l’amélioration de la for­ma­tion et du maté­riel pour les accou­che­ments dif­fi­ciles, les évo­lu­tions tech­niques et orga­ni­sa­tion­nelles ayant per­mis de dou­bler en quelques années la sur­vie des vic­times d’arrêt car­diaque. Cepen­dant, le fond de la mis­sion reste le même et les évo­lu­tions tech­no­lo­giques demeu­re­ront tou­jours au ser­vice de l’humain.

Com­ment s’articule la col­la­bo­ra­tion entre un chef d’agrès et l’équipe médi­cale ?
CCH :
notre rôle va être de pré­pa­rer le ter­rain de l’équipe médi­cale. On va ouvrir les accès, pré­pa­rer les dos­siers médi­caux et condi­tion­ner la vic­time de façon à ce que le pas­sage de témoin se fasse dans les meilleures condi­tions. Une fois l’équipe médi­cale sur les lieux, on l’assiste et on l’aide pour l’évacuation de la victime.

MCB : la par­faite coor­di­na­tion entre maillons (prise d’appel — VSAV — coor­di­na­tion médi­cale — AR) est, en effet, cru­ciale et nous y avons col­lec­ti­ve­ment beau­coup tra­vaillé. La for­ma­tion des méde­cins et infir­miers BSPP com­prend des simu­la­tions en équipe avec un VSAV pour apprendre à tra­vailler ensemble et les nou­veaux outils comme e‑FiBi /​e‑fom par­ti­cipent à la flui­di­té du par­tage d’information. Lors de la réani­ma­tion d’un patient en arrêt car­diaque, le scope et les dif­fé­rents maté­riels sont inter­opé­rables ce qui per­met de gagner un temps précieux.

Vous venez de citer l’ACR, mais est-ce que vous avez un autre exemple de situa­tion où la coor­di­na­tion entre le chef d’agrès VSAV et l’équipe médi­cale a été déci­sive ?
MCB : oui, bien sûr, j’en ai énor­mé­ment. Une de nos chances au sein de la BSPP est de dis­po­ser, sous un même com­man­de­ment, du centre d’appels, d’une coor­di­na­tion médi­cale, d’équipes secou­ristes et d’équipes médi­cales. Cette uni­ci­té per­met d’être effi­cace au quo­ti­dien, d’innover en per­ma­nence et de nous adap­ter en situa­tion de crise. Les exemples sont nom­breux en cas de détresse vitale d’origine res­pi­ra­toire, car­diaque, neu­ro­lo­gique ou en trau­ma­to­lo­gie bien sûr. Dans ces situa­tions, le moindre dys­fonc­tion­ne­ment ou la moindre perte de temps à un moment de la chaîne se rat­trape dif­fi­ci­le­ment. A contra­rio, l’efficacité par­fai­te­ment coor­don­née du VSAV, du centre opé­ra­tion­nel, de l’équipe médi­cale puis de l’hôpital per­met d’optimiser les chances de survie.

Quelles sont les qua­li­tés essen­tielles pour être un bon secou­riste ?
CCH : je dirais l’empathie, l’humanité et le sang-froid. Je crois que le plus impor­tant est de savoir prendre un pas de recul sur inter­ven­tion. On nous le répète sou­vent en for­ma­tion, mais c’est essen­tiel, car on a vite fait de prendre la mau­vaise direction.

MCB : s’il faut en choi­sir trois, je dirais éga­le­ment l’humanité, car nos métiers sont pro­fon­dé­ment humains, au ser­vice des vic­times. J’ajouterais l’intelligence de situa­tion, car chaque inter­ven­tion est bien sûr dif­fé­rente et il faut par­fois beau­coup de dis­cer­ne­ment, de finesse pour iden­ti­fier quelles seront les meilleures solu­tions sur le ter­rain. En troi­sième, je dirais la rigueur. Si cer­taines détresses sont « évi­dentes », d’autres sont en effet beau­coup plus déli­cates à repé­rer dans le flux quo­ti­dien de nos inter­ven­tions. Une vic­time peut s’aggraver bru­ta­le­ment ou pré­sen­ter une patho­lo­gie beau­coup plus grave que son état ne le laisse pen­ser. La rigueur, la conscience pro­fes­sion­nelle et l’application sys­té­ma­tique des pro­cé­dures sont les seules façons d’éviter « l’effet tun­nel » et de ne pas se lais­ser piéger.

Pour conclure, vou­lez-vous dire un mot sur la démarche qua­li­té SSUAP ?
MCB : les for­ma­tions, l’entraînement, les tra­vaux de retours d’expérience ou encore l’analyse des évè­ne­ments dési­rables ou indé­si­rables ont pour objec­tif de garan­tir la qua­li­té de nos réponses opé­ra­tion­nelles en SSUAP et dans bien d’autres domaines. Un des enjeux à l’échelle Bri­gade est d’assurer la flui­di­té du par­tage d’expérience pour que chaque chef d’agrès et chaque équi­pier puisse s’enrichir de ce que d’autres ont appris sur une inter­ven­tion dif­fi­cile ou par­ti­cu­lière.
Deux actions nou­velles ont ain­si été débu­tées depuis quelques mois. La pre­mière est l’analyse aléa­toire et de bout en bout d’un cer­tain nombre d’interventions pour regar­der en détail ce qui a été bien fait, ce qui a éven­tuel­le­ment posé des dif­fi­cul­tés et iden­ti­fier ce que nous pour­rions col­lec­ti­ve­ment amé­lio­rer encore en termes de pro­cé­dures, de for­ma­tions, de maté­riel, etc. Les ana­lyses de chaque maillon et des inter­ac­tions entre eux sont com­plé­tées par le regard et les avis du chef d’agrès VSAV puis de la vic­time si celle-ci peut être contac­tée. L’autre approche com­plé­men­taire est l’envoi de SMS à grande échelle à des requé­rants pour « cap­ter du retour d’expérience ».

CCH : l’idée des QR codes2 n’était for­cé­ment pas très bien accueillie par tout le monde. Mais pour l’instant on n’a pas eu de réper­cus­sions néga­tives et je pense que ça ne peut qu’améliorer les choses.

MCB : ce que tu dis est très inté­res­sant, car il est impor­tant que la démarche soit bien com­prise. Le seul objec­tif est de gagner encore en fia­bi­li­té col­lec­tive. Les pre­miers retours sont d’ailleurs excel­lents. Ils ont per­mis à la fois de recueillir la satis­fac­tion et la recon­nais­sance d’une très grande majo­ri­té des requé­rants et vic­times, tout en iden­ti­fiant des leviers pour amé­lio­rer ou conso­li­der encore cer­tains aspects de nos interventions.

1 : Fiche bilan déma­té­ria­li­sée 2 : Dis­po­si­tif de tra­ça­bi­li­té de l’intervention


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