DOSSIER - La Brigade face à la menace NRBC

Harry Couvin
20 janvier 2022
Jean Flye —  — Modi­fiée le 25 juillet 2024 à 20 h 45 

Grands formats – Dix ans après la création de sa compagnie spécialisée, la Brigade doit faire face chaque jour à une menace NRBC de plus en plus sensible. Quels sont les enjeux de cette lutte ? ALLO DIX-HUIT met les gaz sur un environnement qui inspire autant qu’il est craint.

La menace NRBC regroupe tous les arme­ments à conno­ta­tions nucléaire, radio­lo­gique, bio­lo­gique et chi­mique venant frap­per des com­bat­tants et éven­tuel­le­ment des popu­la­tions civiles. Cette menace n’a pas dis­pa­ru avec la soi-disant fin de la guerre froide. Elle s’est même diver­si­fiée et amplifiée.

La signa­ture de la conven­tion d’interdiction des armes bio­lo­giques, en 1972, n’a pas empê­ché cer­tains régimes poli­tiques de déve­lop­per ce type d’armes.

Même si d’autres formes de ter­ro­risme sont aujourd’hui au-devant de la scène, le ter­ro­risme NRBC reste un risque très présent.

La bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris prend cette menace très au sérieux. Elle a donc créé en 2010 une com­pa­gnie spé­cia­li­sée en NRBC.
Les inter­ven­tions NRBC regroupent essen­tiel­le­ment deux domaines :

  • la menace NRBC au sens mili­taire du terme,
  • les risques technologiques.

Les risques tech­no­lo­giques sont liés à l’action humaine et plus pré­ci­sé­ment à la mani­pu­la­tion, au trans­port ou au sto­ckage de sub­stances dan­ge­reuses pour la san­té et l’environnement. Comme les autres risques majeurs, ils peuvent avoir des consé­quences graves sur les per­sonnes, leurs biens et l’environnement.

PARLONS SCIENCES !

Nucléaire
Le domaine nucléaire concerne les réac­tions de fis­sion et celles de fusion, c’est-à-dire les deux types de modi­fi­ca­tions de l’énergie des noyaux atomiques.

Cela prend en compte, d’une part, la trans­for­ma­tion à des fins civiles (cen­trale nucléaire) pour pro­duire de l’électricité et, d’autre part, la trans­for­ma­tion à usage d’armes de des­truc­tion mas­sive (les bombes ato­miques soit à fis­sion soit à fusion). Toutes les émis­sions nucléaires sont for­te­ment radio­ac­tives ; l’inverse n’est pas vrai.

Radio­lo­gique
La radio­ac­ti­vi­té est la pro­prié­té des atomes à émettre des rayon­ne­ments, c’est-à-dire un déga­ge­ment d’énergie lorsqu’ils se transforment.

Il existe plu­sieurs types de rayon­ne­ments radio­ac­tifs :
α (alpha), grosse par­ti­cule (noyau d’hélium) très toxique mais qu’une feuille de papier peut arrê­ter ;
β (bêta), par­ti­cule élec­tro­nique, dont la dan­ge­ro­si­té varie et qu’une feuille d’aluminium peut arrê­ter ;
γ (gam­ma) et X, qui sont des ondes (ou rayon­ne­ments stric­te­ment élec­tro­ma­gné­tiques) contre les­quels il est par­fois dif­fi­cile de se pro­té­ger (une épais­seur de plomb ou de béton peut arrê­ter un rayon­ne­ment X ou γ de faible énergie).

Le phé­no­mène radio­ac­tif existe même sans trans­for­ma­tion éner­gé­tique nucléaire de type fis­sion ou fusion.

Bio­lo­gique
Le risque bio­lo­gique concerne la pré­sence d’agents bio­lo­giques patho­gènes dans dif­fé­rents milieux (air, eau, etc.). Les agents patho­gènes sont res­pon­sables de mala­dies infec­tieuses chez l’homme. Ils com­prennent les bac­té­ries, les virus, les para­sites et les champignons.

Chi­mique
Le risque chi­mique tra­duit l’exposition à un agent chi­mique dan­ge­reux, géné­ra­le­ment à l’occasion d’activités de pro­duc­tion, de manu­ten­tion, de sto­ckage, de trans­port, d’élimination ou de trai­te­ment, ou à la dif­fu­sion volon­taire dans l’environnement de pro­duits chi­miques dangereux.

LA 38e COMPAGNIE EN PREMIÈRE LIGNE !

Créée en 2010, la 38e com­pa­gnie est l’outil de la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris pour faire face aux enjeux stra­té­giques liés aux risques et menaces NRBC.

La com­pa­gnie NRBC se com­pose de trois centres de secours, Pou­chet (XVIIe arrdt), Run­gis (94) et Livry-Gar­gan (93). « La 38 est une uni­té plei­ne­ment opé­ra­tion­nelle et qui doit pour­suivre son évo­lu­tion pour exploi­ter tout son poten­tiel » évoque fiè­re­ment le capi­taine Loïc Aubry, son com­man­dant d’unité. « Notre com­pa­gnie a pour mis­sion prin­ci­pale de mettre en œuvre la spé­cia­li­té NRBC sur toute la plaque pari­sienne » ajoute l’officier. À ce titre, elle joue sur inter­ven­tion un rôle de conseil tech­nique auprès du com­man­dant des opé­ra­tions de secours.

Une com­pa­gnie trem­plin
Prin­ci­pa­le­ment et his­to­ri­que­ment com­po­sée de mili­taires matures et expé­ri­men­tés, la 38 tend à se rajeu­nir. « La spé­cia­li­té NRBC attire de plus en plus de jeunes sapeurs-pom­piers de Paris, en quête d’une aven­ture autre que celle du feu » se réjouit le capi­taine Aubry. Un pas­sage chez les spé­cia­listes NRBC per­met, entre autres, de béné­fi­cier d’un trem­plin pour une muta­tion ulté­rieure dans les uni­tés élé­men­taires spé­cia­li­sées de Kou­rou, Bis­ca­rosse ou bien même pour par­tir en opé­ra­tion exté­rieure lorsque l’occasion se pré­sente. La 38e com­pa­gnie est une uni­té opé­ra­tion­nelle à part entière où chaque per­son­nel de chaque caté­go­rie peut pré­tendre à un avan­ce­ment classique.

Un sec­teur à risques
Le sec­teur BSPP est sou­mis à des risques par­ti­cu­liers. Le risque tech­no­lo­gique est accru au regard des enjeux humains, éco­no­miques et envi­ron­ne­men­taux mais cadré par une régle­men­ta­tion très stricte. Le sec­teur BSPP recense pas moins de 10 sites consi­dé­rés comme prio­ri­té natio­nale au regard du risque tech­no­lo­gique. « Gigan­tesque hub, la plaque pari­sienne voit tous les jours des dizaines de mil­liers de trans­por­teurs défi­ler sur ses routes, sur ses rails, sur la Seine et sur les pistes des aéro­ports, nom­breux sont por­teurs de matières dan­ge­reuses » ana­lyse le com­man­dant d’unité. Le risque, lié au contexte sécu­ri­taire et à la menace ter­ro­riste, est aus­si un enjeu de pre­mier ordre pour les spé­cia­listes NRBC, sur­tout à l’aube de grands ren­dez-vous tels que la Coupe du monde de rug­by 2023 ou les JO 2024.
Des engins spé­ciaux
Les centres de secours NRBC de la BSPP sont dotés de moyens par­ti­cu­liers pour lut­ter contre les risques tech­no­lo­giques. « Outre le VSAV qui per­met à ces spé­cia­listes de gar­der un pied dans le cœur du métier, ils arment en per­ma­nence les véhi­cules d’intervention NRBC » jus­ti­fie-t-il. Ce véhi­cule per­met aux mili­taires de la BSPP d’intervenir sur toutes les opé­ra­tions à carac­tère chi­mique, radio­lo­gique, bio­lo­gique ou de lutte contre les pol­lu­tions. Lorsque l’intervention néces­site de la décon­ta­mi­na­tion de masse, la berce uni­té mobile de décon­ta­mi­na­tion peut être déployée dans les plus brefs délais. Elle intègre l’ensemble des maté­riels de décon­ta­mi­na­tion appro­fon­die et per­met la prise en charge de vic­times valides ou inva­lides. La com­pa­gnie NRBC dis­pose de berces anti-pol­lu­tion per­met­tant de réa­li­ser des opé­ra­tions de dépol­lu­tion ter­restre et aqua­tique. Enfin, la com­pa­gnie arme les berces pro­duc­teur mousse en mesure d’être enga­gées, sur demande du COS, sur feux. Ces engins consti­tuent la force de frappe de la BSPP en matière de lutte contre la menace NRBC et le risque tech­no­lo­gique. À noter que dans une dyna­mique d’évolution très mar­quée, une majeure par­tie des engins et du maté­riel embar­qué devrait être rem­pla­cée dans les deux pro­chaines années.

Des pro­fes­sion­nels spé­cia­li­sés
« Les spé­cia­listes NRBC de la BSPP ne pour­raient être de vrais spé­cia­listes sans une for­ma­tion adé­quate » conclut le capi­taine Aubry. Le centre de for­ma­tion aux risques tech­no­lo­giques (CFRT) du grou­pe­ment de for­ma­tion ins­truc­tion et de secours (GFIS) assure la mise en œuvre des actions de for­ma­tions dans la spé­cia­li­sa­tion NRBC. La BSPP pos­sède les agré­ments pour réa­li­ser les for­ma­tions en risques chi­miques et radio­lo­giques de niveaux 1 à 3. Outre les for­ma­tions cer­ti­fiantes, le CFRT dis­pense éga­le­ment d’autres for­ma­tions NRBC, notam­ment en décontamination.

Le mot du CDU : Capitaine Loïc Aubry

« La 38e com­pa­gnie est avant tout une uni­té opé­ra­tion­nelle qui, en ce sens, nous oblige car elle consti­tue le bras armé du pré­fet de police dans tout ce qui a trait au domaine NRBC, qu’il aille du risque cou­rant, bruit de fond quo­ti­dien, à la menace NRBC à l’occurrence d’apparition bien plus faible. Si les inter­ven­tions sont natu­rel­le­ment moins fré­quentes et la fatigue se fai­sant moins res­sen­tir sur le cercle fami­lial pour notre popu­la­tion bien sou­vent char­gée de famille, la com­pa­gnie n’en est pas moins énor­mé­ment sol­li­ci­tée sur toutes les actions rela­tives à la pré­pa­ra­tion opé­ra­tion­nelle des uni­tés d’incendie ou lors d’exercices majeurs.
Les mili­taires qui sou­haitent y ser­vir ne sont pas tant sélec­tion­nés sur leur niveau phy­sique plus que sur leur poly­va­lence et leurs com­pé­tences tech­niques. Néan­moins, il ne faut pas oublier que deve­nir spé­cia­liste NRBC néces­site rus­ti­ci­té et endu­rance car pas­ser plu­sieurs heures, ARI coif­fé, sous 40°C, en sca­phandre en ambiance NRBC, est loin d’être chose facile. Bien que l’unité souffre encore d’une image vieille de quelques années, les men­ta­li­tés changent et consti­tuent une vraie force pour la com­pa­gnie qui tend à glo­ba­le­ment rajeu­nir.
Ne viennent plus uni­que­ment ceux qui sou­haitent trou­ver une voie de garage avant leur PLI*. Ce serait plu­tôt du per­son­nel ayant une oppor­tu­ni­té de car­rière avec des stages à valeur ajou­tée. S’ils le sou­haitent, un retour dans le domaine incen­die ou encore la pos­si­bi­li­té de décou­vrir d’autres spé­cia­li­tés au sein de l’Institution est pos­sible, étof­fant davan­tage leur expé­rience à faire valoir à l’extérieur. On peut main­te­nant construire un pro­jet de car­rière au sein du GAS. Cela a d’ailleurs été concré­ti­sé der­niè­re­ment par un par­cours pro­fes­sion­nel iden­ti­fié pour les mili­taires du rang leur offrant de vraies oppor­tu­ni­tés dans ce jeune grou­pe­ment. »
*Pen­sion à liqui­da­tion immédiate.

LES HOMMES


Adjudant-chef Nicolas G.
« Élargir mon panel de connaissances »

Mon job
« J ’ai fait qua­si­ment toute ma car­rière dans le GIS1, de sapeur à adju­dant. Incor­po­rer le GAS m’a per­mis d’élargir mon panel de connais­sances et de redon­ner un coup de jeune à ma car­rière. Je me suis tout d’abord spé­cia­li­sé en sau­ve­tage déblaie­ment puis en NRBC. Aujourd’hui, j’occupe la fonc­tion d’adjudant d’unité au sein de la 38e com­pa­gnie. C’est-à-dire que je suis res­pon­sable de la ges­tion du temps des acti­vi­tés des mili­taires de la com­pa­gnie. Cette fonc­tion est sen­si­ble­ment la même qu’en com­pa­gnie d’incendie, seule la par­tie NRBC dif­fère. L’environnement NRBC implique un élar­gis­se­ment de ma mis­sion, notam­ment dans la dimen­sion RH. En effet, je dois gérer une popu­la­tion mili­taire avec une moyenne d’âge de 34 ans, elle est plus mature et a des contraintes de vie dif­fé­rentes d’un jeune de 21 ans. La plu­part sont pères ou mères de famille, cer­tains sont céli­ba­taires avec enfants à charge, je dois m’adapter et gérer plus fine­ment les plan­nings. Par ailleurs, en tant que spé­cia­liste, j’alloue une impor­tante par­tie de mon temps à répondre aux com­pa­gnies d’incendie qui s’interrogent sur des spé­ci­fi­ci­tés NRBC. For­mé RAD 3 et CHIM 2, j’occupe éga­le­ment les fonc­tions de chef de garde. Je suis res­pon­sable des pom­piers de la garde NRBC pen­dant 24 h, avec le sport, les manœuvres, les ser­vices inté­rieurs et tout l’aspect humain. Sur inter­ven­tion, j’ai une fonc­tion de conseiller NRBC auprès du com­man­dant des opé­ra­tions de secours. Aujourd’hui, le job me plait, je suis épa­noui dans mes fonc­tions. Mon sou­hait est de pour­suivre au sein de l’unité le plus long­temps pos­sible. Tant que je peux, je m’agrippe ! »

L’intervention mar­quante
« Encore affec­té à la 26e en com­pa­gnie d’incendie et de secours, je suis chef de garde au four­gon de Saint-Denis. J’interviens avec mes équipes pour deux car­tons posés sur la voie publique. Petite par­ti­cu­la­ri­té, ces car­tons sont, en fait, deux colis radio­lo­giques. La police est sur place et a éta­bli un péri­mètre de sécu­ri­té. L’un des poli­ciers a déjà ouvert les colis. À notre arri­vée, le poli­cier me tend une feuille de papier, je la prends. Il m’indique qu’elle était à l’intérieur des colis… Là, je me rends compte que je suis peut être conta­mi­né par une source radio­ac­tive. Avec sim­ple­ment mes connais­sances de bases en NRBC, je me sens un peu limi­té en com­pé­tences et en maté­riel. Je demande alors l’appui des spé­cia­listes NRBC. L’attente est longue pour moi, mais à leur arri­vée, c’est un peu la libé­ra­tion… Bilan : les colis sont vides, la source radio­lo­gique a bien été enle­vée, il n’y a pas de conta­mi­na­tion, pas d’irradiation, ouf ! »

Sergent Thomas D.
« La recherche et l’investigation sont le cœur du métier »

Mon Job

« Au bout de quinze ans en com­pa­gnie d’incendie, la fatigue s’est ins­tal­lée et j’ai sou­hai­té chan­ger d’environnement. Mon choix s’est por­té sur une com­pa­gnie opé­ra­tion­nelle, je me suis donc diri­gé vers la 38e com­pa­gnie. Actuel­le­ment à la caserne Pou­chet depuis le mois de sep­tembre 2021, je m’y sens très bien. Le rythme est moins sou­te­nu et la men­ta­li­té opé­ra­tion­nelle est dif­fé­rente. En effet, nous fai­sons face à des inter­ven­tions en géné­ral à ciné­tique lente qui néces­sitent beau­coup de recherches. Nous avons les bases tech­niques et les tenues pour nous pro­té­ger mais nous allons sou­vent vers l’inconnu. Ce sont des inter­ven­tions très inté­res­santes. En tant que sous-offi­cier, je suis for­mé « niveau 2 » , je suis donc chef d’agrès VI NRBC mais aus­si chef d’équipe. Sur inter­ven­tion, le chef d’agrès VI NRBC doit faire preuve de réflexion afin d’agir le plus pré­ci­sé­ment pos­sible car chaque geste compte. La jour­née de garde est ryth­mée comme en com­pa­gnie d’incendie, mais nous pou­vons plus faci­le­ment nous inves­tir dans le ser­vice inté­rieur et faire du sport. L’activité opé­ra­tion­nelle étant moins sou­te­nue, la fatigue est aus­si moins pré­sente. Nous arri­vons tou­jours à trou­ver du temps, notam­ment pour tra­vailler notre avan­ce­ment. De plus, au sein de la caserne, je suis char­gé de l’instruction où j’accompagne le per­son­nel dans son évo­lu­tion de car­rière, tout comme en com­pa­gnie d’incendie et de secours. Aujourd’hui, mon objec­tif est d’évoluer dans la spé­cia­li­té NRBC pour gagner en res­pon­sa­bi­li­té et en connaissance. »

L’intervention mar­quante
« Nous sommes inter­ve­nus dans les sous-sol d’une pis­cine en plein Paris. Une per­sonne char­gée de l’entretien a été intoxi­quée par des éma­na­tions de chlore et a res­sen­ti des bru­lures au yeux en ouvrant une cuve de réten­tion de javel. Pen­dant plus de sept heures, habillés de la COMAT puis du sca­phandre, nous avons recher­ché la cause de ce sinistre. L’origine a été très dif­fi­cile à iden­ti­fier. En lien avec le Labo­ra­toire Cen­tral de la Pré­fec­ture de Police, des échan­tillon­nages de pro­duits ont été réa­li­sés. Fina­le­ment, nous avons remar­qué qu’un des bidons posés à côté de la cuve conte­nait un autre pro­duit que celui iden­ti­fié sur l’étiquette. Cette inter­ven­tion fut pour moi une décou­verte du milieu NRBC où la recherche et l’investigation sont le cœur du métier. »

Sapeur de 1ere Classe Victor C.
« Toujours attiré par les sciences »

Mon job
« J ’ ai décou­vert la 38e com­pa­gnie grâce à un ser­gent de Run­gis qui est dans le même centre de secours volon­taire que moi. Tou­jours atti­ré par les sciences, j’ai eu l’opportunité, assez tôt, d’incorporer la com­pa­gnie NRBC. Lorsque j’ai acquis cette spé­cia­li­té, je me suis ren­du compte que les risques tech­no­lo­giques sont pré­sents par­tout, mais qu’ils sont suf­fi­sam­ment bien enca­drés pour que l’on n’en ait pas peur ! Cette spé­cia­li­té est encore mécon­nue dans les com­pa­gnies d’incendie, mais de plus en plus de jeunes sont moti­vés pour nous rejoindre. Je suis actuel­le­ment for­mé « niveau 1 » , je prends donc du ser­vant et du 2e chef d’équipe au VI NRBC. En plus de cela, je suis conduc­teur et garde remise. Je prends éga­le­ment un peu de VSAV, mais le rythme opé­ra­tion­nel reste tout de même moins intense qu’en com­pa­gnie d’incendie ! Mon objec­tif à court terme est d’aller au pelo­ton des élèves capo­raux en début d’année. Aujourd’hui, je suis com­plè­te­ment épa­noui et je me vois bien faire car­rière à la BSPP. »

L’intervention mar­quante
« Le 3 août 2021, nous avons déca­lé dans une entre­prise à Vitry. Lors d’une opé­ra­tion de manu­ten­tion, un homme a per­cé des conte­neurs de pro­duits chi­miques avec un trans­pa­lette. Plus de 1 000 litres de javel et d’acide chlor­hy­drique se sont répan­dus sur le sol… Afin de ne pas créer un mélange qui pour­rait être dan­ge­reux, l’opérateur a eu la pré­sence d’esprit de sépa­rer les conte­neurs. À notre arri­vée, la mis­sion a été de recon­naître les lieux, de pré­le­ver de la matière et d’obturer les fuites. Puis, aidés par les pom­piers géné­riques, nous avons absor­bé et neu­tra­li­sé tout le liquide. Avec mon chef d’équipe, nous avons pas­sé plus de quatre heures sous ARI ! Les inter­ven­tions à carac­tères NRBC sont beau­coup plus longues, la mis­sion est plus réflé­chie, mais il faut aus­si être débrouillard. Cette inter­ven­tion a été pour moi une superbe expérience ! »


LIEUTENANT-COLONEL CHRISTOPHE LIBEAU
Conseiller technique opérationnel NRBC de la BSPP

« Depuis plus de 40 ans, la BSPP est sensible à cette menace »

La Bri­gade est-elle seule face à la menace NRBC ?
La BSPP n’est évi­dem­ment pas seule. La bataille contre la menace NRBC ne peut se faire qu’en inter­ser­vices. Prin­ci­pa­le­ment avec la pré­fec­ture de police (notam­ment les grandes direc­tions que sont la DOPC et la DSPAP) et les SAMU. Tous ces acteurs seront sur le ter­rain aux côtés de la BSPP. Face à un atten­tat de type NRBC sur la plaque pari­sienne, la Bri­gade sera en pre­mière ligne, c’est elle qui don­ne­ra le tem­po de la manœuvre. Une fois toutes les vic­times éva­cuées, d’autres orga­nismes pren­dront le relais, notam­ment pour l’enquête.

Com­ment la Bri­gade anti­cipe-t-elle cette menace ?
Afin d’être prêts, nous nous tenons à l’écoute de l’écho du monde. Nous recueillons des infor­ma­tions qui nous sont don­nées par les ser­vices de ren­sei­gne­ments et par la presse. Ce qui nous inté­resse, ce sont notam­ment les occur­rences d’emploi d’agents chi­mique, radio­lo­gique ou bio­lo­gique à des fins de menace ter­ro­riste, dans le cadre d’une guerre ou d’un empoi­son­ne­ment. Lorsque ces évé­ne­ments ont lieu, la Bri­gade doit se poser les bonnes ques­tions : « Que ferions-nous si cet évé­ne­ment se dérou­lait sur la plaque pari­sienne ? » et « Est-ce que notre plan de réponse peut faire face à cette situation ? » .

La BSPP est-elle prête ?
Elle a, en tout cas, l’ambition de l’être. Depuis plus de 40 ans, la BSPP se pré­oc­cupe et est sen­sible à cette menace. En ce qui concerne la for­ma­tion des pom­piers de Paris, his­to­ri­que­ment, la Bri­gade a mis le cur­seur assez haut. Les fon­da­men­taux NRBC d’un pom­pier de Paris non spé­cia­liste sont pro­ba­ble­ment plus éle­vés que dans beau­coup d’autres capi­tales euro­péennes. Concer­nant les spé­cia­listes NRBC, le com­man­de­ment a fait le choix, en 2010, de haus­ser leur niveau glo­bal, en créant une com­pa­gnie dont c’est la prin­ci­pale acti­vi­té. Aujourd’hui, ils sont davan­tage accul­tu­rés à ce vaste domaine qu’est le NRBC.

Com­ment s’organisent les autres pays ?
Pour n’importe quel ser­vice de secours dans le monde, l’enjeu est de savoir qu’est-ce que le pom­pier non-spé­cia­liste est capable de faire et de com­prendre en matière NRBC. De New York à Tokyo, en pas­sant par Londres et Ber­lin, chaque ser­vice de secours a ses spé­cia­listes en NRBC. Lorsque l’on regarde de près le niveau de savoir-faire indi­vi­duel et d’équipe d’un pom­pier géné­rique de ces villes-là, il n’est pas for­cé­ment aus­si éle­vé que celui de la Bri­gade. Notre dif­fé­rence est ailleurs : la force de notre réponse repose sur le niveau glo­bal du sapeur-pom­pier de Paris, sur le « fond de sac » NRBC des non-spé­cia­listes. Ce ne sont pas les « 1 % » de spé­cia­listes qui, sur le ter­rain, sau­ve­ront les vic­times mais bien les « 99 % » de pom­piers, non-spé­cia­listes NRBC, dont les méde­cins, infir­miers et secou­ristes ou ceux qui auront reçu une for­ma­tion NRBC de base.

Quels sont les futurs moyens pour lut­ter contre cette menace ?
Aujourd’hui, nous par­lons beau­coup des robots. Très pro­chai­ne­ment, nous devrions avoir la pos­si­bi­li­té d’employer des drones ter­restres ou aériens pour agir, récu­pé­rer ou mesu­rer une source chi­mique ou radio­lo­gique. Nous avons inté­rêt à le faire. Au fur et à mesure, la Bri­gade va mon­ter en gamme, mais la robo­tique ne rem­pla­ce­ra jamais la tota­li­té des actions humaines car nous avons besoin de la capa­ci­té d’interprétation humaine donc de l’intelligence de situation.

Le Plan jaune évo­lue, pour­quoi ?
Notre doc­trine doit s’adapter à l’évolution des menaces. Suite aux atten­tats du 13 novembre 2015, nous nous sommes posé la ques­tion : « Et si nous avions dû faire face à une voire plu­sieurs attaques chi­miques ? » C’est la rai­son d’être du Plan jaune Alpha de 2016. Sans démon­ter ce tra­vail de pla­ni­fi­ca­tion opé­ra­tion­nel, nous fusion­nons le Plan jaune et le Plan jaune alpha, qui visaient les mêmes objec­tifs mais le second avec moins de moyens que le pre­mier. Aujourd’hui, une seule et unique orga­ni­sa­tion de la réponse opé­ra­tion­nelle, appe­lée Plan jaune parce que ce nom parle à tous les sapeurs-pom­piers de Paris désor­mais, et, pour l’EMO, une capa­ci­té à déployer deux volumes de moyens simul­ta­né­ment. Le reste ne change pas : les savoir-faire indi­vi­duels et d’équipe, c’est-à-dire les fon­da­men­taux NRBC sont iden­tiques ; l’organisation tac­tique (dans la main du COS) béné­fi­cie de quelques amé­lio­ra­tions ; l’organisation du niveau opé­ra­tif (EMO) est ren­for­cée et précisée.


A LIRE AUSSI…

INSOLITE — La Brigade en miniature

Pla­nète Bri­gade. Une fois par mois, elle va vous per­mettre de décou­vrir des pas­sions, des actions ou des faits qui tournent autour de la BSPP et des pom­piers de Paris. Voi­là donc le pre­mier volet. Depuis 2008, cet ancien sapeur-pom­pier de la 28e com­pa­gnie a trou­vé un loi­sir hors du com­mun pour occu­per ses jour­nées de retraité.


share Partager

3 réactions

Delphine C
21 janvier 2022

J igno­rais l exis­tence de cette spe­cia­lite et retiens l exis­tence de la 38
Le terme PLI Pen­sion a Liqui­da­tion Imme­diate m’a fait rire. Gageons que c’est expeditif.

BELBEZIER
24 janvier 2022

Il est dom­mage de ne pas rap­pe­ler quelque peu l’his­to­rique de cette spécialité…“armes spé­ciales” puis NRBC, les CS comme Vil­le­cresnes sont oubliés…

Harry Couvin
24 janvier 2022

Bon­jour,

Mer­ci de l’in­té­rêt que vous por­tez à nos articles. Cepen­dant, nous ne pou­vons pas être exhaus­tifs sur cha­cun des sujets que nous trai­tons. Nous pre­nons sys­té­ma­ti­que­ment un “angle” jour­na­lis­tique. Nul doute que nous repar­le­rons de Vil­le­cresnes dans un pro­chain numé­ro. Dans la rubrique His­toire ou ailleurs.

Votre réaction
Nom
Adresse de messagerie
Site internet

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.