GRAND FORMAT - Les innovations BSPP : faire face aux feux de demain

Harry Couvin
8 octobre 2020

[tag-adh] En ce début de XXIe siècle, la capitale et sa petite couronne sont en pleine mutation. Pour les pompiers de Paris, ces changements présagent aussi une évolution de leur métier : les feux de demain seront plus violents, plus profonds et plus longs. Afin de se préparer à l’avenir, la Brigade s’attelle aux études et à l’innovation, préparant ainsi le 2e « colloque de sciences appliquées au sapeur-pompier ». En attendant l’échéance, la rédaction d’ALLO DIX-HUIT vous propose une perspective de l’avenir technologique à la Brigade : lance du dévidoir tournant 35 mm, brumisation diphasique, vecteurs télé-opérés ou encore EPI connectés et tenues du futur.

La rédac­tion Allo18 —  — Modi­fiée le 25 juillet 2024 à 08 h 29 
Inter­view du lieu­te­nant-colo­nel Sébas­tien Gel­gon, chef du Bureau études et prospective

Les feux de demain

DE NOUVEAUX ENJEUX

LES GRANDS FEUX D’ENTREPÔTS

Aujourd’hui,pour des rai- sons d’efficacité, les logis­ti­ciens déve­loppent des « méga-entre­pôts » de plu­sieurs cen­taines de mil­liers de m², peu recou­pés. Or les moyens hydrau­liques des sapeurs-pom­piers ne sont plus assez puis­sants pour atteindre le cœur du foyer. Si bien que la pro­tec­tion de ces bâti­ments s’oriente vers les moyens propres mis en place par l’exploitant : sys­tèmes d’extinction auto­ma­tique à eau, sys­tèmes de pro­tec­tion des murs coupe-feu par déluge, lances-canon fixes. Les textes rela­tifs aux ins­tal­la­tions clas­sées ont intro­duit en 2017 la notion « d’impossibilité opé­ra­tion­nelle ». Néan­moins, en milieu for­te­ment urba­ni­sé, en cas de défaillance des moyens à demeure, la simple sur­veillance d’un feu géné­ra­li­sé pen­dant plu­sieurs jours sera dif­fi­ci­le­ment accep­table. Il fau­dra donc trou­ver de nou­veaux moyens pour limi­ter les propagations.

LES FEUX EN MILIEUX SOUTERRAINS

Que ce soit par le Grand Paris Express, le pro­jet « Réin­ven­ter Paris 2 » par l’aménagement des vides construc­tifs de la Défense, le chan­ge­ment d’usage des parcs de sta­tion­ne­ment cou­verts, les sous-sols de la plaque pari­sienne se den­si­fient et tendent à accueillir du public comme des acti­vi­tés logis­tiques et engendrent de nou­veaux risques. Les feux de sous-sols de demain seront donc plus com­plexes, car plus pro­fonds et à usages mul­tiples. Les délais d’engagement s’en trou­ve­ront allongés.

LES FEUX DANS LES IMMEUBLES EN MATÉRIAUX BIO SOURCÉS

Les enjeux de la construc­tion liés au “coût car­bone” imposent au monde du bâti­ment de déve­lop­per des maté­riaux de struc­tures bio sour­cés qui sont, pour par­tie, com­bus­tibles. De nou­veaux modes construc­tifs appa­raissent, y com­pris dans les immeubles de grande hau­teur. Ils mettent notam­ment en avant des sys­tèmes de pro­tec­tion incen­die pas­sifs mul­ti­couches. Ain­si, les modes d’intervention devront en par­ti­cu­lier être adap­tés aux feux cou­vants. Une recherche des points chauds beau­coup plus appro­fon­die et une phase de dégar­nis­sage longue et plus com­plexe seront au pro­gramme des sapeurs-pompiers.

LES FEUX LIÉS AUX NOUVELLES ÉNERGIES

La diver­si­fi­ca­tion des moto­ri­sa­tions a ame­né le sapeur-pom­pier à adap­ter son concept d’intervention pour feu de véhi­cules et feu de parcs de sta­tion­ne­ment cou­verts. Dans ce domaine, la légis­la­tion a fixé un calen­drier ambi­tieux d’équipement du bâti exis­tant et à construire. Au-delà des moyens de trans­port, le bâti­ment du futur ten­dra vers une auto­no­mie éner­gé­tique. Avec d’importants moyens de pro­duc­tion à demeure, mais sur­tout des volumes dédiés au sto­ckage d’énergie élec­trique à grande échelle, pro­ba­ble­ment dans les niveaux de sous-sols, de nou­veaux concepts d’intervention seront à mettre en place.

LA PERFORMANCE AU SERVICE DE L’EXTINCTION

En 1895, alors que la Bri­gade n’est encore que le régi­ment de sapeurs-pom­piers de Paris, nos anciens déve­lop­pèrent un concept per­met­tant de pro­cé­der à une attaque pré­coce et rapide du sinistre afin de dis­po­ser de plus de temps pour réa­li­ser les sau­ve­tages. Il s’agissait d’une lance dis­po­sée à l’arrière des engins de secours et direc­te­ment uti­li­sable grâce à un dévi­doir spé­ci­fique et à la réserve d’eau de l’engin. Connue de tous sous l’acronyme de LDT, le concept n’eut de cesse d’être amé­lio­ré et pré­sen­tait, vers la fin des années 90, un débit de 150 litres par minute.

Le 14 sep­tembre 2002, cinq sapeurs-pom­piers de Paris ont péri, vic­times d’un acci­dent ther­mique, lors d’un feu à Neuilly-sur-Seine (92). Meur­trie dans sa chair, la Bri­gade fait le choix de suivre les évo­lu­tions de la direc­tion de la sécu­ri­té civile (aujourd’hui dénom­mée DGSCGC) figu­rant dans le guide natio­nal de réfé­rence (GNR) « phé­no­mènes ther­miques » qu’elle édicte en 2003.

Ce docu­ment recom­mande l’utilisation d’un débit de 500 litres par minute pour assu­rer la pro­tec­tion d’un pom­pier en cas de sur­ve­nue d’un acci­dent ther­mique. Il pré­co­nise par ailleurs de ne plus uti­li­ser la LDT pour les feux de struc­tures avant que la DGSCGC n’en inter­dise tota­le­ment l’usage, lors de l’attaque de feux en volumes clos ou semi-ouverts, en 2009.

Depuis, un éta­blis­se­ment est sys­té­ma­ti­que­ment réa­li­sé du point d’eau à l’engin puis de l’engin à la lance. Si cette ligne d’attaque offre d’emblée un débit de 500 L/​min elle néces­site en contre­par­tie sept à huit minutes pour être en eau. Ce délai rend le sapeur-pom­pier de Paris vul­né­rable et réduit d’autant le temps pour réa­li­ser les sauvetages.

Ce manque de sou­plesse et de manœu­vra­bi­li­té, étayé par quinze années de retour d’expérience, conduit en 2014 le bureau pla­ni­fi­ca­tion opé­ra­tion­nelle (BPO) à sol­li­ci­ter une étude auprès du bureau études pros­pec­tive (BEP).

ÉVALUATION PERFORMANTIELLE

Ini­tiée en 2015, en par­te­na­riat avec plu­sieurs labo­ra­toires et ser­vices d’incendie et de secours, cette étude abou­ti­ra, en 2018, à une évo­lu­tion signi­fi­ca­tive de la régle­men­ta­tion (cf. ADH n° 742). Il est désor­mais per­mis de s’affranchir de la notion stricte de débit, sous réserve de prendre en compte le niveau de per­for­mance des lances au tra­vers de dif­fé­rents cri­tères défi­nis (capa­ci­té de refroi­dis­se­ment des gaz chauds, atté­nua­tion du rayonnement…).

Le résul­tat des tra­vaux de la BSPP est repris par la DGSCGC dans son guide de doc­trine opé­ra­tion­nelle rela­tif aux inter­ven­tions sur les incen­dies de struc­tures. Ils seront pris en compte éga­le­ment dans un réfé­ren­tiel tech­nique per­met­tant d’évaluer la per­for­mance des lances en vue de leur labellisation.

Pour la Bri­gade, la sup­pres­sion de ce « ver­rou » des 500 L/​min est une immense avan­cée. Désor­mais la per­for­mance d’une lance prime sur son débit et l’approche scien­ti­fique rete­nue va rapi­de­ment per­mettre le choix d’autres maté­riels sur opération.

RÉNOVATION DE LA LDT ET VALORISATION DE LA LIGNE D’ATTAQUE

Forte de cette avan­cée, la BSPP, avec l’appui scien­ti­fique et tech­nique du labo­ra­toire cen­tral de la pré­fec­ture de police (LCPP), réa­lise de nou­veaux essais sur dif­fé­rents types de lances, afin de recher­cher celle qui pré­sente les meilleurs résul­tats. Ces essais sont pra­ti­qués avec dif­fé­rents types d’établissements. Au final, une lance sort du lot sur l’ensemble des cri­tères, et ce, avec un débit de 400 L/​min.

À par­tir de là, tout s’enchaine. Cette réduc­tion de 20 % du débit per­met de dimi­nuer le dia­mètre des tuyaux de 45 à 35 mm. Ce gain de 10 mm dimi­nue de 50 % le poids du tuyau lorsqu’il est en eau. La Bri­gade va donc pro­chai­ne­ment pou­voir déployer dans ses engins-pompes des lignes d’attaque valo­ri­sées, en terme de manœu­vra­bi­li­té, par un dia­mètre réduit.

Ces dix petits mil­li­mètres vont aus­si per­mettre de remettre en place une LDT réno­vée com­po­sée exclu­si­ve­ment de tuyaux semi-rigides au sein d’un nou­veau sys­tème de dévi­doir tour­nant qui équi­pe­ra pro­gres­si­ve­ment les nou­veaux engins-pompes.

Quinze ans après, la boucle est bou­clée. La Bri­gade va de nou­veau pou­voir dis­po­ser d’un moyen hydrau­lique immé­dia­te­ment uti­li­sable per­met­tant une attaque pré­coce et rapide du sinistre et de dis­po­ser de plus de temps pour réa­li­ser les sauvetages.

La brumisation diphasique

Long­temps, le com­bat contre le feu s’est heur­té à l’absence de pro­tec­tion des sau­ve­teurs. Impos­sible de s’approcher suf­fi­sam­ment du sinistre pour pro­je­ter l’eau à la base des flammes afin d’obtenir l’extinction. L’attaque res­tait donc péri­phé­rique et visait essen­tiel­le­ment à sau­ve­gar­der l’environnement proche, où les hommes souffrent moins des effets du rayonnement.

Pour que le sapeur-pom­pier puisse s’engager comme on l’entend aujourd’hui, il aura fal­lu maî­tri­ser la force méca­nique afin de don­ner au jet de l’allonge, mettre au point des appa­reils per­met­tant de res­pi­rer un air non vicié à une tem­pé­ra­ture sup­por­table et déve­lop­per des tenues de pro­tec­tion adaptées.

Mal­gré toutes ces évo­lu­tions tech­niques, l’approche reste inchan­gée et l’extinction, comme la pro­tec­tion, sont obte­nues en pri­vi­lé­giant l’application de débits tou­jours plus élevés.

« Demain, lut­ter contre les feux pas­se­ra par un meilleur usage de l’eau » explique le lieu­te­nant-colo­nel Tes­ta, adjoint au chef du bureau études pros­pec­tive (BEP) avant d’ajouter : « Outre une meilleure pro­tec­tion du pom­pier contre les effets du rayon­ne­ment, il y a des enjeux éco­no­miques d’importance qui motivent de telles évo­lu­tions comme les coûts liés aux dégâts occa­sion­nés par les eaux d’extinction, ceux de la ges­tion des effluents ou encore, ceux inhé­rents à la mise à dis­po­si­tion d’eau en quan­ti­té suffisante. »

UN BROUILLARD OUI, MAIS DIPHASIQUE

Pour ces rai­sons le BEP a rou­vert depuis trois ans un dos­sier ini­tié en 1998 par la Bri­gade, celui de la bru­mi­sa­tion dipha­sique. « Si le pro­cé­dé n’est pas nou­veau, nous avons réus­si à lever le ver­rou tech­nique sur lequel avaient buté nos anciens, indique l’adjoint BEP, ren­dant du coup pos­sible son usage avec les contraintes qui sont les nôtres sur inter­ven­tions ». L’avancée a été jugée suf­fi­sam­ment inté­res­sante pour que la direc­tion géné­rale de l’armement (DGA) octroie un finan­ce­ment afin de réa­li­ser un démons­tra­teur opérationnel.

« Si le concept lié à cette lance dipha­sique décline des tech­no­lo­gies simples, il met en œuvre une phy­sique très com­plexe » explique l’officier. « Pour l’imager, on peut dire que ce pro­cé­dé ajoute à la géné­ra­tion d’un brouillard, c’est-à-dire une sus­pen­sion de gout­te­lettes très fines, le trans­port de celui-ci au sein d’un jet à grande vitesse. » La façon d’éteindre les feux est pro­fon­dé­ment modi­fiée, le refroi­dis­se­ment et la dimi­nu­tion locale de la teneur en oxy­gène deviennent des modes d’action pré­do­mi­nants et la consom­ma­tion en eau dimi­nue de façon dras­tique : cinq à huit fois moins que nos lances actuelles.

Le tra­vail est com­plexe. Il faut repar­tir de la feuille blanche et pen­ser un nou­veau type de lance, créer les tuyaux et rac­cords adap­tés tout en anti­ci­pant l’intégration et l’industrialisation. Néan­moins, le finan­ce­ment obte­nu, ain­si que l’industriel avec qui nous tra­vaillons, devraient per­mettre d’aboutir dans le cou­rant de l’année 2021.

DES PREMIERS ESSAIS PROMETTEURS

Dif­fé­rents essais ont été menés. « Il s’agit pour le moment d’un pièce unique, usi­née en un seul exem­plaire, qui ne res­semble en rien à une lance mais qui nous a per­mis, durant deux ans, de conduire les pre­miers essais afin de s’assurer de l’intérêt du procédé. »

Sur des feux d’espaces clos ou semi-clos, « l’extinction com­plète ain­si que le refroi­dis­se­ment des locaux ont été obte­nus avec vrai­ment très peu d’eau. Dans des envi­ron­ne­ments clos avec des condi­tions sévères, les opé­ra­teurs peuvent faire des appli­ca­tions d’eau durant une dizaine de secondes sans effets délé­tères » indique l’adjoint BEP. Les uti­li­sa­teurs constatent aus­si une sup­pres­sion des par­ti­cules en sus­pen­sion et, autre point posi­tif, l’absence d’eau rési­duelle après l’extinction. Enfin, sur les feux de véhi­cules, seule­ment 70 à 80 litres d’eau ont suffi.

« Mal­gré cela, il convient de res­ter pru­dent, tem­po­rise le lieu­te­nant-colo­nel Tes­ta, le nombre de tests à conduire est encore impor­tant avant de pou­voir plei­ne­ment appré­hen­der l’intérêt du pro­cé­dé, ain­si que ses limites et contraintes. » C’est l’enjeu de l’année à venir : tes­ter le dis­po­si­tif dans toutes les confi­gu­ra­tions envi­sa­geables afin de pou­voir per­mettre au com­man­de­ment de se pro­non­cer sur l’opportunité de le déployer avec la pro­chaine géné­ra­tion d’engins-pompes.

DES PERSPECTIVES ALLÉCHANTES

La maî­trise de ce pro­cé­dé pré­sente poten­tiel­le­ment des inté­rêts dans de nom­breux domaines tels que le net­toyage, la décon­ta­mi­na­tion, la cap­ta­tion des gaz et par­ti­cules en sus­pen­sion ou même l’atténuation des ondes de chocs.

Au regard des pers­pec­tives offertes, plu­sieurs ser­vices d’incendie et de secours ain­si que des indus­triels, contac­tés par la Bri­gade, ont fait le choix de par­ti­ci­per à cette aven­ture, en iden­ti­fiant d’emblée des inté­rêts dif­fé­rents des nôtres au regard de leurs domaines respectifs.

Affaire à suivre !

Tests tech­niques sur la lance diphasique

L’avenir des vecteurs télé-opérés

QUAND LA RÉALITÉ DÉPASSE LA SCIENCE-FICTION

Depuis trois ans, les vec­teurs télé-opé­rés ont inté­gré pro­gres­si­ve­ment la réponse opé­ra­tion­nelle de la Bri­gade. Robot d’extinction (REX), robots-mules, et plus récem­ment drones aériens, la BSPP se dote de ces outils afin d’assurer de mul­tiples mis­sions. « Ces moyens ne sont pas de simples gad­gets, nous cher­chons à les uti­li­ser comme de véri­tables outils de tra­vail per­met­tant de faci­li­ter la manœuvre, explique le lieu­te­nant-colo­nel Ble­net, chef de la sec­tion inno­va­tion au BEP. À terme, nous pour­rons les exploi­ter lors de toutes les étapes de la marche géné­rale des opé­ra­tions (MGO). »

INTERVENTIONS PAR LES AIRS

Cette année, les drones ont com­men­cé à être déployés sur le ter­rain. « Concrè­te­ment, le drone est un outil car­to­gra­phique. Il prend le rôle de la sec­tion d’information opé­ra­tion­nelle et pré­vi­sion­nelle (SIOP) sur les lieux de l’intervention, déve­loppe l’officier. Il trans­met des prises de vues aériennes pour nous per­mettre de com­prendre la confi­gu­ra­tion des lieux. Ces ren­sei­gne­ments, récu­pé­rés en direct, nous épargnent de mau­vaises sur­prises. » En effet, les fonds de cartes récu­pé­rés sur le sys­tème d’information géo­gra­phique (SIG) ou via Google Earth s’avèrent par­fois erro­nés en rai­son de bâti­ments détruits, modi­fiés ou nou­vel­le­ment construits. « Actuel­le­ment, le drone par­vient à trans­fé­rer ses infor­ma­tions au télé-pilote qui les redi­rige vers le com­man­dant des opé­ra­tions de secours (COS) ou son PC, pour­suit le lieu­te­nant-colo­nel. Idéa­le­ment, nous sou­hai­te­rions que le drone émette un flux suf­fi­sam­ment puis­sant pour ren­sei­gner des dizaines d’écrans en direct. Par la suite, le télé-pilote pour­rait trans­mettre ces images à la per­sonne de son choix, jusqu’à un chef de sec­teur situé à l’extrême oppo­sé de l’intervention. »

PLUS NOMBREUX ET PLUS INTELLIGENTS

À l’avenir, les drones devien­dront plus fiables et plus auto­nomes. « Si le ser­vice de navi­ga­tion aérienne recon­naît ces évo­lu­tions, nous pour­rons pilo­ter nos drones en dehors de notre champ de vision, ce qui est pour le moment inter­dit, pro­pose le lieu­te­nant-colo­nel Ble­net. S’ils deviennent com­plè­te­ment auto­nomes, nous pour­rons même nous pas­ser de télé-pilotes. » Dans un futur proche, le drone pour­rait rece­voir auto­ma­ti­que­ment un ordre de départ, éta­blir son plan de vol et édi­ter sa décla­ra­tion au ser­vice de navi­ga­tion aérienne. Une fois celle-ci vali­dée, il pour­ra décol­ler et se rendre direc­te­ment sur les lieux du sinistre. L’aéronef, en vol sta­tion­naire au-des­sus de l’incendie, enver­ra ensuite son flux vidéo à l’état-major et aux pri­mo-inter­ve­nants afin d’avoir rapi­de­ment un ren­du 3D de la situa­tion. « Nous tra­vaillons éga­le­ment sur la pers­pec­tive du tra­vail en essaim, détaille le lieu­te­nant-colo­nel Ble­net. L’idée consiste à déployer un grand nombre de drones qui com­mu­ni­que­ront entre-eux. Ils pour­raient éta­blir un péri­mètre de sécu­ri­té, lar­guer des balises, dis­po­ser de maté­riels spé­ci­fiques, créer des bulles de com­mu­ni­ca­tion wifi, etc. » Ce dis­po­si­tif, en essaim, per­met­tra aus­si de main­te­nir une obser­va­tion per­ma­nente du sinistre : les aéro­nefs pour­ront se relayer entre-eux et ain­si pal­lier les éven­tuels pro­blèmes d’autonomie. Enfin, la pers­pec­tive du drone car­go (voir enca­dré) est elle aus­si explorée.

DES ROBOTS OPTIMISÉS

Les robots ter­restres ont plus d’ancienneté à la BSPP que les drones. Le REX fut le tout pre­mier vec­teur télé-opé­ré à être opé­ra­tion­nel en 2017 et les robots-mules l’ont rejoint cette année. Leurs mis­sions consistent prin­ci­pa­le­ment au port de maté­riels de recon­nais­sances et à l’extinction, dans le cas de REX. « Nos études portent actuel­le­ment sur la géo­lo­ca­li­sa­tion et la com­mu­ni­ca­tion “indoor”, détaille le capi­taine Pif­fard, chef de la sec­tion inno­va­tion. Le déve­lop­pe­ment de l’intelligence arti­fi­cielle fera lui aus­si pro­gres­ser l’usage des robots sur inter­ven­tion. Nous pou­vons même ima­gi­ner leur uti­li­sa­tion au sein de notre envi­ron­ne­ment logis­tique, où de nom­breuses tâches répé­ti­tives pour­raient allè­gre­ment être rem­pla­cées par des robots. » Si toutes ces pers­pec­tives laissent son­geur, les offi­ciers du BEP res­tent néan­moins caté­go­riques : les vec­teurs télé-opé­rés ne sont pas près de rem­pla­cer le sapeur-pom­pier de Paris !

Tenue intelligente et EPI connectés

LA TECHNOLOGIE AU CŒUR DE LA PROTECTION

VESTE INTELLIGENTE

Concer­nant l’évolution de la tenue de feu, un pro­jet de veste ins­tru­men­tée est en cours de déve­lop­pe­ment. La BSPP incite des fabri­cants à réflé­chir sur la pos­si­bi­li­té d’intégrer dans la tenue des cap­teurs ther­miques pour pou­voir aler­ter le sapeur-pom­pier enga­gé en inter­ven­tion. À ce jour, seuls des équi­pe­ments avec cap­teurs de don­nées phy­sio­lo­giques sont pro­po­sés à la vente. Dès 2018, les cel­lules de recherche et de déve­lop­pe­ment de socié­tés sol­li­ci­tées par le BSH ont étu­dié la concep­tion d’un tel équi­pe­ment. Ce n’est qu’au début de l’année 2020 qu’un pre­mier pro­to­type de veste avec cap­teurs ther­miques et alarme inté­grés a été pré­sen­té au BSH.

La sur­ve­nue d’une brû­lure est condi­tion­née par plu­sieurs fac­teurs : temps d’exposition, inten­si­té de l’exposition, degré d’hygrométrie et carac­té­ris­tiques des équi­pe­ments de pro­tec­tion indi­vi­duelle. L’intégration de cap­teurs au sein même de la veste a pour objec­tif de déce­ler l’augmentation de la tem­pé­ra­ture rele­vée. Ain­si lorsque celle-ci atteint 41°C au contact de la peau, une alarme se déclenche pré­ve­nant le por­teur de l’imminence d’une brû­lure avant même d’avoir atteint le seuil per­cep­tible de la dou­leur afin de lui lais­ser le plus de temps pos­sible pour se mettre en sécurité.

Le sys­tème se veut le plus simple pos­sible. En effet, les com­po­sants élec­tro­niques sont déjà exis­tants et dis­po­nibles. Les infor­ma­tions rele­vées par les cap­teurs sont trans­mises à une carte mère située dans le col de la veste. Ce pro­to­type doit dès à pré­sent être tes­té dans l’ambiance réelle d’un cais­son de feu, afin de prou­ver son effi­ca­ci­té ain­si que sa résis­tance aux mani­pu­la­tions d’habillage et de lavage.

GANTS D’ATTAQUE

La pro­tec­tion des mains du sapeur-pom­pier est aus­si un enjeu de grande taille. En effet, les brû­lures aux mains concernent envi­ron 20 % des brû­lures totales du 2e degré, consta­tées sur les sol­dats du feu. Pour répondre à cette pro­blé­ma­tique, le BSH encou­rage les fabri­cants de gants à déve­lop­per des pro­duits assu­rant une meilleure sécu­ri­té. Le chan­ge­ment de matière, l’intégration d’une couche d’air et de cap­teurs sont autant de pistes sur les­quelles les indus­triels du sec­teur peuvent tra­vailler. C’est ain­si que le nou­veau gant d’attaque, de cou­leur rouge et qui sera four­ni aux uni­tés à l’automne 2020, sera consti­tué de la même matière que la veste tex­tile. Dans la même lignée que la veste équi­pée de cap­teurs, une entre­prise du sec­teur a déve­lop­pé un gant d’attaque inté­grant des sys­tèmes simi­laires. Cette socié­té pro­pose à la BSPP la même démarche de tests en caisson.

C’est grâce à un par­te­na­riat avec ces dif­fé­rents acteurs du domaine de la sécu­ri­té incen­die que la BSPP va tes­ter les pro­to­types de nou­veaux maté­riels qui équi­pe­ront sans aucun doute les futures équipes sur opé­ra­tion. Ces pro­jets s’intègrent idéa­le­ment dans la démarche inno­va­tion de la Bri­gade. L’objectif pour la BSPP est d’accompagner ces pro­jets en vue de déve­lop­per des équi­pe­ments répon­dant pré­ci­sé­ment à ses exi­gences de sécurité.

LE FUTUR DE LA TENUE DE FEU

Com­man­dant Franck Cap­mar­ty, chef du BSH.

(bureau sou­tien de l’homme)

« Il y a cer­tains aspects qui n’évolueront sans doute pas. Une tenue de feu doit être le meilleur com­pro­mis entre pro­tec­tion, sou­plesse et res­pi­ra­bi­li­té. Nous deman­dons déjà beau­coup de choses à cette tenue. Elle doit répondre à de nom­breuses exi­gences nor­ma­tives comme résis­tance méca­nique, bar­rière ther­mique, étan­chéi­té à l’eau et aux pro­duits chi­miques liquides.

Elle doit res­ter fonc­tion­nelle pour pou­voir la revê­tir rapidement.

Lorsqu’il s’engage sur un feu, le pom­pier de Paris doit conser­ver son agi­li­té, mon­ter à l’échelle à cro­chets, enjam­ber un bal­con, cou­rir et por­ter des charges lourdes. La tenue de feu doit gar­der une sou­plesse, une ergo­no­mie et un confort à tous points de vue. L’installation de cap­teurs sur la tenue de feu est un niveau de pro­tec­tion supplémentaire.

Cepen­dant la tenue de feu ne doit pas deve­nir une armure. Nous croyons plus dans l’allègement

de celle-ci grâce notam­ment aux nou­veaux types de tex­tiles inté­grant des maté­riaux de pointe. Ils pour­raient appor­ter une plus-value dans l’absorption et la répar­ti­tion de la chaleur.

La casque est voué, lui aus­si, à évo­luer. Les nou­velles tech­no­lo­gies affluent dans ce domaine et il n’est pas impos­sible que dans quelques temps, une camé­ra ther­mique soit minia­tu­ri­sée et inté­grée dans la visière. Tout comme un sys­tème de com­mu­ni­ca­tion performant.

À mon sens, le sys­tème de pro­tec­tion opé­ra­tion­nel du pom­pier de Paris ne doit pas être trop rigide sinon le pom­pier n’en serait plus un.

Nous ne pou­vons rem­pla­cer l’homme par le robot, l’homme fait face à trop de situa­tions différentes.

Sa tenue doit être avant tout comme lui : elle doit res­ter humaine. »

Credits

Photos : BSPP et DR

share Partager

2 réactions

koziak
10 octobre 2020

bon­jour ,
pour­quoi je ne peut plus lire vos article sur mon télé­phone por­table compatible
Bon courage

Harry Couvin
12 octobre 2020

Bon­jour,
Après véri­fi­ca­tions tech­niques et quelques tests sur des télé­phones por­tables en mode IOS ou Android, nous ne ren­con­trons aucune dif­fi­cul­té pour affi­cher nos articles. Cordialement.

Votre réaction
Nom
Adresse de messagerie
Site internet

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.