GRAND FORMAT — Les innovations BSPP : faire face aux feux de demain

Grands formats — En ce début de XXIe siècle, la capitale et sa petite couronne sont en pleine mutation. Pour les pompiers de Paris, ces changements présagent aussi une évolution de leur métier : les feux de demain seront plus violents, plus profonds et plus longs. Afin de se préparer à l’avenir, la Brigade s’attelle aux études et à l’innovation, préparant ainsi le 2e « colloque de sciences appliquées au sapeur-pompier ». En attendant l’échéance, la rédaction d’ALLO DIX-HUIT vous propose une perspective de l’avenir technologique à la Brigade : lance du dévidoir tournant 35 mm, brumisation diphasique, vecteurs télé-opérés ou encore EPI connectés et tenues du futur.

La rédac­tion Allo18 —  — Modi­fiée le 28 avril 2021 à 10 h 48 
Inter­view du lieu­te­nant-colo­nel Sébas­tien Gel­gon, chef du Bureau études et prospective

Les feux de demain

DE NOUVEAUX ENJEUX

LES GRANDS FEUX D’ENTREPÔTS

Aujourd’hui,pour des rai- sons d’efficacité, les logis­ti­ciens déve­loppent des « méga-entre­pôts » de plu­sieurs cen­taines de mil­liers de m², peu recou­pés. Or les moyens hydrau­liques des sapeurs-pom­piers ne sont plus assez puis­sants pour atteindre le cœur du foyer. Si bien que la pro­tec­tion de ces bâti­ments s’oriente vers les moyens propres mis en place par l’exploitant : sys­tèmes d’extinction auto­ma­tique à eau, sys­tèmes de pro­tec­tion des murs coupe-feu par déluge, lances-canon fixes. Les textes rela­tifs aux ins­tal­la­tions clas­sées ont intro­duit en 2017 la notion « d’impossibilité opé­ra­tion­nelle ». Néan­moins, en milieu for­te­ment urba­ni­sé, en cas de défaillance des moyens à demeure, la simple sur­veillance d’un feu géné­ra­li­sé pen­dant plu­sieurs jours sera dif­fi­ci­le­ment accep­table. Il fau­dra donc trou­ver de nou­veaux moyens pour limi­ter les propagations.

LES FEUX EN MILIEUX SOUTERRAINS

Que ce soit par le Grand Paris Express, le pro­jet « Réin­ven­ter Paris 2 » par l’aménagement des vides construc­tifs de la Défense, le chan­ge­ment d’usage des parcs de sta­tion­ne­ment cou­verts, les sous-sols de la plaque pari­sienne se den­si­fient et tendent à accueillir du public comme des acti­vi­tés logis­tiques et engendrent de nou­veaux risques. Les feux de sous-sols de demain seront donc plus com­plexes, car plus pro­fonds et à usages mul­tiples. Les délais d’engagement s’en trou­ve­ront allongés.

LES FEUX DANS LES IMMEUBLES EN MATÉRIAUX BIO SOURCÉS

Les enjeux de la construc­tion liés au “coût car­bone” imposent au monde du bâti­ment de déve­lop­per des maté­riaux de struc­tures bio sour­cés qui sont, pour par­tie, com­bus­tibles. De nou­veaux modes construc­tifs appa­raissent, y com­pris dans les immeubles de grande hau­teur. Ils mettent notam­ment en avant des sys­tèmes de pro­tec­tion incen­die pas­sifs mul­ti­couches. Ain­si, les modes d’intervention devront en par­ti­cu­lier être adap­tés aux feux cou­vants. Une recherche des points chauds beau­coup plus appro­fon­die et une phase de dégar­nis­sage longue et plus com­plexe seront au pro­gramme des sapeurs-pompiers.

LES FEUX LIÉS AUX NOUVELLES ÉNERGIES

La diver­si­fi­ca­tion des moto­ri­sa­tions a ame­né le sapeur-pom­pier à adap­ter son concept d’intervention pour feu de véhi­cules et feu de parcs de sta­tion­ne­ment cou­verts. Dans ce domaine, la légis­la­tion a fixé un calen­drier ambi­tieux d’équipement du bâti exis­tant et à construire. Au-delà des moyens de trans­port, le bâti­ment du futur ten­dra vers une auto­no­mie éner­gé­tique. Avec d’importants moyens de pro­duc­tion à demeure, mais sur­tout des volumes dédiés au sto­ckage d’énergie élec­trique à grande échelle, pro­ba­ble­ment dans les niveaux de sous-sols, de nou­veaux concepts d’intervention seront à mettre en place.

LA PERFORMANCE AU SERVICE DE L’EXTINCTION

En 1895, alors que la Bri­gade n’est encore que le régi­ment de sapeurs-pom­piers de Paris, nos anciens déve­lop­pèrent un concept per­met­tant de pro­cé­der à une attaque pré­coce et rapide du sinistre afin de dis­po­ser de plus de temps pour réa­li­ser les sau­ve­tages. Il s’agissait d’une lance dis­po­sée à l’arrière des engins de secours et direc­te­ment uti­li­sable grâce à un dévi­doir spé­ci­fique et à la réserve d’eau de l’engin. Connue de tous sous l’acronyme de LDT, le concept n’eut de cesse d’être amé­lio­ré et pré­sen­tait, vers la fin des années 90, un débit de 150 litres par minute.

Le 14 sep­tembre 2002, cinq sapeurs-pom­piers de Paris ont péri, vic­times d’un acci­dent ther­mique, lors d’un feu à Neuilly-sur-Seine (92). Meur­trie dans sa chair, la Bri­gade fait le choix de suivre les évo­lu­tions de la direc­tion de la sécu­ri­té civile (aujourd’hui dénom­mée DGSCGC) figu­rant dans le guide natio­nal de réfé­rence (GNR) « phé­no­mènes ther­miques » qu’elle édicte en 2003.

Ce docu­ment recom­mande l’utilisation d’un débit de 500 litres par minute pour assu­rer la pro­tec­tion d’un pom­pier en cas de sur­ve­nue d’un acci­dent ther­mique. Il pré­co­nise par ailleurs de ne plus uti­li­ser la LDT pour les feux de struc­tures avant que la DGSCGC n’en inter­dise tota­le­ment l’usage, lors de l’attaque de feux en volumes clos ou semi-ouverts, en 2009.

Depuis, un éta­blis­se­ment est sys­té­ma­ti­que­ment réa­li­sé du point d’eau à l’engin puis de l’engin à la lance. Si cette ligne d’attaque offre d’emblée un débit de 500 L/​min elle néces­site en contre­par­tie sept à huit minutes pour être en eau. Ce délai rend le sapeur-pom­pier de Paris vul­né­rable et réduit d’autant le temps pour réa­li­ser les sauvetages.

Ce manque de sou­plesse et de manœu­vra­bi­li­té, étayé par quinze années de retour d’expérience, conduit en 2014 le bureau pla­ni­fi­ca­tion opé­ra­tion­nelle (BPO) à sol­li­ci­ter une étude auprès du bureau études pros­pec­tive (BEP).

ÉVALUATION PERFORMANTIELLE

Ini­tiée en 2015, en par­te­na­riat avec plu­sieurs labo­ra­toires et ser­vices d’incendie et de secours, cette étude abou­ti­ra, en 2018, à une évo­lu­tion signi­fi­ca­tive de la régle­men­ta­tion (cf. ADH n° 742). Il est désor­mais per­mis de s’affranchir de la notion stricte de débit, sous réserve de prendre en compte le niveau de per­for­mance des lances au tra­vers de dif­fé­rents cri­tères défi­nis (capa­ci­té de refroi­dis­se­ment des gaz chauds, atté­nua­tion du rayonnement…).

Le résul­tat des tra­vaux de la BSPP est repris par la DGSCGC dans son guide de doc­trine opé­ra­tion­nelle rela­tif aux inter­ven­tions sur les incen­dies de struc­tures. Ils seront pris en compte éga­le­ment dans un réfé­ren­tiel tech­nique per­met­tant d’évaluer la per­for­mance des lances en vue de leur labellisation.

Pour la Bri­gade, la sup­pres­sion de ce « ver­rou » des 500 L/​min est une immense avan­cée. Désor­mais la per­for­mance d’une lance prime sur son débit et l’approche scien­ti­fique rete­nue va rapi­de­ment per­mettre le choix d’autres maté­riels sur opération.

RÉNOVATION DE LA LDT ET VALORISATION DE LA LIGNE D’ATTAQUE

Forte de cette avan­cée, la BSPP, avec l’appui scien­ti­fique et tech­nique du labo­ra­toire cen­tral de la pré­fec­ture de police (LCPP), réa­lise de nou­veaux essais sur dif­fé­rents types de lances, afin de recher­cher celle qui pré­sente les meilleurs résul­tats. Ces essais sont pra­ti­qués avec dif­fé­rents types d’établissements. Au final, une lance sort du lot sur l’ensemble des cri­tères, et ce, avec un débit de 400 L/​min.

À par­tir de là, tout s’enchaine. Cette réduc­tion de 20 % du débit per­met de dimi­nuer le dia­mètre des tuyaux de 45 à 35 mm. Ce gain de 10 mm dimi­nue de 50 % le poids du tuyau lorsqu’il est en eau. La Bri­gade va donc pro­chai­ne­ment pou­voir déployer dans ses engins-pompes des lignes d’attaque valo­ri­sées, en terme de manœu­vra­bi­li­té, par un dia­mètre réduit.

Ces dix petits mil­li­mètres vont aus­si per­mettre de remettre en place une LDT réno­vée com­po­sée exclu­si­ve­ment de tuyaux semi-rigides au sein d’un nou­veau sys­tème de dévi­doir tour­nant qui équi­pe­ra pro­gres­si­ve­ment les nou­veaux engins-pompes.

Quinze ans après, la boucle est bou­clée. La Bri­gade va de nou­veau pou­voir dis­po­ser d’un moyen hydrau­lique immé­dia­te­ment uti­li­sable per­met­tant une attaque pré­coce et rapide du sinistre et de dis­po­ser de plus de temps pour réa­li­ser les sauvetages.

La brumisation diphasique

Long­temps, le com­bat contre le feu s’est heur­té à l’absence de pro­tec­tion des sau­ve­teurs. Impos­sible de s’approcher suf­fi­sam­ment du sinistre pour pro­je­ter l’eau à la base des flammes afin d’obtenir l’extinction. L’attaque res­tait donc péri­phé­rique et visait essen­tiel­le­ment à sau­ve­gar­der l’environnement proche, où les hommes souffrent moins des effets du rayonnement.

Pour que le sapeur-pom­pier puisse s’engager comme on l’entend aujourd’hui, il aura fal­lu maî­tri­ser la force méca­nique afin de don­ner au jet de l’allonge, mettre au point des appa­reils per­met­tant de res­pi­rer un air non vicié à une tem­pé­ra­ture sup­por­table et déve­lop­per des tenues de pro­tec­tion adaptées.

Mal­gré toutes ces évo­lu­tions tech­niques, l’approche reste inchan­gée et l’extinction, comme la pro­tec­tion, sont obte­nues en pri­vi­lé­giant l’application de débits tou­jours plus élevés.

« Demain, lut­ter contre les feux pas­se­ra par un meilleur usage de l’eau » explique le lieu­te­nant-colo­nel Tes­ta, adjoint au chef du bureau études pros­pec­tive (BEP) avant d’ajouter : « Outre une meilleure pro­tec­tion du pom­pier contre les effets du rayon­ne­ment, il y a des enjeux éco­no­miques d’importance qui motivent de telles évo­lu­tions comme les coûts liés aux dégâts occa­sion­nés par les eaux d’extinction, ceux de la ges­tion des effluents ou encore, ceux inhé­rents à la mise à dis­po­si­tion d’eau en quan­ti­té suffisante. »

UN BROUILLARD OUI, MAIS DIPHASIQUE

Pour ces rai­sons le BEP a rou­vert depuis trois ans un dos­sier ini­tié en 1998 par la Bri­gade, celui de la bru­mi­sa­tion dipha­sique. « Si le pro­cé­dé n’est pas nou­veau, nous avons réus­si à lever le ver­rou tech­nique sur lequel avaient buté nos anciens, indique l’adjoint BEP, ren­dant du coup pos­sible son usage avec les contraintes qui sont les nôtres sur inter­ven­tions ». L’avancée a été jugée suf­fi­sam­ment inté­res­sante pour que la direc­tion géné­rale de l’armement (DGA) octroie un finan­ce­ment afin de réa­li­ser un démons­tra­teur opérationnel.

« Si le concept lié à cette lance dipha­sique décline des tech­no­lo­gies simples, il met en œuvre une phy­sique très com­plexe » explique l’officier. « Pour l’imager, on peut dire que ce pro­cé­dé ajoute à la géné­ra­tion d’un brouillard, c’est-à-dire une sus­pen­sion de gout­te­lettes très fines, le trans­port de celui-ci au sein d’un jet à grande vitesse. » La façon d’éteindre les feux est pro­fon­dé­ment modi­fiée, le refroi­dis­se­ment et la dimi­nu­tion locale de la teneur en oxy­gène deviennent des modes d’action pré­do­mi­nants et la consom­ma­tion en eau dimi­nue de façon dras­tique : cinq à huit fois moins que nos lances actuelles.

Le tra­vail est com­plexe. Il faut repar­tir de la feuille blanche et pen­ser un nou­veau type de lance, créer les tuyaux et rac­cords adap­tés tout en anti­ci­pant l’intégration et l’industrialisation. Néan­moins, le finan­ce­ment obte­nu, ain­si que l’industriel avec qui nous tra­vaillons, devraient per­mettre d’aboutir dans le cou­rant de l’année 2021.

DES PREMIERS ESSAIS PROMETTEURS

Dif­fé­rents essais ont été menés. « Il s’agit pour le moment d’un pièce unique, usi­née en un seul exem­plaire, qui ne res­semble en rien à une lance mais qui nous a per­mis, durant deux ans, de conduire les pre­miers essais afin de s’assurer de l’intérêt du procédé. »

Sur des feux d’espaces clos ou semi-clos, « l’extinction com­plète ain­si que le refroi­dis­se­ment des locaux ont été obte­nus avec vrai­ment très peu d’eau. Dans des envi­ron­ne­ments clos avec des condi­tions sévères, les opé­ra­teurs peuvent faire des appli­ca­tions d’eau durant une dizaine de secondes sans effets délé­tères » indique l’adjoint BEP. Les uti­li­sa­teurs constatent aus­si une sup­pres­sion des par­ti­cules en sus­pen­sion et, autre point posi­tif, l’absence d’eau rési­duelle après l’extinction. Enfin, sur les feux de véhi­cules, seule­ment 70 à 80 litres d’eau ont suffi.

« Mal­gré cela, il convient de res­ter pru­dent, tem­po­rise le lieu­te­nant-colo­nel Tes­ta, le nombre de tests à conduire est encore impor­tant avant de pou­voir plei­ne­ment appré­hen­der l’intérêt du pro­cé­dé, ain­si que ses limites et contraintes. » C’est l’enjeu de l’année à venir : tes­ter le dis­po­si­tif dans toutes les confi­gu­ra­tions envi­sa­geables afin de pou­voir per­mettre au com­man­de­ment de se pro­non­cer sur l’opportunité de le déployer avec la pro­chaine géné­ra­tion d’engins-pompes.

DES PERSPECTIVES ALLÉCHANTES

La maî­trise de ce pro­cé­dé pré­sente poten­tiel­le­ment des inté­rêts dans de nom­breux domaines tels que le net­toyage, la décon­ta­mi­na­tion, la cap­ta­tion des gaz et par­ti­cules en sus­pen­sion ou même l’atténuation des ondes de chocs.

Au regard des pers­pec­tives offertes, plu­sieurs ser­vices d’incendie et de secours ain­si que des indus­triels, contac­tés par la Bri­gade, ont fait le choix de par­ti­ci­per à cette aven­ture, en iden­ti­fiant d’emblée des inté­rêts dif­fé­rents des nôtres au regard de leurs domaines respectifs.

Affaire à suivre !

Tests tech­niques sur la lance diphasique

L’avenir des vecteurs télé-opérés

QUAND LA RÉALITÉ DÉPASSE LA SCIENCE-FICTION

Depuis trois ans, les vec­teurs télé-opé­rés ont inté­gré pro­gres­si­ve­ment la réponse opé­ra­tion­nelle de la Bri­gade. Robot d’extinction (REX), robots-mules, et plus récem­ment drones aériens, la BSPP se dote de ces outils afin d’assurer de mul­tiples mis­sions. « Ces moyens ne sont pas de simples gad­gets, nous cher­chons à les uti­li­ser comme de véri­tables outils de tra­vail per­met­tant de faci­li­ter la manœuvre, explique le lieu­te­nant-colo­nel Ble­net, chef de la sec­tion inno­va­tion au BEP. À terme, nous pour­rons les exploi­ter lors de toutes les étapes de la marche géné­rale des opé­ra­tions (MGO). »

INTERVENTIONS PAR LES AIRS

Cette année, les drones ont com­men­cé à être déployés sur le ter­rain. « Concrè­te­ment, le drone est un outil car­to­gra­phique. Il prend le rôle de la sec­tion d’information opé­ra­tion­nelle et pré­vi­sion­nelle (SIOP) sur les lieux de l’intervention, déve­loppe l’officier. Il trans­met des prises de vues aériennes pour nous per­mettre de com­prendre la confi­gu­ra­tion des lieux. Ces ren­sei­gne­ments, récu­pé­rés en direct, nous épargnent de mau­vaises sur­prises. » En effet, les fonds de cartes récu­pé­rés sur le sys­tème d’information géo­gra­phique (SIG) ou via Google Earth s’avèrent par­fois erro­nés en rai­son de bâti­ments détruits, modi­fiés ou nou­vel­le­ment construits. « Actuel­le­ment, le drone par­vient à trans­fé­rer ses infor­ma­tions au télé-pilote qui les redi­rige vers le com­man­dant des opé­ra­tions de secours (COS) ou son PC, pour­suit le lieu­te­nant-colo­nel. Idéa­le­ment, nous sou­hai­te­rions que le drone émette un flux suf­fi­sam­ment puis­sant pour ren­sei­gner des dizaines d’écrans en direct. Par la suite, le télé-pilote pour­rait trans­mettre ces images à la per­sonne de son choix, jusqu’à un chef de sec­teur situé à l’extrême oppo­sé de l’intervention. »

PLUS NOMBREUX ET PLUS INTELLIGENTS

À l’avenir, les drones devien­dront plus fiables et plus auto­nomes. « Si le ser­vice de navi­ga­tion aérienne recon­naît ces évo­lu­tions, nous pour­rons pilo­ter nos drones en dehors de notre champ de vision, ce qui est pour le moment inter­dit, pro­pose le lieu­te­nant-colo­nel Ble­net. S’ils deviennent com­plè­te­ment auto­nomes, nous pour­rons même nous pas­ser de télé-pilotes. » Dans un futur proche, le drone pour­rait rece­voir auto­ma­ti­que­ment un ordre de départ, éta­blir son plan de vol et édi­ter sa décla­ra­tion au ser­vice de navi­ga­tion aérienne. Une fois celle-ci vali­dée, il pour­ra décol­ler et se rendre direc­te­ment sur les lieux du sinistre. L’aéronef, en vol sta­tion­naire au-des­sus de l’incendie, enver­ra ensuite son flux vidéo à l’état-major et aux pri­mo-inter­ve­nants afin d’avoir rapi­de­ment un ren­du 3D de la situa­tion. « Nous tra­vaillons éga­le­ment sur la pers­pec­tive du tra­vail en essaim, détaille le lieu­te­nant-colo­nel Ble­net. L’idée consiste à déployer un grand nombre de drones qui com­mu­ni­que­ront entre-eux. Ils pour­raient éta­blir un péri­mètre de sécu­ri­té, lar­guer des balises, dis­po­ser de maté­riels spé­ci­fiques, créer des bulles de com­mu­ni­ca­tion wifi, etc. » Ce dis­po­si­tif, en essaim, per­met­tra aus­si de main­te­nir une obser­va­tion per­ma­nente du sinistre : les aéro­nefs pour­ront se relayer entre-eux et ain­si pal­lier les éven­tuels pro­blèmes d’autonomie. Enfin, la pers­pec­tive du drone car­go (voir enca­dré) est elle aus­si explorée.

DES ROBOTS OPTIMISÉS

Les robots ter­restres ont plus d’ancienneté à la BSPP que les drones. Le REX fut le tout pre­mier vec­teur télé-opé­ré à être opé­ra­tion­nel en 2017 et les robots-mules l’ont rejoint cette année. Leurs mis­sions consistent prin­ci­pa­le­ment au port de maté­riels de recon­nais­sances et à l’extinction, dans le cas de REX. « Nos études portent actuel­le­ment sur la géo­lo­ca­li­sa­tion et la com­mu­ni­ca­tion “indoor”, détaille le capi­taine Pif­fard, chef de la sec­tion inno­va­tion. Le déve­lop­pe­ment de l’intelligence arti­fi­cielle fera lui aus­si pro­gres­ser l’usage des robots sur inter­ven­tion. Nous pou­vons même ima­gi­ner leur uti­li­sa­tion au sein de notre envi­ron­ne­ment logis­tique, où de nom­breuses tâches répé­ti­tives pour­raient allè­gre­ment être rem­pla­cées par des robots. » Si toutes ces pers­pec­tives laissent son­geur, les offi­ciers du BEP res­tent néan­moins caté­go­riques : les vec­teurs télé-opé­rés ne sont pas près de rem­pla­cer le sapeur-pom­pier de Paris !

Tenue intelligente et EPI connectés

LA TECHNOLOGIE AU CŒUR DE LA PROTECTION

VESTE INTELLIGENTE

Concer­nant l’évolution de la tenue de feu, un pro­jet de veste ins­tru­men­tée est en cours de déve­lop­pe­ment. La BSPP incite des fabri­cants à réflé­chir sur la pos­si­bi­li­té d’intégrer dans la tenue des cap­teurs ther­miques pour pou­voir aler­ter le sapeur-pom­pier enga­gé en inter­ven­tion. À ce jour, seuls des équi­pe­ments avec cap­teurs de don­nées phy­sio­lo­giques sont pro­po­sés à la vente. Dès 2018, les cel­lules de recherche et de déve­lop­pe­ment de socié­tés sol­li­ci­tées par le BSH ont étu­dié la concep­tion d’un tel équi­pe­ment. Ce n’est qu’au début de l’année 2020 qu’un pre­mier pro­to­type de veste avec cap­teurs ther­miques et alarme inté­grés a été pré­sen­té au BSH.

La sur­ve­nue d’une brû­lure est condi­tion­née par plu­sieurs fac­teurs : temps d’exposition, inten­si­té de l’exposition, degré d’hygrométrie et carac­té­ris­tiques des équi­pe­ments de pro­tec­tion indi­vi­duelle. L’intégration de cap­teurs au sein même de la veste a pour objec­tif de déce­ler l’augmentation de la tem­pé­ra­ture rele­vée. Ain­si lorsque celle-ci atteint 41°C au contact de la peau, une alarme se déclenche pré­ve­nant le por­teur de l’imminence d’une brû­lure avant même d’avoir atteint le seuil per­cep­tible de la dou­leur afin de lui lais­ser le plus de temps pos­sible pour se mettre en sécurité.

Le sys­tème se veut le plus simple pos­sible. En effet, les com­po­sants élec­tro­niques sont déjà exis­tants et dis­po­nibles. Les infor­ma­tions rele­vées par les cap­teurs sont trans­mises à une carte mère située dans le col de la veste. Ce pro­to­type doit dès à pré­sent être tes­té dans l’ambiance réelle d’un cais­son de feu, afin de prou­ver son effi­ca­ci­té ain­si que sa résis­tance aux mani­pu­la­tions d’habillage et de lavage.

GANTS D’ATTAQUE

La pro­tec­tion des mains du sapeur-pom­pier est aus­si un enjeu de grande taille. En effet, les brû­lures aux mains concernent envi­ron 20 % des brû­lures totales du 2e degré, consta­tées sur les sol­dats du feu. Pour répondre à cette pro­blé­ma­tique, le BSH encou­rage les fabri­cants de gants à déve­lop­per des pro­duits assu­rant une meilleure sécu­ri­té. Le chan­ge­ment de matière, l’intégration d’une couche d’air et de cap­teurs sont autant de pistes sur les­quelles les indus­triels du sec­teur peuvent tra­vailler. C’est ain­si que le nou­veau gant d’attaque, de cou­leur rouge et qui sera four­ni aux uni­tés à l’automne 2020, sera consti­tué de la même matière que la veste tex­tile. Dans la même lignée que la veste équi­pée de cap­teurs, une entre­prise du sec­teur a déve­lop­pé un gant d’attaque inté­grant des sys­tèmes simi­laires. Cette socié­té pro­pose à la BSPP la même démarche de tests en caisson.

C’est grâce à un par­te­na­riat avec ces dif­fé­rents acteurs du domaine de la sécu­ri­té incen­die que la BSPP va tes­ter les pro­to­types de nou­veaux maté­riels qui équi­pe­ront sans aucun doute les futures équipes sur opé­ra­tion. Ces pro­jets s’intègrent idéa­le­ment dans la démarche inno­va­tion de la Bri­gade. L’objectif pour la BSPP est d’accompagner ces pro­jets en vue de déve­lop­per des équi­pe­ments répon­dant pré­ci­sé­ment à ses exi­gences de sécurité.

LE FUTUR DE LA TENUE DE FEU

Com­man­dant Franck Cap­mar­ty, chef du BSH.

(bureau sou­tien de l’homme)

« Il y a cer­tains aspects qui n’évolueront sans doute pas. Une tenue de feu doit être le meilleur com­pro­mis entre pro­tec­tion, sou­plesse et res­pi­ra­bi­li­té. Nous deman­dons déjà beau­coup de choses à cette tenue. Elle doit répondre à de nom­breuses exi­gences nor­ma­tives comme résis­tance méca­nique, bar­rière ther­mique, étan­chéi­té à l’eau et aux pro­duits chi­miques liquides.

Elle doit res­ter fonc­tion­nelle pour pou­voir la revê­tir rapidement.

Lorsqu’il s’engage sur un feu, le pom­pier de Paris doit conser­ver son agi­li­té, mon­ter à l’échelle à cro­chets, enjam­ber un bal­con, cou­rir et por­ter des charges lourdes. La tenue de feu doit gar­der une sou­plesse, une ergo­no­mie et un confort à tous points de vue. L’installation de cap­teurs sur la tenue de feu est un niveau de pro­tec­tion supplémentaire.

Cepen­dant la tenue de feu ne doit pas deve­nir une armure. Nous croyons plus dans l’allègement

de celle-ci grâce notam­ment aux nou­veaux types de tex­tiles inté­grant des maté­riaux de pointe. Ils pour­raient appor­ter une plus-value dans l’absorption et la répar­ti­tion de la chaleur.

La casque est voué, lui aus­si, à évo­luer. Les nou­velles tech­no­lo­gies affluent dans ce domaine et il n’est pas impos­sible que dans quelques temps, une camé­ra ther­mique soit minia­tu­ri­sée et inté­grée dans la visière. Tout comme un sys­tème de com­mu­ni­ca­tion performant.

À mon sens, le sys­tème de pro­tec­tion opé­ra­tion­nel du pom­pier de Paris ne doit pas être trop rigide sinon le pom­pier n’en serait plus un.

Nous ne pou­vons rem­pla­cer l’homme par le robot, l’homme fait face à trop de situa­tions différentes.

Sa tenue doit être avant tout comme lui : elle doit res­ter humaine. »

Credits

Photos : BSPP et DR

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