ITW : Général Jean-Marie Gontier : « Sapeur-pompier de Paris est plus qu’un métier, c’est un idéal. »

Harry Couvin
19 décembre 2019

Les rencontres d’ALLO DIX-HUIT – Le général Jean-Marie Gontier est devenu commandant de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris le 1er décembre dernier. Nous sommes donc allés à sa rencontre pour en savoir plus sur les directions qu’il souhaite donner à son temps de commandement. Il nous livre en exclusivité ses convictions sans ambages.

Nicho­las Bady —  — Modi­fiée le 21 juillet 2024 à 21 h 49 

Qu’est-ce qui vous aura le plus mar­qué dans votre fonc­tion de com­man­dant en second de la Bri­gade depuis 2017 ? Quel bilan en faites-vous ?

Il n’y a, à mon sens, pas de bilan à dres­ser. La Bri­gade est en prise directe avec l’actualité. Il n’est pas vrai­ment utile de faire l’inventaire alors que l’activité est inces­sante. L’im­por­tant, c’est de col­ler à la réa­li­té qui est la nôtre. S’assurer que nos moyens sont en adé­qua­tion avec le contexte opé­ra­tion­nel dans lequel on agit et avec les attentes de nos conci­toyens, mais éga­le­ment de nos auto­ri­tés de tutelle. Là est l’essentiel. En revanche, com­man­dant en second est une posi­tion très confor­table. Vous n’êtes pas expo­sé comme pre­mier chef au cœur de l’action, ni à la pres­sion immé­diate qu’elle soit minis­té­rielle, pré­fec­to­rale, poli­tique ou interne. Cela per­met de réflé­chir dans la pro­fon­deur. Sur les sujets de fond, le C2 apporte des élé­ments de com­pré­hen­sion ou de réflexion au chef sous des angles néces­sai­re­ment dif­fé­rents, avec un déta­che­ment qui peut lui être utile. J’ai pu ain­si mesu­rer la valeur et l’importance des com­bats menés par le géné­ral de divi­sion Jean-Claude Gal­let. Ces deux der­nières années ont été menées des batailles cru­ciales pour notre Bri­gade, notam­ment pour main­te­nir le niveau des effec­tifs. Le métier de sapeur-pom­pier s’exerce dans toute la France, aus­si la fonc­tion publique ter­ri­to­riale peut par­fois séduire nos sapeurs-pom­piers en favo­ri­sant la proxi­mi­té fami­liale et l’attachement à sa région d’origine. Pour autant, faire ce choix signi­fie aus­si un renon­ce­ment à cette part d’adrénaline qu’offrent la plaque pari­sienne et la manière de conduire la mis­sion. Les tra­vaux sur la sur-sol­li­ci­ta­tion dans le domaine du SUAP, sur les inter­ven­tions évi­tables ou encore sur les loge­ments, ont appor­té des réponses adé­quates qu’il faut main­te­nant ins­crire dans la durée. Pour moi, ce sont les sujets les plus impor­tants, tout comme convaincre les pou­voirs publics de consen­tir les efforts bud­gé­taires néces­saires pour nous per­mettre à la fois de fidé­li­ser notre per­son­nel et de conser­ver notre niveau opérationnel.

Ces deux der­nières années ont été mar­quées par le décès de quatre sapeurs-pom­piers de Paris. Dans quelle mesure ces pertes dra­ma­tiques pour­raient influen­cer votre commandement ?

Quand on choi­sit le métier des armes, évi­dem­ment, au bout de son enga­ge­ment, de ses convic­tions, il peut y avoir la perte de sa vie pour quelque chose de supé­rieur à soi. C’est quelque chose qui nous habite. Lorsqu’on est confron­té à la dure réa­li­té, lorsque l’on perd un ou plu­sieurs de nos sapeurs-pom­piers, c’est extrê­me­ment dur à vivre. Ce sont des frères d’armes que nous per­dons. Du sapeur qui arrive à Vil­le­neuve-Saint-Georges au géné­ral, nous avons tous ce métier fer­me­ment ancré dans notre âme. On ne nous choi­sit pas « sur éta­gère » et on ne rejoint pas la BSPP dans les der­nières années de notre par­cours pro­fes­sion­nel. Il n’est pas sou­hai­table d’être le géné­ral de la Bri­gade sans avoir déca­lé au four­gon, sans avoir été chef de garde, com­man­dant d’unité et chef de corps. C’est d’ailleurs la même chose pour un chef de centre, s’il n’avait pas été sapeur, capo­ral, capo­ral-chef. Donc lorsque l’un de nous part dra­ma­ti­que­ment, c’est ter­rible pour nous tous. En revanche, la cohé­sion du corps, le sens de la mis­sion et les valeurs mili­taires de la BSPP font que l’on che­mine, que l’on conti­nue à avan­cer mal­gré ces pertes, ces drames… Et on ne peut qu’aller de l’a­vant, parce que le seul hom­mage que l’on puisse rendre à nos morts au feu, c’est de conti­nuer la mission.

Et tech­ni­que­ment ?

Sur un plan plus pra­tique, bien évi­dem­ment, on essaye tou­jours de tirer un ensei­gne­ment de ces dis­pa­ri­tions, de ces causes de dis­pa­ri­tion et d’améliorer soit nos modes opé­ra­toires, soit notre maté­riel, soit notre façon de for­mer. Mais pour les quatre der­niers décès que nous avons eu, à aucun moment notre for­ma­tion, nos moyens ne sont mis à défaut. C’est la véri­table dan­ge­ro­si­té du métier qui refait surface.

Etat-Major de la BSPP 1 place Jules Renard 75017 Prais

Que repré­sente pour vous le fait de deve­nir géné­ral com­man­dant la Brigade ?

C’est l’histoire d’une vie. Je suis le fils d’un sous-offi­cier de la BSPP, qui a com­men­cé sapeur et qui a ter­mi­né sa car­rière adju­dant-chef. Il a su me trans­mettre le virus et j’ai eu cette chance de voir la Bri­gade par une belle fenêtre et de la voir tel­le­ment évo­luer sans jamais rien perdre de son éclat et de ses fon­da­men­taux. Vous l’avez com­pris, la Bri­gade c’est quelque chose ! Alors arri­ver à ce poste, ce n’est pas un abou­tis­se­ment parce que fort heu­reu­se­ment dans la vie il faut avoir plu­sieurs centres d’intérêt et plu­sieurs sources de sti­mu­la­tion. Mais c’est une fier­té de faire ce métier, dans ces condi­tions, et un immense plai­sir de le par­ta­ger avec des femmes et des hommes qui com­prennent, je pense, la façon dont je m’exprime ; des femmes et des hommes qui ont la Bri­gade che­villée au corps, comme je l’ai. Quand j’y suis entré, j’avais sur­tout en tête de mon­ter dans le four­gon, de par­tir au feu, d’être au contact de mes conci­toyens, d’être utile à la socié­té de cette manière, d’exercer tout sim­ple­ment mon rôle d’officier de l’armée de Terre. Com­man­der un jour la Bri­gade n’était pas le sujet. Aujourd’hui, c’est un grand hon­neur d’être à la tête de ces hommes et ces femmes d’exception. Celles et ceux qui écrivent les pages de l’histoire de la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris !

Com­ment per­ce­vez-vous la BSPP et com­ment est-elle, selon vous, per­çue de l’extérieur ?

La BSPP est une uni­té recon­nue, par essence, qui a l’estime de la popu­la­tion et un capi­tal sym­pa­thie énorme. C’est une his­toire de cœur et de cou­rage. Elle sou­lage la détresse, elle accourt pour amoin­drir la dou­leur, elle est au contact des plus fra­giles. D’une cer­taine manière, elle sauve une part du monde tous les jours et je pense qu’il faut en être conscient. Il faut en être fier, sans fio­ri­ture et sans fausse modes­tie, mais en toute humi­li­té, il faut être fier de ce que nous fai­sons. La Bri­gade a une vraie valeur, main­te­nant c’est à nous, col­lec­ti­ve­ment, de faire en sorte de la conser­ver, de la ren­for­cer. Par­fois des écarts de com­por­te­ment sont com­mis, très sou­vent rele­vant d’actes indi­vi­duels et ces erreurs regret­tables doivent nous rap­pe­ler que nous sommes un tout ter­ri­ble­ment humain, avec ses forces et ses fai­blesses. Le reflet de la socié­té dans sa diver­si­té, dans sa richesse et par­fois dans sa part d’ombre.

Quelle est la qua­li­té pre­mière du sapeur-pom­pier de Paris et com­ment peut-il expri­mer au mieux son sta­tut militaire ?

La qua­li­té pre­mière du sapeur-pom­pier de Paris, c’est sa volon­té de ser­vir. Très clai­re­ment, on ne rejoint pas cette uni­té par hasard. C’est un choix per­son­nel et pro­fes­sion­nel. Mais le choix du sta­tut mili­taire éga­le­ment, avec ses droits, qu’il ne faut pas més­es­ti­mer, et sur­tout ses devoirs et ses obli­ga­tions. Et le pre­mier des devoirs, c’est le sens de la mis­sion, ce dévoue­ment extrême, et cette géné­ro­si­té pous­sée à son paroxysme. Tout cela se résume en un art de vivre qui m’est très cher : le culte de la mis­sion. J’ai ça à faire ? Je le fais. Je ne regarde pas d’abord ma fiche de poste en disant que je n’ai pas à le faire. Cela fait quand même une dif­fé­rence. Cet enga­ge­ment a une valeur : il n’a pas de prix ni de coût. Et cette valeur, c’est la mise à dis­po­si­tion de sa jeu­nesse. Ses plus belles années don­nées au pro­fit de la popu­la­tion pari­sienne et de la Nation. Je rap­pelle que le sapeur-pom­pier de Paris est éga­le­ment enga­gé sur des théâtres exté­rieurs, c’est l’expression de son statut.

pre­miere PJD VISG pour le gene­ral Gontier

La BSPP répond-elle aux stan­dards du XXIe siècle ?

La Bri­gade est un outil for­mi­dable, un modèle excep­tion­nel. Créée par Napo­léon Bona­parte, la BSPP est forte de deux siècles d’histoire, accom­pa­gnant les trans­for­ma­tions de l’é­poque du baron Hauss­mann aux enjeux de la nou­velle métro­pole du grand Paris, en tra­ver­sant plu­sieurs conflits mon­diaux. La Bri­gade est quelque chose d’ex­trê­me­ment vivant et de tout à fait actuel. C’est pour cela qu’il faut sans cesse se remettre sur l’ouvrage, que ce soit une part de notre orga­ni­sa­tion, notre fonc­tion­ne­ment cou­rant, ou encore notre prise en compte du futur et c’est nor­mal, car c’est une grande « Mai­son », éta­blie sur quatre dépar­te­ments. C’est unique en France. Mais c’est un modèle qui a toute sa per­ti­nence et encore de l’avenir. Riche de son capi­tal humain, ren­for­cé par son sta­tut, il pos­sède encore une très forte capa­ci­té d’adaptation, d’innovation et une agi­li­té remar­quable pour une ins­ti­tu­tion bicen­te­naire et forte de 8 500 femmes et hommes de convic­tion. Dans toutes ses dimen­sions, humaines, opé­ra­tion­nelles, tech­niques, intel­lec­tuelles, inven­tives, per­son­nelles et col­lec­tives. La Bri­gade a assu­ré­ment de l’avenir.

Quels sont les atouts de la Bri­gade pour faire face aux enjeux de demain ?

Déjà, sa com­mu­nau­té humaine. Ceux qui nous rejoignent sont prêts à don­ner sans comp­ter pour faire pro­gres­ser une belle cause. Cet enthou­siasme est déjà un grand atout. Ensuite, vient la cohé­rence. Notre chaîne de com­man­de­ment est solide, struc­tu­rée et capable de valo­ri­ser toutes les ini­tia­tives. Et c’est la force de cette mai­son : valo­ri­ser les ini­tia­tives. La Bri­gade est une entre­prise appre­nante. Tout ce qu’elle voit, elle le valo­rise, elle le fait sienne et le retrans­crit en doc­trine, en régle­men­ta­tion opé­ra­tion­nelle, en règles de pré­ven­tion ou encore en mode d’action. C’est comme ça que nous avons tra­ver­sé deux siècles. Si l’atout avait été la tech­no­lo­gie ou nos casernes, nos camions ou notre maté­riel, la Bri­gade aurait-elle été bicen­te­naire ? Non. Tout s’use, tout passe de mode, beau­coup de choses se jettent. L’atout, ce n’est pas les camions neufs, ce n’est pas les casernes, ce n’est pas tou­jours plus de moyens. C’est l’humain et le sta­tut mili­taire mais éga­le­ment son appar­te­nance à la pré­fec­ture de police qui per­met à la Bri­gade d’être au cœur des réflexions por­tant sur les enjeux de la plaque parisienne.

Sur quels axes pou­vons-nous encore amé­lio­rer notre orga­ni­sa­tion, notam­ment dans le domaine fonctionnel ?

Il faut nous moder­ni­ser. Et la moder­ni­sa­tion dans le fonc­tion­ne­ment et l’organisation passe par la déma­té­ria­li­sa­tion de beau­coup de pro­ces­sus, dans une tou­jours plus grande auto­no­mie et res­pon­sa­bi­li­sa­tion de chaque niveau de res­pon­sa­bi­li­té et de com­man­de­ment. Pour ça, on a besoin de la force d’esprit et de la créa­ti­vi­té de cha­cun. Tout ne peut pas venir du haut de la pyra­mide, c’est à l’épreuve des faits que l’on com­prend que cer­tains détails peuvent être amé­lio­rés. Il faut faire plus vite et plus simple dans cer­tains domaines tech­niques ou admi­nis­tra­tifs. Nous avons encore beau­coup de tâches internes, de façons de fonc­tion­ner qui, par­fois, n’apportent pas une plus-value excep­tion­nelle dans le quotidien.

Mettre en avant le for­mi­dable esca­lier social qu’offre la Brigade.

Quels vont être les enjeux de ces pro­chaines années pour la Brigade ?

L’enjeu immé­diat de la Bri­gade est de péren­ni­ser notre modèle. Nous sommes dans une socié­té où les choses évo­luent très vite et la ten­ta­tion per­siste à consi­dé­rer cer­tains modèles comme sur­an­nés, plu­tôt que d’es­ti­mer leurs capa­ci­tés à se remo­de­ler. Donc le pre­mier enjeu, c’est de péren­ni­ser le modèle Bri­gade et faire com­prendre à nos sapeurs-pom­piers les rai­sons de ces évo­lu­tions pour conduire ce chan­ge­ment dans les meilleures condi­tions. Ensuite, vis-à-vis de l’extérieur, les enjeux aux­quels sont confron­tés la Bri­gade sont les enjeux de notre socié­té : la smart-city, les smart grid, le numé­rique, les modes de dépla­ce­ment évo­lu­tifs, les nou­veaux rap­ports sociaux et leur ges­tion (dont notam­ment l’explosion des agres­sions qui touche for­te­ment nos sapeurs-pom­piers de Paris), l’avenir du pré-hos­pi­ta­lier… C’est la ville “intel­li­gente” et connec­tée. Demain, il fau­dra appor­ter des solu­tions de pro­tec­tion face aux nou­veaux risques qui vont émer­ger, face aux attentes tou­jours plus nom­breuses de nos conci­toyens, des solu­tions de défense face aux nou­velles menaces, notam­ment la menace ter­ro­riste, pro­téi­forme et per­sis­tante. Je ne peux pas faire une liste des enjeux de la Bri­gade, ils sont trop nom­breux : ils sont tech­no­lo­giques, indus­triels, archi­tec­tu­raux, géné­ra­tion­nels, humains… Les enjeux de la Bri­gade, c’est tout cet ensemble, c’est un « bloc » si vous me sui­vez ! Par ailleurs, nous avons des ren­dez-vous, et notam­ment les Jeux Olym­piques et Para­lym­piques de 2024. Les JO ne sont pas un enjeu mais un ren­dez-vous. Une fois les jeux pas­sés, il reste le pay­sage urbain. Ça, c’est l’enjeu, le ren­dez-vous sera pas­sé et il res­te­ra les construc­tions et leur réuti­li­sa­tion, leur seconde vie, l’héritage, c’est cela qui nous intéresse.

Des enjeux de recru­te­ment aussi ?

Bien sûr. La Bri­gade doit conti­nuer d’attirer la jeu­nesse de France et don­ner envie de la rejoindre car elle reste une oppor­tu­ni­té excep­tion­nelle. Sapeur-pom­pier de Paris c’est plus qu’un métier, c’est un idéal. C’est aus­si une des rai­sons pour les­quelles les jeunes peuvent nous quit­ter, car un idéal ne dure pas néces­sai­re­ment 20 ou 30 ans mais par­fois juste quelques années, pour les nou­velles géné­ra­tions. Avec le temps, vous pou­vez pas­ser à autre chose. C’est pour cela qu’il faut avoir une notion rai­son­nable de fidé­li­sa­tion et sur­tout mettre en avant le for­mi­dable esca­lier social qu’offre l’armée de Terre en géné­ral et la Bri­gade en par­ti­cu­lier. Chaque sapeur qui s’engage peut légi­ti­me­ment ambi­tion­ner d’assumer une fonc­tion de res­pon­sa­bi­li­té dans le domaine opé­ra­tion­nel ou tech­nique, en accé­dant au corps des sous-offi­ciers ou des offi­ciers. C’est assez rare dans une grande orga­ni­sa­tion pour le sou­li­gner. Ce n’est pas qu’une condi­tion de diplôme, c’est avant tout une ques­tion de volon­té. Il y a aus­si un objec­tif impé­ra­tif, qui est celui de per­mettre à un nombre tou­jours plus impor­tant de jeunes femmes de rejoindre nos rangs et de pro­mou­voir le lea­der­ship fémi­nin. La pra­tique du métier est com­plexe et cette com­plexi­té offre une pari­té des chances au genre. Les jeunes femmes ser­vant à la Bri­gade sont excep­tion­nelles de cou­rage et de volon­té, et éta­blissent un équi­libre pro­pice à la prise de res­pon­sa­bi­li­té et à la per­for­mance. Le lea­der­ship fémi­nin est une réa­li­té avé­rée et la Bri­gade en a besoin.

Quelles seront vos priorités ?

Il y en a trois. La pre­mière, c’est réaf­fir­mer, redon­ner à l’ensemble de nos per­son­nels les notions de prise de res­pon­sa­bi­li­té, de décon­cen­tra­tion hié­rar­chique, de com­pré­hen­sion, d’esprit d’initiative et d’intelligence de situa­tion. On ne peut pas tou­jours tout com­man­der par le haut, il faut que cha­cun assume, à son niveau, ses res­pon­sa­bi­li­tés. Mais avec la juste com­pré­hen­sion des enjeux glo­baux. Chaque éche­lon de res­pon­sa­bi­li­té apporte beau­coup dans la cohé­rence de l’unité, du sapeur de pre­mière classe ou du capo­ral au chef d’agrès, du chef de centre au com­man­dant d’unité. C’est nor­mal, tout cela s’emboîte, et fait la struc­tu­ra­tion de la BSPP. La deuxième réside dans la per­for­mance col­lec­tive qui passe par la ges­tion des opé­ra­tions et l’entrainement per­ma­nent, mais éga­le­ment par la qua­li­té des rela­tions humaines. Cette fibre humaine qui anime la BSPP est de grande qua­li­té. C’est impor­tant de don­ner des pers­pec­tives à cha­cun, et d’être à leur écoute. Cela passe par trois mots simples : com­pé­tence, rigueur, huma­ni­té. La com­pé­tence dans l’ac­tion, la rigueur indi­vi­duelle et col­lec­tive, et l’humanité dans ce que la Bri­gade offre à vivre à ses sapeurs-pom­piers : l’exceptionnel dra­ma­tique, le geste de géné­ro­si­té au quo­ti­dien. La troi­sième orien­ta­tion, c’est que tout est pos­sible. On ne peut pas garan­tir un par­cours pro­fes­sion­nel sécu­ri­sé car la majo­ri­té de nos per­son­nels sont sous contrat, mais nous garan­tis­sons, à celui qui s’en donne les moyens, d’assumer des res­pon­sa­bi­li­tés, de pou­voir aller à l’avancement et de faire par­tie de la chaîne de com­man­de­ment. Nous devons y atta­cher toute notre atten­tion. On n’embauche pas un capo­ral, un chef de centre ou un offi­cier sur concours : on le pro­duit. On le forme ! On l’ac­com­pagne à tous les niveaux. La Bri­gade ne peut pas se pas­ser de son esca­lier social, et cela doit être pour­sui­vi et conso­li­dé autant que pos­sible. Nous sommes pro­duc­teurs de pers­pec­tives et de valeurs.

Cer­tains points vous inquiètent-ils en termes de fidé­li­sa­tion, notam­ment l’attrait que peuvent avoir les SDIS ?

Bien sûr. Nous met­tons beau­coup d’énergie, de cœur et de moyens pour for­mer notre per­son­nel, l’entrainer au quo­ti­dien et édi­fier notre chaîne de com­man­de­ment. C’est donc tou­jours un crève-cœur que de voir par­tir trop tôt cer­tains de nos mili­taires du rang, de nos cadres sur les­quels nous avions inves­ti. Cette inquié­tude est simi­laire pour n’importe quel chef d’entreprise qui voit par­tir sa main d’œuvre qua­li­fiée. Je res­pecte le choix des uns et des autres mais il est vrai que cela ajoute de la dif­fi­cul­té. À cha­cune des struc­tures ses atouts, ils ne sont pas les mêmes, il n’y a pas d’ambiguïté. Mais en défi­ni­tive, c’est aus­si une « pro­pa­ga­tion » de nos valeurs, c’est plu­tôt positif !

Et je tiens à rap­pe­ler que la Bri­gade accom­pagne ce retour vers la vie civile à tra­vers les dif­fé­rents dis­po­si­tifs d’aides ani­més par l’agence de recon­ver­sion de la défense et le ser­vice de recon­ver­sion interne. D’ailleurs, les pro­jets de recon­ver­sion ne concernent pas exclu­si­ve­ment la fonc­tion publique, loin de là. Cet accom­pa­gne­ment est un véri­table atout de notre sta­tut, cela tra­duit cette consi­dé­ra­tion que nous devons à chacun(e) d’entre nous !

Quelle est, selon vous, la ligne de conduite à adop­ter dans le domaine de la soli­da­ri­té entre sapeurs-pom­piers de Paris ?

Cela com­mence par la vie de caserne. On par­tage quelque chose de fort pen­dant les gardes donc, à par­tir de là, il faut se consi­dé­rer comme frères d’armes. Le terme est bien choi­si. Les uns doivent prendre soin des autres. Pour moi, la soli­da­ri­té s’exprime déjà au sein de l’unité de base : le centre de secours. Il faut avoir une atten­tion réelle les uns envers les autres. Après, nous avons aus­si un réseau d’aidants, de leviers dans l’action sociale, qui pour­ra aider le sapeur-pom­pier au besoin. Ensuite, sur le plan opé­ra­tion­nel, le binôme est le sym­bole du sou­tien mutuel, notre vie dépend de l’autre et inver­se­ment. La soli­da­ri­té passe aus­si par le res­pect de soi et de l’autre. Il faut avoir de l’estime pour ce que l’on fait et res­pec­ter notre cama­rade, parce que c’est tout sim­ple­ment le pro­lon­ge­ment de soi ! Il fait le même métier, dans les mêmes condi­tions, avec les mêmes contraintes et la même convic­tion. Pour moi, la soli­da­ri­té c’est tout par convic­tion et rien par obligation.

Quelle impor­tance accor­dez-vous à l’action sociale ?

C’est un levier du bien vivre son enga­ge­ment et ensemble. Quand on est fort de 8 500 per­sonnes, il y a imman­qua­ble­ment des coups du sort et des aléas de la vie. Cela ras­sure de savoir qu’il existe de réels dis­po­si­tifs, faciles à rejoindre avec de vrais résul­tats. Cela ne résou­dra pas tous les pro­blèmes mais c’est déjà un pre­mier appui que l’on donne à quelqu’un qui com­mence à boi­ter. C’est aus­si por­ter le sac à dos de son cama­rade, pour un temps, pour qu’il puisse le reprendre ensuite. C’est ça, la soli­da­ri­té. Le but de l’action sociale n’est pas de favo­ri­ser l’enkystement mais de façon­ner de l’espérance. Notre effort consiste à évi­ter que nos per­son­nels ne sombrent dans une situa­tion dif­fi­cile mais puissent retrou­ver rapi­de­ment le che­min d’une vie normale.

Pour moi la soli­da­ri­té, c’est tout par convic­tion et rien par obligation.

Quelle doit-être la place des anciens dans notre dispositif ?

Nous devons gar­der le lien avec nos anciens car ils sont la conti­nui­té de notre esprit de corps. Quand on nous quitte, c’est ras­su­rant et convi­vial de savoir qu’il y a une asso­cia­tion pour nous accueillir dans notre région d’origine ou pour nous aider dans une recon­ver­sion. Les anciens sont éga­le­ment impor­tants en termes de recru­te­ment, car ils portent haut les valeurs de la Bri­gade et peuvent don­ner envie à des jeunes de leur entou­rage de nous rejoindre. Cette conti­nui­té a du sens. Nos aînés sont une grande part de notre his­toire et nous sommes leurs héri­tiers. C’est impor­tant d’avoir un échange, un lien, une rela­tion avec eux. Aujourd’hui la Bri­gade est une et indi­vi­sible, et il n’y a qu’un sta­tut à la Bri­gade : celui de sapeur-pom­pier mili­taire de Paris, qu’il serve en uni­té d’incendie, d’appui ou de for­ma­tion, en état-major, dans un bureau ou dans un ate­lier. Quand le sapeur-pom­pier de Paris quitte la Bri­gade et qu’il rejoint le rang des anciens, il conti­nue d’appartenir d’une cer­taine façon à une même com­mu­nau­té à tra­vers la fédé­ra­tion natio­nale des anciens sapeurs-pom­piers de Paris.

Y a‑t-il des per­sonnes qui vous ont davan­tage ins­pi­ré à la Brigade ?

J’ai été impres­sion­né par les sous-offi­ciers qui m’ont for­mé, par leur connais­sance du métier et leur pas­sion. Leur volon­té de trans­mettre. Ils m’ont don­né envie de res­ter. Après, au cours de mon par­cours, j’ai eu la chance de ren­con­trer des offi­ciers qui m’ont com­man­dé et qui ont su me mettre sur la voie, en disant “il ne faut pas en res­ter là mais il faut aller vers ça”. Ils se recon­nai­tront. D’autres ont su accom­pa­gner mes ini­tia­tives et ont été bien­veillants. Tout au long de mon par­cours, que ce soit à la Bri­gade ou lorsque j’ai exer­cé d’autres fonc­tions au sein de l’armée de Terre et des armées, j’ai tou­jours ren­con­tré des per­sonnes qui avaient ce feu sacré. Les grands chefs mili­taires sont éga­le­ment ins­pi­rants, que ce soit les vain­queurs de 14 – 18 ou ceux qui ont réin­ves­ti la France au cours de la seconde guerre mon­diale, ou bien encore ceux qui ont com­bat­tu pour la liber­té sur de nom­breux conti­nents… De grandes figures m’ont ins­pi­ré, bien évi­dem­ment. Il est d’ailleurs très inté­res­sant de décou­vrir dans les bio­gra­phies de nos grands chefs mili­taires, leur pro­fonde huma­ni­té, leur grande culture et leur volon­té féroce. Ils ont tou­jours été atten­tifs envers le groupe, sans fausse déma­go­gie, et pion­niers d’une cer­taine façon.

Avez-vous une maxime qui condui­rait votre action ?

Quand on cite trop sou­vent, c’est que l’on n’a pas ses propres mots. Alors je ne vous dirai qu’une chose : ce qui m’anime depuis le début, c’est que je ne fais rien par obli­ga­tion, tout par convic­tion. Je crois que beau­coup d’entre nous se retrou­ve­ront dans cette façon de pen­ser. Mais j’aime aus­si beau­coup Chur­chill qui disait “l’attitude est une petite chose qui fait une grande différence”.

Curriculum Vitae

BIOGRAPHIE DU GÉNÉRAL JEAN-MARIE GONTIER

Com­man­dant la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris

Né le 13 juillet 1965 à Mon­treuil, le géné­ral Jean-Marie Gon­tier com­mande la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris, depuis le 30 novembre 2019. Après une sco­la­ri­té à l’École mili­taire pré­pa­ra­toire d’Autun, il suit des études supé­rieures à l’université du Pan­théon-Sor­bonne (1983/​1988), où il obtient un DEA d’économie publique et un DESS de sciences-poli­tiques, tout en étant rédacteur/​crédits entre­prises dans une grande banque parisienne.

Il choi­sit, en 1988, la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris à l’issue de la for­ma­tion ini­tiale d’officier de réserve, où il sert au 1er grou­pe­ment d’incendie et de secours (24e Cie). Acti­vé offi­cier sur titre, il suit la divi­sion d’application de l’École supé­rieure et d’application du Génie. A l’issue, il rejoint en 1991, la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris, à la 28e, 27e puis à la 6e com­pa­gnie. Il y occupe les fonc­tions de chef de garde incen­die, adjoint au com­man­dant de com­pa­gnie puis com­man­dant d’unité.

En 1998, il est muté comme chef de bureau, à la direc­tion du Génie de Limoges. Bre­ve­té de l’École de Guerre en 2001 (8e pro­mo­tion du Col­lège Inter­ar­mées de Défense), il obtient éga­le­ment un DEA de polé­mo­lo­gie et d’histoire com­pa­rée à la Sor­bonne (Paris IV).

De 2001 à 2004, il sert au secré­ta­riat géné­ral pour l’administration, en tant que chef de bureau du contrôle de ges­tion à la direc­tion du ser­vice natio­nal et est déta­ché auprès de la mis­sion minis­té­rielle d’aide au pilo­tage. En 2002, Il sera enga­gé en opé­ra­tion exté­rieure dans un cadre mul­ti­na­tio­nal en Sier­ra-Léone (opé­ra­tion Silk­man sous man­dat Britannique).

Il rejoint de nou­veau la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris et occupe de 2004 à 2008, le poste de chef de bureau de la pro­gram­ma­tion finan­cière et du bud­get. Il est un inter­lo­cu­teur pri­vi­lé­gié des auto­ri­tés bud­gé­taires, de la ville de Paris, de la pré­fec­ture de Police, de la direc­tion de la sécu­ri­té civile et du minis­tère de l’Intérieur. Pen­dant cette période, il a été audi­teur de la 5e pro­mo­tion du cycle des hautes études pour le déve­lop­pe­ment éco­no­mique, diri­gé par le minis­tère de l’économie et des finances.

En 2008, il est affec­té au 1er grou­pe­ment d’incendie, qu’il com­mande de 2009 à 2011. Il est élu dans le même temps à la pré­si­dence de la mutuelle des sapeurs-pom­piers de Paris, poste qu’il assu­re­ra jusqu’à l’été 2019.

En 2011, il prend les fonc­tions de direc­teur de la for­ma­tion et chef de corps de l’École Poly­tech­nique. En tant que membre du comi­té exé­cu­tif, il par­ti­cipe à l’évolution des modes de ges­tion de l’École et des par­cours aca­dé­miques des élèves ingé­nieurs et l’ouverture à l’international.

En 2015, il intègre pour la 4e fois la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris, comme chef d’état-major puis com­man­dant en second. Audi­teur de la 26e ses­sion natio­nale de l’Institut natio­nal des hautes études de sécu­ri­té et jus­tice, il suit en même temps un exe­cu­tive mas­ter à la Har­vard Ken­ne­dy School (lea­der­ship in cri­sis). Conso­li­dant son exper­tise dans la ges­tion de crise, il a éga­le­ment sui­vi plu­sieurs stages opé­ra­tion­nels, au sein du méca­nisme euro­péen de sécu­ri­té civile, au Home Front Com­mand Israé­lien et au Col­lège de Défense de l’Otan.

Il est pro­mu géné­ral de Bri­gade le 1e août 2018. Le géné­ral Gon­tier est offi­cier de la légion d’honneur, titu­laire de la médaille de ver­meil pour acte de cou­rage et de dévoue­ment, de la médaille d’or de la sécu­ri­té inté­rieure de la « ope­ra­tio­nal ser­vice medal for Sier­ra Leone » du gou­ver­ne­ment bri­tan­nique et d’une cita­tion por­tant attri­bu­tion de la médaille de la défense natio­nale éche­lon or avec étoile de vermeil.


A lire également

“SAUVER OU PÉRIR”, his­toire de notre devise

Site de la BSPP : https://www.pompiersparis.fr/fr/

Credits

Photos BSPP

share Partager

1 réaction

Lecourt
28 décembre 2019

Bien­ve­nue mon Géné­ral à la BSPP. UN ancien 7287 MAT. 22593.

Votre réaction
Nom
Adresse de messagerie
Site internet

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.