WEB-SERIE - Le journal d'une VSC (épisode 3/3) : premières conclusions

Harry Couvin
14 août 2020

[tag-adh] Étudiante en histoire, Laura Z. a été volontaire en Service Civique au CS Saint-Maur (94). Pendant dix mois, de mai 2019 à février 2020, elle a tenu un journal alimenté par ses sensations, ses réflexions et ses sentiments. Dans ce troisième et dernier épisode, découvrez les conclusions de Laura de son expérience unique.

La rédac­tion Allo18 —  — Modi­fiée le 21 juillet 2024 à 09 h 55 

PREMIÈRES CONCLUSIONS

J’ai eu vrai­ment de la chance d’être affec­tée à la 23.

En à peine un mois, j’ai sym­pa­thi­sé avec beau­coup de monde et je retiens de plus en plus de pré­noms. Ils sont vrai­ment tous ado­rables. Tel­le­ment ado­rables que je n’ai même plus à négo­cier pour par­ti­ci­per aux fameux TIG (les tra­vaux d’intérêt géné­ral) avec tout le monde ! Je me sens moins frus­trée. Pour­tant le pré­cepte en vigueur dans la caserne de Saint-Maur pré­voit que les VSC en sont exemp­tés. Atten­tion ! Je parle des TIG quo­ti­diens aux­quels tous les sapeurs doivent par­ti­ci­per (net­toyage des lieux de vie, des lieux com­muns, du réfec­toire, les pou­belles, les tra­vaux jour­na­liers dans la caserne etc.). Il est bien évident que lors de cha­cune de mes gardes, comme chaque membre de l’équipage du VSAV, je fais la véri­fi­ca­tion du maté­riel, la remise en condi­tion et le net­toyage de la cel­lule après chaque inter­ven­tion, la dés­in­fec­tion du VSAV le len­de­main, mais éga­le­ment le net­toyage de la chambre à cou­cher du VSAV, le rem­pla­ce­ment des pou­belles etc. De manière géné­rale, je par­ti­cipe éga­le­ment au net­toyage de la chambre des fémi­nines, dans laquelle je dors et je me douche. La vie en com­mu­nau­té, c’est res­pec­ter la pro­pre­té des par­ties com­munes habi­tées par ses col­lègues. Après tout, si il y a une revue sur­prise des chambres et que je n’ai pas fait ma part, ou bien, que j’ai uti­li­sé quelque chose sans net­toyer après : ce sont les autres qui se feront ser­mon­ner à cause de moi !

En fait, pour la hié­rar­chie : si les VSC sont une aide car ils per­mettent de rem­pla­cer un pom­pier au VSAV, on ne leur ajoute pas non plus des tâches quo­ti­diennes ayant trait à toute la caserne. Je pré­fè­re­rais de loin me rendre utile !

Un soir alors que j’accompagne Romain – le plus jeune capo­ral de la caserne que je prend grand plai­sir à tour­men­ter et taqui­ner – faire sa ronde dans la caserne, j’en pro­fite pour aider aux TIG des pou­belles. Un ser­gent vient alors gen­ti­ment me dire que ce geste, aus­si moti­vé soit-il, ne m’est pas deman­dé. Il m’explique par la suite que si les gra­dés voient un VSC faire les TIG, on ira « gron­der » à la fois un sapeur, cen­sé faire cette tâche, ain­si que le capo­ral de jour qui super­vise l’ensemble des mis­sions et TIG.

Et le capo­ral de jour se trouve être en l’occurrence, ce jour- là : le petit Romain ! En fait, si l’on pré­fère que je n’aide pas aux tâches quo­ti­diennes, c’est dans le but d’éviter que les sapeurs se fassent reprendre par des gra­dés. Mais dans les faits, tous ne pensent pas ain­si… et beau­coup sont bien contents quand tout le monde met la main à la pâte !

COMME UNE HORLOGE

Le quo­ti­dien à Saint-Maur est très bien huilé.

6 h 30 : réveil. Même si cer­tains sont déjà levés pour le petit-déjeuner.

Jusqu’à 7 h 30 : TIG du matin.

7 h 15 — 7 h 30 : relève du piquet de la veille par le piquet ascen­dant (si le ron­fleur retentit).

7 h 45 : ras­sem­ble­ment de la garde ascendante.

8 h 00 — 8 h 30 – 45 : véri­fi­ca­tion des engins, de leur maté­riel et de leur opérabilité.

8 h 45 — 10 h 00 : sport ou running.

10 h 00 — 11 h‑11 h 30 (il peut y avoir un ras­sem­ble­ment à 10h15 mais c’est peu cou­rant, tout du moins à Saint-Maur) : ins­truc­tion ou manœuvre du jour.

11 h 30 à 13 h 00 : MANGER !

L’après-midi est consa­cré aux tra­vaux dans la caserne ou aux mis­sions en cours (ex : réamé­na­ge­ment, répa­ra­tions etc.).

17 h 00 à 18 h‑18 h 30 : sport. Puis, vers 20 h 00 : MANGER !

Il y a géné­ra­le­ment des ins­truc­tions dans la soi­rée entre 21 et 22 heures, plus tard par­fois. Puis l’extinction des feux se fait vers 23 heures. Les jour­nées passent vite, très vite…

Durant les heures où le VSAV 1 ne décale pas, j’ai ten­dance à aller voir au PVO si il y a quelque chose à faire, ou encore dis­cu­ter avec ceux qui y s’y trouve. En y réflé­chis­sant bien…c’est dans cette pièce, juste à l’entrée de la caserne, que les dis­cus­sions les plus inté­res­santes ont eu lieu ! Véri­table centre névral­gique de Saint-Maur, tout le monde dans la caserne y passe au moins une fois par jour pour venir aux nou­velles, ou pour rendre compte de quelque chose. On m’y a notam­ment pré­sen­té et expli­qué les rouages et le fonc­tion­ne­ment de sui­vi, en direct, des inter­ven­tions en cours sur le sec­teur et ceux limitrophes.

CHEF D’AGRÈS ?!

Lors de mon avant-der­nière garde, le rayon­nant ser­gent M., nous a per­mis, au 1CL L. et moi, de tenir le rôle du chef d’agrès durant une inter­ven­tion ! J’ai été « aux com­mandes » l’espace d’un ins­tant, suis entrée la pre­mière dans les rési­dences, ai été en pre­mière ligne lors du contact avec les vic­times, ai délé­gué les res­pon­sa­bi­li­tés tout en éva­luant la situa­tion etc. Un exer­cice extrê­me­ment stres­sant sur le coup, mais vrai­ment galvanisant !

Cha­cun son tour donc, du début à la fin (le tout sous la super­vi­sion, la bien­veillance et les conseils du ser­gent) le 1CL L. et moi avons pu expé­ri­men­ter les dif­fé­rents moments auquel un chef d’agrès est confron­té. Entre autres : ana­lyse des bilans cir­cons­tan­ciels et pri­maires ins­tan­ta­née et simul­ta­née, réac­ti­vi­té, réflexion, intel­li­gence de situa­tion, sol­va­bi­li­té pos­sible et envi­sa­geable du pro­blème et de l’extraction de la vic­time, sur­veillance et même méfiance si celle-ci n’est pas dans son état nor­mal (notam­ment vis à vis de la sécu­ri­té des deux équi­piers). Tout cela demande une connais­sance poin­tue des patho­lo­gies, de leurs symp­tômes ou de leurs signes annonciateurs.

Cette expé­rience fut incon­tes­ta­ble­ment un moment fort de mon ser­vice civique à la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris.

BILAN DÉFINITIF

Je n’avais pas aucune envie que mon ser­vice civique se termine.

Je n’ai lit­té­ra­le­ment pas vu mes gardes pas­ser… Le temps semble s’être joué de moi tout du long. Le temps… le plus grand méde­cin du monde, et, para­doxa­le­ment, l’entité la plus vicieuse qui soit. Chaque jour, même si je pou­vais être fati­guée ou un peu stres­sée, j’étais heu­reuse d’aller à Saint-Maur-des-Fos­sés. À la « Grande 23 ».

J’ai énor­mé­ment appris. Sur moi-même, sur cette vie. Sur ces héros du quo­ti­dien, ordi­naires, invi­sibles et ano­ny­mi­sés, et pour­tant si omni­pré­sents au tra­vers de leurs camions rouges. J’ai pu déve­lop­per ma patience, ma rete­nue et mes connais­sances. J’ai dû apprendre à lut­ter contre la fatigue et le som­meil, à aimer le son du ron­fleur plu­tôt qu’à le haïr. J’ai com­pris l’utilité de pui­ser aus­si bien dans sa force men­tale que sa force phy­sique. Com­prendre, et se dire, que si ces sol­dats par­viennent à être sur le pied de guerre pen­dant 48, 72 heures ou par­fois plus, alors ce ne sont pas mes 24 heures de garde qui sont à plaindre.

Avoir res­sen­ti cet engoue­ment, cette joie, cette exal­ta­tion à cha­cune de mes gardes grâce à eux, grâce à leur mémo­rable com­pa­gnie. S’éveiller ces matins-là, lors du réveil à 6 h 30, en réa­li­sant que j’enfilais un uni­forme pres­ti­gieux sym­bole d’une action humble et à la fois d’une vie hors-norme, à la fois mer­veilleuse et dif­fi­cile. Une chose que j’ai ten­té avec l’appréhension au ventre, une chose qui fait rêver petits et grands.

Je tiens donc à remer­cier, pro­fon­dé­ment, l’ensemble des sapeurs-pom­piers de la caserne de Saint-Maur pour leur accueil, leurs conseils, leur bonne humeur, leur patience, leur bienveillance.


A lire aussi…

WEB-SERIE – Le Jour­nal d’une VSC (épi­sode 13) : Pre­mière garde

WEB-SERIE – Le jour­nal d’une VSC (épi­sode 23) : Pre­miers secours

Credits

Photos : BSPP Illustration : Harry Couvin

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