DRONES, l'expérimentation qui décolle

Harry Couvin
16 avril 2021
Drone et son pilote

L’œil du SP – En avril 2020, le bureau études et prospective (BEP) démarrait une phase d’expérimentation sur l’emploi de drones aériens en appui des opérations des sapeurs-pompiers de Paris. Les neufs premiers mois d’expérimentation confirment l’utilité de ces engins sur intervention. Aujourd’hui, ALLO DIX HUIT a rencontré le lieutenant-colonel Renaud Blenet, adjoint au chef de bureau opérations préparation opérationnelle (BOPO) et pilote du groupe de travail sur les véhicules aéronefs télépilotés (VAERO).

Jean Flye —  — Modi­fiée le 25 juillet 2024 à 20 h 32 

« L’objectif de l’expérimentation est d’étudier l’emploi du drone sur dif­fé­rents niveaux d’engagement tac­tiques et sur dif­fé­rents types d’interventions, afin de déter­mi­ner la plus-value de ce type de vec­teurs » entame le lieu­te­nant-colo­nel Renaud Ble­net. Les drones de la BSPP sont des aéro­nefs d’Etat à sta­tut mili­taire pla­cés sous l’autorité d’emploi aéro­nau­tique du chef d’état-major de l’armée de Terre. Les dif­fi­cul­tés du sec­teur de la BSPP en matière aéro­nau­tique sont mul­tiples. Les mis­sions de drone se déroulent en milieu urbain dense, dans la zone de contrôle ter­mi­nale des aéro­ports de Paris et de la base aérienne de Vil­la­cou­blay, dans l’espace de nom­breuses héli­sta­tions et dans plu­sieurs aires à sta­tut par­ti­cu­lier inter­dites aux aéro­nefs. L’activité est donc enca­drée non seule­ment par les dis­po­si­tions de l’armée de Terre mais aus­si par des pro­to­coles de mis­sions pas­sés avec l’ensemble des ser­vices de la navi­ga­tion aérienne (Orly, Issy-les-Mou­li­neaux, Le Bourget/​Roissy et Vil­la­cou­blay). Mal­gré toutes ces contraintes géo­gra­phiques et aéro­nau­tiques com­plexes, l’intégration de drones dans l’espace aérien reste néan­moins possible.

La prio­ri­té de la Bri­gade est d’assurer la sécu­ri­té de son acti­vi­té aérienne face aux autres usa­gers de l’air tout en res­pec­tant les don­nées per­son­nelles de la popu­la­tion. Si l’intégration des drones de la BSPP dans l’espace aérien ne pose plus guère de dif­fi­cul­té, l’encadrement juri­dique de l’emploi des camé­ras doit encore être conso­li­dé. Comme l’ensemble des exploi­tants de drone rem­plis­sant des mis­sions de sécu­ri­té civile, la Bri­gade attend avec impa­tience la mise en place des dis­po­si­tions pré­vues dans la pro­po­si­tion de loi sécu­ri­té globale.

300 Départs annuels
En 2020, soit pen­dant les neuf mois de l’ex­pé­ri­men­ta­tion, « le VAERO a été déclen­ché près de 130 fois, pour envi­ron 80 vols. Ce nombre d’interventions n’est tou­te­fois pas tota­le­ment repré­sen­ta­tif de la sol­li­ci­ta­tion future de ce vec­teur. En effet, jus­qu’au mois de novembre son emploi a été limi­té à la jour­née aéro­nau­tique et des contraintes de res­sources humaines nous ont obli­gé à limi­ter ses périodes d’activité. Le BPO estime à 300 départs annuels la sol­li­ci­ta­tion future du VAERO ». La Bri­gade éva­lue actuel­le­ment un modèle de drone cap­tif auto­nome des­ti­né prin­ci­pa­le­ment à être mis en œuvre par les véhi­cules de poste de com­man­de­ment tac­tique (VPC). Si le maté­riel en cours d’évaluation donne satis­fac­tion, le per­son­nel du VPC pour­rait ain­si mettre en œuvre très rapi­de­ment un pre­mier outil de ren­sei­gne­ment aérien en atten­dant la mise en œuvre des drones par le VAERO.

« L’appui de la manœuvre du com­man­dant des opé­ra­tions de secours est l’objectif prin­ci­pal de l’ex­pé­ri­men­ta­tion » conti­nue l’officier. Le VAERO est actuel­le­ment capable de mettre rapi­de­ment à la dis­po­si­tion du COS une vue aérienne de l’é­vé­ne­ment sur un écran mobile ou un écran du véhi­cule de poste de com­man­de­ment tac­tique. Pro­chai­ne­ment, cette image sera retrans­mise vers l’état-major opé­ra­tion­nel et simul­ta­né­ment aux dif­fé­rents chefs de sec­teurs déployés sur le ter­rain. Cette vue aérienne faci­lite consi­dé­ra­ble­ment la com­pré­hen­sion de la confi­gu­ra­tion des lieux et l’appréciation de la situa­tion. Elle per­met éga­le­ment au COS d’évaluer l’efficacité du dis­po­si­tif mis en place et de ren­for­cer la sécu­ri­té du per­son­nel engagé.

L’un des autres atouts du drone est la pos­si­bi­li­té de car­to­gra­phier le ter­rain par l’utilisation de la pho­to­gram­mé­trie. « Cette tech­nique per­met de déter­mi­ner la forme, les dimen­sions et la posi­tion dans l’espace d’un objet à par­tir de pho­to­gra­phies ». Comme par exemple, car­to­gra­phier pré­ci­sé­ment le débor­de­ment d’une rivière et de croi­ser cette infor­ma­tion avec les dif­fé­rentes couches d’informations géo­gra­phiques du SIG (bâti­ments, routes, réseaux d’énergie, etc.) ou de modé­li­ser le volume d’un bâti­ment ou du terrain.

Aujourd’hui le vivier d’expérimentation est consti­tué de télé­pi­lotes issus du grou­pe­ment d’appuis et de secours, du BPO ain­si que du BEP. Les dix opé­ra­teurs for­més effec­tuent des gardes de 24 heures en binôme (un chef d’a­grès et un télé­pi­lote). L’enjeu de la mon­tée en puis­sance du dis­po­si­tif est d’augmenter le vivier de télé­pi­lotes sans perte de com­pé­tence et de flot­te­ment dans la sécu­ri­té aéro­nau­tique.
« Nous sommes en train d’établir un par­te­na­riat avec le centre de for­ma­tion drone (CFD) de l’ar­mée de Terre. Les ins­truc­teurs du CFD vont for­mer nos futurs pilotes, annonce le lieu­te­nant-colo­nel. Nous allons aus­si leur per­mettre d’effectuer une immer­sion au sein du VAERO afin qu’ils puissent appor­ter leur exper­tise ». L’enjeu est de mon­ter en puis­sance en termes de res­sources humaines afin de trans­fé­rer pro­chai­ne­ment ce vivier au grou­pe­ment des appuis et de secours.

Une aide pré­cieuse
Enfin, la BSPP a été sol­li­ci­tée par le labo­ra­toire cen­tral de la pré­fec­ture de police de Paris (LCPP) dans le cadre du pro­gramme PEIGASE (pla­te­forme opé­ra­tion­nelle d’estimation des pol­luants lors d’in­cen­dies de grande ampleur pour la pré­ser­va­tion de la san­té et de l’environnement). La sec­tion air et mesures du pôle envi­ron­ne­ment du LCPP, ayant besoin d’ef­fec­tuer des mesures et des pré­lè­ve­ments d’air sur les panaches de fumée des grands feux, envi­sage de mettre à dis­po­si­tion de la BSPP du maté­riel de pré­lè­ve­ment et d’a­na­lyse d’air adap­table sur des drones équi­pés de cap­teurs NRBC afin de faire des mesures sur intervention.

Actuel­le­ment, les vec­teurs télé­opé­rés per­mettent un réel appui. Aujourd’hui sur feu, mais peut-être demain pour une inter­ven­tion à carac­tère NRBC ou nau­tique, pour loca­li­ser des vic­times suite à un effon­dre­ment ou pour sim­ple­ment appor­ter du maté­riel de pre­mier secours. Si le drone ne rem­place pas les inter­ve­nants au contact, il sera cer­tai­ne­ment une aide et un faci­li­ta­teur pour la ges­tion de nos interventions.


L’INTERVENTION MARQUANTE

« Le 26 août 2020, nous avons été déclen­chés pour un feu de toi­ture dans un immeuble à usage de chambres d’étudiants, situé dans un bâti­ment annexe de l’hôpital Saint-Antoine. Il était près de 22 heures lorsque nous sommes arri­vés. La toi­ture était com­plè­te­ment embra­sée et le com­man­dant des opé­ra­tions de secours a deman­dé un « ren­fort incen­die ». Avant le décol­lage nous avons un pro­to­cole à res­pec­ter. Il faut tout d’abord prendre contact avec la direc­tion des ser­vices de la navi­ga­tion aérienne (DSNA) afin d’avoir l’autorisation de décol­ler ain­si que la hau­teur maxi­male à ne pas dépas­ser. Une fois toutes les auto­ri­sa­tions acquises, nous avons fait décol­ler le drone. C’était mon pre­mier vol de nuit. Avec le chef d’agrès, nous avons cha­cun effec­tué un vol afin de faire, dans un pre­mier temps, les recon­nais­sances pour ren­sei­gner le COS avec la camé­ra ther­mique, puis pour aider le groupe de recherche et de sau­ve­tage en milieu urbain (RSMU) lors des opé­ra­tions de dégar­nis­sage du toit. Pen­dant une bonne heure, nous avons gui­dé les inter­ve­nants. Cette inter­ven­tion m’a per­mis de pro­gres­ser dans la tech­nique de pilo­tage dans un envi­ron­ne­ment nocturne. »

L'expérimentation sur l'utilisation des drones en intervention est de plus en plus aboutie.
CCH Chris­tophe G. Télé­pi­lote de drone

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