UN POMPIER, UN CS — Anthony au CS Charonne

Raphaël Orlan­do —  — Modi­fiée le 21 novembre 2025 à 12 h 12 

Web-série — Le centre de secours de Charonne fait partie des casernes emblématiques de la Brigade. Installé au cœur du XXᵉ arrondissement depuis plus de 122 ans, il a conservé son âme, ses murs chargés d’histoire et cette atmosphère unique que seuls ses pompiers savent décrire. Ici, une devise traverse les générations : « Charonne un jour, Charonne toujours ! ».

Bon­jour Antho­ny, pour­rais-tu te présenter ?

Bon­jour, je suis le ser­gent Visse Antho­ny. J’ai 12 ans et demi de ser­vice. Depuis sep­tembre 2022, je suis au centre de secours de Cha­ronne où j’occupe les fonc­tions opé­ra­tion­nelles de chef d’agrès engin-pompe. J’ai com­men­cé ma car­rière à la caserne de Saint-Denis en pas­sant par le ser­vice remise, puis j’ai pour­sui­vi mon avan­ce­ment au CS La Cour­neuve. Côté vie pri­vée, je suis marié, père d’une petite fille de six ans, et nous sommes logés au centre de secours de Charonne.

Quel est le pre­mier aspect posi­tif qui te vient en tête en pen­sant à ce CS ?

Cha­ronne, c’est un centre de secours de grande valeur et char­gé d’histoire : la caserne a 122 ans. Depuis 1903, l’endroit a évo­lué, bien sûr, mais son authen­ti­ci­té a été pré­ser­vée. J’ajouterais que c’est un CS à taille humaine, ce qui nous per­met d’entretenir une cohé­sion très forte.

Le petit plus que j’ai décou­vert ici, et que je n’avais jamais vu ailleurs, c’est la proxi­mi­té qu’on entre­tient avec notre quar­tier. Nous y sommes vrai­ment inté­grés. Quand les enfants sortent de l’école, ils s’arrêtent nous regar­der mon­ter aux cordes, veulent visi­ter, mon­ter dans les camions… On a énor­mé­ment de contacts avec les habi­tants, les com­mer­çants du coin, et je trouve ça super. C’est assez unique de mon point de vue.

Quelles spé­ci­fi­ci­tés ou type d’inter’ pour ce secteur ?

Notre sec­teur se situe dans le XXᵉ arron­dis­se­ment de Paris. Nous défen­dons 50 % du XXᵉ, une petite par­tie du XIᵉ, du XIIᵉ et de Bagno­let. Ce qui m’a frap­pé en arri­vant ici, c’est l’activité opé­ra­tion­nelle : elle est forte, variée et sou­vent mar­quante. Nous inter­ve­nons régu­liè­re­ment pour des per­sonnes mena­çant de sau­ter ou ayant chu­té d’une cer­taine hau­teur. À Cha­ronne, on coche qua­si­ment toutes les cases des inter­ven­tions pos­sibles, excep­té le fluvial.

Quelle est l’intervention qui t’a le plus mar­qué dans ce CS ?

Il s’agit d’une inter­ven­tion de secours à vic­time. Nous sommes par­tis une nuit pour une agres­sion à l’arme blanche, sur la com­mune de Bagno­let, plus pré­ci­sé­ment dans le quar­tier de la Recy­cle­rie, connu comme une plaque tour­nante du tra­fic de drogue. À notre arri­vée, la police était déjà sur place et leurs gyro­phares éclai­raient par­tiel­le­ment la scène : une ambiance pesante, lugubre.

La vic­time était ados­sée contre un mur. En l’abordant, je découvre qu’elle a reçu un énorme coup de sabre à l’épaule, avec une plaie qui des­cend jusqu’à son abdo­men. Nous étions qua­si­ment dans le noir, alors on a déci­dé de cou­per ses vête­ments et d’éclairer davan­tage pour éva­luer les dégâts. En exa­mi­nant la bles­sure en détail, je me rends compte qu’elle est si pro­fonde qu’on voit son cœur battre. Le sabre ne l’a pas tou­ché, heu­reu­se­ment, mais il y avait une hémor­ra­gie impor­tante de l’artère subclavière.

J’ai donc clam­pé l’artère avec mes doigts, car la situa­tion était cri­tique. Le méde­cin est ensuite arri­vé, et la vic­time a été trans­por­tée vivante et consciente à l’hôpital. Je me sou­viens qu’il fai­sait très froid, et qu’une fois dans l’ambulance de réani­ma­tion, le méde­cin a mis un chauf­fage très fort pour réchauf­fer l’homme. Moi, j’étais en par­ka, je trans­pi­rais, mais je ne pou­vais pas la reti­rer tant que l’équipe médi­cale n’avait pas pris le relai. Cette inter­ven­tion, je m’en sou­vien­drai toute ma vie.

Sou­ve­nir per­son­nel le plus mar­quant dans ce CS ?

Je gar­de­rai tou­jours en tête l’état d’esprit du centre de secours. Je pense que tous les pom­piers de Cha­ronne sont fiers d’y ser­vir et y sont atta­chés. On l’a encore démon­tré pen­dant l’éva­lua­tion de la pré­pa­ra­tion opé­ra­tion­nelle (EPO). On avance ensemble vers la planche, on réus­sit ensemble, et on valide chaque manœuvre comme un groupe sou­dé. Il n’y a pas de clan à Cha­ronne. Tout le monde se fré­quente et on se tire mutuel­le­ment vers le haut.

Un autre moment m’a mar­qué lors de mon arri­vée. On fai­sait un pot de départ et, à la fin de son dis­cours, le pom­pier qui par­tait a crié : « Cha­ronne un jour ». Tout le monde a répon­du : « Cha­ronne tou­jours ». Ça m’a frap­pé. Et depuis quatre ans, je constate que ça existe tou­jours. Même des anciens par­tis depuis long­temps le disent encore en repas­sant à la caserne.

Cet esprit de famille existe ici depuis très long­temps. Il se res­sent aus­si dans la vie de caserne. C’est très agréable d’y être logé, on se sent vite inté­grés. Mes col­lègues n’hésitent pas à aider ma femme quand on a besoin d’un coup de main. Ma fille fait un check à tous les pom­piers et me regarde faire la vérif’ du maté­riel. On se sent vrai­ment comme à la mai­son à Charonne.


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