Web-série — Le centre de secours de Charonne fait partie des casernes emblématiques de la Brigade. Installé au cœur du XXᵉ arrondissement depuis plus de 122 ans, il a conservé son âme, ses murs chargés d’histoire et cette atmosphère unique que seuls ses pompiers savent décrire. Ici, une devise traverse les générations : « Charonne un jour, Charonne toujours ! ».
Bonjour Anthony, pourrais-tu te présenter ?
Bonjour, je suis le sergent Visse Anthony. J’ai 12 ans et demi de service. Depuis septembre 2022, je suis au centre de secours de Charonne où j’occupe les fonctions opérationnelles de chef d’agrès engin-pompe. J’ai commencé ma carrière à la caserne de Saint-Denis en passant par le service remise, puis j’ai poursuivi mon avancement au CS La Courneuve. Côté vie privée, je suis marié, père d’une petite fille de six ans, et nous sommes logés au centre de secours de Charonne.
Quel est le premier aspect positif qui te vient en tête en pensant à ce CS ?
Charonne, c’est un centre de secours de grande valeur et chargé d’histoire : la caserne a 122 ans. Depuis 1903, l’endroit a évolué, bien sûr, mais son authenticité a été préservée. J’ajouterais que c’est un CS à taille humaine, ce qui nous permet d’entretenir une cohésion très forte.
Le petit plus que j’ai découvert ici, et que je n’avais jamais vu ailleurs, c’est la proximité qu’on entretient avec notre quartier. Nous y sommes vraiment intégrés. Quand les enfants sortent de l’école, ils s’arrêtent nous regarder monter aux cordes, veulent visiter, monter dans les camions… On a énormément de contacts avec les habitants, les commerçants du coin, et je trouve ça super. C’est assez unique de mon point de vue.
Quelles spécificités ou type d’inter’ pour ce secteur ?
Notre secteur se situe dans le XXᵉ arrondissement de Paris. Nous défendons 50 % du XXᵉ, une petite partie du XIᵉ, du XIIᵉ et de Bagnolet. Ce qui m’a frappé en arrivant ici, c’est l’activité opérationnelle : elle est forte, variée et souvent marquante. Nous intervenons régulièrement pour des personnes menaçant de sauter ou ayant chuté d’une certaine hauteur. À Charonne, on coche quasiment toutes les cases des interventions possibles, excepté le fluvial.
Quelle est l’intervention qui t’a le plus marqué dans ce CS ?
Il s’agit d’une intervention de secours à victime. Nous sommes partis une nuit pour une agression à l’arme blanche, sur la commune de Bagnolet, plus précisément dans le quartier de la Recyclerie, connu comme une plaque tournante du trafic de drogue. À notre arrivée, la police était déjà sur place et leurs gyrophares éclairaient partiellement la scène : une ambiance pesante, lugubre.
La victime était adossée contre un mur. En l’abordant, je découvre qu’elle a reçu un énorme coup de sabre à l’épaule, avec une plaie qui descend jusqu’à son abdomen. Nous étions quasiment dans le noir, alors on a décidé de couper ses vêtements et d’éclairer davantage pour évaluer les dégâts. En examinant la blessure en détail, je me rends compte qu’elle est si profonde qu’on voit son cœur battre. Le sabre ne l’a pas touché, heureusement, mais il y avait une hémorragie importante de l’artère subclavière.
J’ai donc clampé l’artère avec mes doigts, car la situation était critique. Le médecin est ensuite arrivé, et la victime a été transportée vivante et consciente à l’hôpital. Je me souviens qu’il faisait très froid, et qu’une fois dans l’ambulance de réanimation, le médecin a mis un chauffage très fort pour réchauffer l’homme. Moi, j’étais en parka, je transpirais, mais je ne pouvais pas la retirer tant que l’équipe médicale n’avait pas pris le relai. Cette intervention, je m’en souviendrai toute ma vie.
Souvenir personnel le plus marquant dans ce CS ?
Je garderai toujours en tête l’état d’esprit du centre de secours. Je pense que tous les pompiers de Charonne sont fiers d’y servir et y sont attachés. On l’a encore démontré pendant l’évaluation de la préparation opérationnelle (EPO). On avance ensemble vers la planche, on réussit ensemble, et on valide chaque manœuvre comme un groupe soudé. Il n’y a pas de clan à Charonne. Tout le monde se fréquente et on se tire mutuellement vers le haut.
Un autre moment m’a marqué lors de mon arrivée. On faisait un pot de départ et, à la fin de son discours, le pompier qui partait a crié : « Charonne un jour ». Tout le monde a répondu : « Charonne toujours ». Ça m’a frappé. Et depuis quatre ans, je constate que ça existe toujours. Même des anciens partis depuis longtemps le disent encore en repassant à la caserne.
Cet esprit de famille existe ici depuis très longtemps. Il se ressent aussi dans la vie de caserne. C’est très agréable d’y être logé, on se sent vite intégrés. Mes collègues n’hésitent pas à aider ma femme quand on a besoin d’un coup de main. Ma fille fait un check à tous les pompiers et me regarde faire la vérif’ du matériel. On se sent vraiment comme à la maison à Charonne.