#BRIGADE INSIDE — Une journée de sauvetage-déblaiement

#BrigadeInside — Durant deux semaines, l’aire de formation internationale cynotechnique-sauvetage-déblaiement de Villejust (91) a accueilli des sapeurs-pompiers du groupement des appuis et de secours (GAS). Au programme : formations dans la spécialité sauvetage-déblaiement et simulation d’une projection à l’étranger. La rédaction d’ALLO DIX-HUIT s’est plongée au cœur de ce stage aussi atypique qu’exigeant. Immersion… sous une pluie battante. 

Maxime Gri­maud —  — Modi­fiée le 5 mai 2021 à 12 h 06 

Jeudi 18 octobre, huit heures du matin. Sous un ciel sombre et une pluie capri­cieuse, per­du au milieu de l’Essonne (91), se cache le centre cyno­tech­nique inter­na­tio­nal de Vil­le­just. Une petite forêt, un immense poste élec­trique et des champs à perte de vue, déli­mitent ses fron­tières. Aux extré­mi­tés de la zone, des mon­ti­cules de gra­vats sur­plombent des bâti­ments effon­drés. Cer­tains élé­ments res­sortent du décor : res­tau­rant aban­don­né, école déla­brée, fast-food détruit, voi­tures sur les toits, trac­to­pelle aban­don­née, bus oublié, etc. Cet envi­ron­ne­ment post-apo­ca­lyp­tique, qui jalonne tout le pour­tour de la base, lui donne l’impression d’être cou­pée du monde comme figée dans le temps.
Au cœur du centre, des tentes blanches, flo­quées BSPP, attestent la pré­sence des pom­piers de Paris. De nom­breux mili­taires effec­tuent des allers-retours entre les zones de manœuvre et le cam­pe­ment. Depuis une dizaine de jours, ils vivent dans le centre, éva­lués au quo­ti­dien par leurs for­ma­teurs. Ce sont des hommes et des femmes du grou­pe­ment des appuis et de secours, de la com­pa­gnie des appuis spé­cia­li­sés (CAS). Affec­tés au groupe de recherche et sau­ve­tage en milieu urbain (RSMU), au groupe d’intervention en milieu périlleux (GRIMP) ou au groupe cyno­tech­nique (CYNO), ils se forment à la spé­cia­li­té sau­ve­tage-déblaie­ment (SD) pen­dant deux semaines entières.

Le point de ral­lie­ment pour les sta­giaires est une berce d’appui recherche sau­ve­tage (BARS), gar­nie pour l’occasion. Cous­sins de levage, scies, tron­çon­neuses, per­fo­ra­teurs, per­ceuses, ven­ti­la­teurs, pompes, éclai­rages, bar­quettes, civières, échelles, treuils, pelles, har­nais… Tout y est pour décou­per, for­cer ou lever afin d‘atteindre une vic­time. Quatre logis­ti­ciens assurent au quo­ti­dien le tra­vail de remi­sage afin d’optimiser le temps des sta­giaires. Une fois leur maté­riel dépo­sé ou récu­pé­ré, les binômes repartent vers leur chan­tier de manœuvre.

Héber­ge­ment, hygiène et ali­men­ta­tion spar­tiates, les par­ti­ci­pants sont pla­cés dans les condi­tions de vie qu’ils pour­raient ren­con­trer sur le ter­rain après une catastrophe.

GRANDEUR NATURE
Noyées dans les décombres, de fausses vic­times attendent patiem­ment leurs sau­veurs. Les sta­giaires, en pleine recherche, enjambent les débris avec pré­cau­tion. Pos­té en haut d’un mon­ti­cule, le major Syl­vain J., for­ma­teur réfé­rent du stage, observe atten­ti­ve­ment le tra­vail de ses élèves. « L’objectif de notre for­ma­tion est de leur apprendre à recher­cher, à loca­li­ser, à atteindre les vic­times, puis à les déga­ger jusqu’à les rame­ner dans une zone non dan­ge­reuse, explique-t-il. Cela néces­site des com­pé­tences com­plé­men­taires par­fois très dif­fé­rentes de la for­ma­tion clas­sique. » Pour ses stages, la Bri­gade dis­pose des niveaux d’agrément auprès de la direc­tion géné­rale de la sécu­ri­té civile et de la ges­tion des crises (DGSCGC). Dans cette optique, le GAS conçoit et orga­nise les stages SD de la Bri­gade, qui se déclinent en trois niveaux de com­pé­tence : SDE1 pour sau­ve­teur déblayeur, SDE2 pour chef d’unité et SDE3 pour chef de section.

Sur la zone de manœuvre, une vic­time vient d’être décou­verte. Les pre­miers ordres se font entendre. Séisme, explo­sion ou encore glis­se­ment de ter­rain : les spé­cia­listes SD peuvent être confron­tés à de mul­tiples cas de figure. « Ce stage contient une par­ti­cu­la­ri­té : nous y for­mons simul­ta­né­ment les futurs chefs d’unité et les futurs sau­ve­teurs, pour­suit le major. Les futurs SDE1 se per­fec­tionnent aux dif­fé­rentes tech­niques déployables sur le ter­rain et les SDE2 s’aguerrissent au com­man­de­ment et à la prise de décision. »

S’il existe bien une marche géné­rale des opé­ra­tions, la spé­cia­li­té sau­ve­tage-déblaie­ment impose une grande capa­ci­té d’adaptation. « Nos sta­giaires ont tout le maté­riel de la BARS à dis­po­si­tion, déve­loppe-t-il. C’est ensuite à eux de choi­sir les bons outils et la bonne manœuvre à employer pour rem­plir leur mis­sion. » Sous une pluie bat­tante, les pom­piers se frayent un che­min dans les décombres. D’autres éta­blissent conscien­cieu­se­ment les maté­riels qu’ils viennent de récu­pé­rer. « Une manœuvre SD peut durer cinq heures et être enchaî­née après une courte pause. Bien au-delà des habi­tudes d’un pom­pier en com­pa­gnie d’incendie, insiste le major. Les condi­tions de tra­vail s’avèrent par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­ciles et éprou­vantes. Ce stage per­met à nos élèves de déve­lop­per leur endu­rance phy­sique et morale. » Après un tra­vail de longue haleine, les sta­giaires par­viennent à extraire la vic­time. En dépit de la boue, de la pluie et de la fatigue, ils ont accom­pli leur mission.

Le major Syl­vain J. tes­tant dif­fé­rents maté­riels pro­po­sés par les entreprises.

UNE SIMULATION RÉALISTE
À 15 heures, toutes les manœuvres se ter­minent. Les sta­giaires se réunissent sous la tente du réfec­toire. Le repas est bien dif­fé­rent de ceux pro­po­sés en com­pa­gnie d’incendie. Au menu : rations mili­taires. « Chaque moment de notre quo­ti­dien est impré­gné de cette rus­ti­ci­té. C’est le second inté­rêt de ce stage : créer une simu­la­tion des véri­tables condi­tions de vie en dehors du contexte habi­tuel, à l’étranger par exemple, explique le major. Un spé­cia­liste RSMU peut être déployé sur le ter­rain pour une durée d’environ deux semaines. Durant cette période, son ali­men­ta­tion, son hygiène et son héber­ge­ment seront plu­tôt spar­tiates. Il doit s’y pré­pa­rer. » En paral­lèle de ces condi­tions de vie rudi­men­taires, les pro­jec­tions à l’étranger peuvent s’avérer par­ti­cu­liè­re­ment éprou­vantes sur le plan psy­cho­lo­gique. « En 2010, nous avons été envoyés sur le trem­ble­ment de terre à Haï­ti. C’était une véri­table zone de guerre, des vic­times à chaque coin de rue, le chaos total, se remé­more-t-il som­bre­ment. Plus récem­ment, en 2017, suite à l’ouragan Irma, deux déta­che­ments de la BSPP sont inter­ve­nus dans les Antilles au pro­fit des popu­la­tions fran­çaises de Saint-Mar­tin. Nous tra­vail­lions du matin au soir sans inter­rup­tion. Pas de 24 h repos, pas de retour à la mai­son, aucun repère dans cet envi­ron­ne­ment. En recréant cette atmo­sphère dif­fi­cile, nous pré­pa­rons nos recrues aus­si bien phy­si­que­ment que men­ta­le­ment à ce qui les attend une fois déployées. »

L’APRÈS-MIDI CHARGÉE
Dans l’après-midi, plu­sieurs véhi­cules civils entrent sur le site. Les for­ma­teurs ont pro­fi­té du stage pour rece­voir cer­tains dis­tri­bu­teurs de maté­riels. « C’est une oppor­tu­ni­té de répondre à nos besoins de pros­pec­tive et d’innovation en confron­tant nos par­te­naires à nos réa­li­tés de ter­rain », explique le major J. Des hommes du BMCO, à l’origine des rela­tions com­mer­ciales avec les entre­prises, sont éga­le­ment de la par­tie. Rapi­de­ment, les démons­tra­teurs ouvrent leurs véhi­cules et sortent de mul­tiples maté­riels. Après une rapide pré­sen­ta­tion de chaque pro­duit, les tests démarrent et durent plu­sieurs heures. Uti­li­sa­tion de cisailles, de cous­sins de levage ou encore d’étais de sta­bi­li­sa­tion : tous les pro­duits sont pas­sés au crible par les for­ma­teurs. À l’issue, les com­mer­ciaux offrent des cata­logues de pro­duits aux mili­taires. « C’est aus­si un moyen de connaître les nou­veau­tés de ce sec­teur d’activité, argu­mente le major. Par la suite, nous iden­ti­fie­rons les maté­riels qui nous inté­ressent et le BMCO se char­ge­ra de l’aspect commercial. »

Après une courte séquence de repos dans le cou­rant de l’après-midi, les manœuvres reprennent, cette fois-ci orien­tées vers le for­ce­ment. Les sta­giaires se répar­tissent à nou­veau en équipes de tra­vail et retournent vers les mon­ti­cules de décombres. Le soleil se couche déjà et les opé­ra­tions dure­ront ain­si jusque tard dans la nuit. « Nous avons des pro­jec­teurs pour tra­vailler dans ces condi­tions. Il nous est déjà arri­vé de ter­mi­ner les opé­ra­tions à trois heures du matin, s’amuse-t-il. Mais il n’y aura pas de grasse mati­née, le réveil sera à 6 h 30 comme pré­vu. C’est aus­si ça, la spé­cia­li­té sau­ve­tage-déblaie­ment : une endu­rance à toute épreuve ! ». Bon cou­rage à eux !

LA SPECIALITE “SEARCH AND RESCUE”

LA RECHERCHE

  • Éva­lua­tion
    Obser­va­tion
    Ren­sei­gne­ment
  • Sécu­ri­sa­tion
    Éclai­rage
    Bali­sage
    Étaie­ment
    Main cou­rante
    Télé­mètre
  • Loca­li­sa­tion tech­nique
    Ima­ge­rie vidéo
    écoute

LE SAUVETAGE

  • Accès à la vic­time
    Per­ce­ment
    Découpe
    Levage, manœuvre de force
  • Déga­ge­ment
    Dés­in­car­cé­ra­tion
  • Condi­tion­ne­ment
    Immo­bi­li­sa­tion
  • Éva­cua­tion
    Tech­nique de sauvetage

LE SAVIEZ-VOUS ?

Depuis juin 2017, date d’accréditation zonale, les mili­taires du GAS arborent sur leur tenue l’écusson “INSARAG FRA‑B”, acro­nyme de “Inter­na­tio­nal search and rescue advi­so­ry group France, équipe BRAVO”. Créé en 1991 par les Nations Unies, INSARAG per­met de coor­don­ner l’engagement de dif­fé­rents pays sur une catas­trophe huma­ni­taire, en stan­dar­di­sant les méthodes de tra­vail.
Cette accré­di­ta­tion est obte­nue après 48 heures de mise en situa­tion et d’évaluation capa­ci­taire stricte. Chaque équipe cer­ti­fiée doit être capable de se pro­je­ter en moins de 24 heures sur n’importe quel point du globe. Ceci en auto­no­mie com­plète et sur une période allant d’une à deux semaines.

PHOTOS : Louise Bracqbien

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