
#BrigadeInside — Nous avons passé 24 heures dans les environs de Saint-Maixent‑L’École, avec une des trois sections du stage CM1 d’avril 2025 : la S3. Entre les épreuves et la fatigue, la devise de l’ENSOA prend tout son sens.
La nuit dernière, on a marché 20 kilomètres », confie le caporal-chef Kylian Phipps, de la section 3 du CM1 d’avril 2025. Les yeux cernés, l’allure marquée par trois semaines d’efforts intensifs, il résume d’une phrase la rudesse du stage qui forge les futurs sous-officiers de la Brigade. Pourtant, son large sourire en dit long sur son état d’esprit.
Autour du camp d’Avon, dans le département des Deux-Sèvres, la nuit a été longue. Les épaules alourdies par des sacs bien remplis, la S3 a avalé les kilomètres sans faiblir, portée par une discipline rigoureuse et un esprit de cohésion remarquable. Sous la lune voilée, les silhouettes camouflées se sont faufilées dans les sous-bois, les petits villages, les champs et les chemins, au rythme imposé par la mission.
Mardi 22 avril, il est un peu plus de midi lorsque nous retrouvons la S3 autour d’une « caisse à sable ». En clair : un plan de terrain improvisé avec des branches, des bouts de ficelle et de la mousse. Un stagiaire expose la mission du jour en suivant la méthode MOICP : mission, objectif, itinéraire, conduite à tenir, place du chef. Les autres écoutent, concentrés, debout ou agenouillés dans l’herbe, les visages camouflés de kaki et de brun.
À peine le briefing terminé, ils repartent sur le terrain : casque lourd sur la tête, Famas serré contre eux, sac de plusieurs kilos sur le dos. Les ordres sont clairs, les mouvements vifs. Le lieutenant Léo Roy, chef de section, et son adjoint, le sergent Benjamin Provost, observent en retrait, évaluant chaque réaction. L’après-midi est consacré au « combat » : enchaînement d’exercices tactiques en conditions réalistes. Pas de doute, nous sommes bien à l’ENSOA.
La maison mère du sous-officier. L’École nationale des sous-officiers d’active (ENSOA), implantée à Saint-Maixent‑l’École (79), est le centre de formation de référence pour les futurs sous-officiers de l’armée de Terre. Chaque année, plus de 6 000 jeunes engagés y acquièrent les bases militaires, techniques et humaines nécessaires pour assumer des responsabilités de commandement. Rigueur, dépassement de soi et esprit de corps rythment un cursus exigeant, construit autour de mises en situation réalistes.
La fatigue est omniprésente. Trois semaines d’instruction intensive laissent des traces. Pour maintenir la vigilance, des séances de pompes, squats ou burpees sanctionnent les moindres flottements. Les stagiaires s’exécutent sans discuter, malgré quelques ronchonnements entendus çà et là. Les nerfs sont mis à rude épreuve. Apprendre à gérer l’épuisement et rester lucide est l’un des objectifs sous-jacents du stage.
En images…
« Au CM1, toutes les situations sont des prétextes pour désigner des chefs, analyse le capitaine Matthieu Quénan, directeur du stage. Nous les mettons en situation de commandement en permanence. De plus, nous leur demandons de changer de métier le temps de quatre semaines et d’acquérir de nouvelles compétences, en tactique ou en topographie, notamment. Et ils y arrivent très bien, malgré la fatigue, car ils s’entraident les uns les autres. »
À la tombée de la nuit, gestes ralentis, la S3 reprend des forces autour d’une ration de combat de l’armée française. De manière surprenante, copieuses et variées, elles offrent un peu de réconfort aux corps meurtris. Certains soignent leurs pieds endoloris, d’autres glissent des bougies dans leurs chaussures pour les sécher. Chaque minute grappillée pour dormir est précieuse. Les stagiaires s’assoupissent quelques instants, casque ou sac à dos en guise d’oreiller, avant d’être appelés pour une nouvelle épreuve.
En direction de mon bras. Dans le vacarme du moteur d’un GBC, camion tout-terrain emblématique de l’armée française, ils embarquent sans savoir où ils vont, ni ce qu’ils feront. Ils chantent pour se donner du courage. Il fait froid. La route, chaotique, semble interminable. « Le plus dur pour eux, c’est qu’ils ne connaissent absolument pas le programme à l’avance, souligne le capitaine Matthieu Quénan. Je suis impressionné par ce qu’ils sont capables d’endurer et d’accomplir, tous ensemble. » Le GBC arrive à l’ENSOA. La nuit est loin d’être finie.
Première étape : le SITAL (simulateur d’instruction technique au tir aux armes légères). « Les pompiers de Paris sont plutôt bons en SITAL car ils sont calmes, indique l’instructeur de l’armée de Terre. Nous, ce qu’on veut voir, c’est du commandement ! »
Puis vient un parcours d’obstacles un peu particulier : franchir chaque étape en groupe, avec sacs, fusils, lampes frontales… et un brancard de plus de 80 kilos. Chaque chef est identifié par une lampe rouge, les autres par une lampe blanche. Sous la direction des chefs désignés, la section S3 fait preuve d’une combativité impressionnante : les obstacles sont avalés en une trentaine de minutes.
Le lieutenant Roy félicite brièvement ses hommes. Il faut repartir. Une nouvelle marche d’une douzaine de kilomètres les attend. « Après l’effort, le réconfort… », ironise un stagiaire.
« Le plus dur pour eux, c’est qu’ils ne connaissent absolument pas le programme à l’avance…”
Il faut souligner que le moral du groupe reste exceptionnellement bon. L’épuisement est palpable, mais pas un seul ne lâche. Les blagues fusent. La camaraderie est sincère. Ces jeunes gens deviennent, peu à peu, de véritables frères d’armes. Le caporal-chef Samuel Chevrot, expert en topographie, guide sans difficulté la section jusqu’au camp d’Avon. Lorsqu’ils retrouvent enfin leur sac de couchage, une pluie torrentielle s’abat sur le campement. La S3 s’endort dans le fracas des gouttes sur les bâches tendues.
Le lendemain, mercredi 23 avril, la pluie continue de battre la plaine. À l’abri relatif d’une vieille grange, le lieutenant Roy dispense un cours théorique, imperturbable. Ensuite, la S3 aura quelques minutes pour profiter d’une ration de combat avant de reprendre l’entrainement… au combat, en faisant avec les caprices de la météo. L’humidité pénètre jusque dans les treillis, mais personne ne se plaint. Le CM1 n’est pas fait pour être facile.
« Le but, c’est de les sortir de leur zone de confort, résume le lieutenant-colonel Stéphane Dupré, chef de corps du groupement de formation, d’instruction et de secours (GFIS). Être et durer prend tout son sens au CM1. Le stage est exigeant, mais ils apprennent qu’ils peuvent aller au bout du monde avec une bonne équipe… Ces quatre petites semaines sont fondamentales pour le sous-officier de la Brigade. »
Qu’on se le dise !