FORMATION — CM1 : S’élever par l’effort

Nicho­las Bady —  — Modi­fiée le 24 juillet 2025 à 09 h 37 

#BrigadeInside — Nous avons passé 24 heures dans les environs de Saint-Maixent‑L’École, avec une des trois sections du stage CM1 d’avril 2025 : la S3. Entre les épreuves et la fatigue, la devise de l’ENSOA prend tout son sens.

La nuit der­nière, on a mar­ché 20 kilo­mètres », confie le capo­ral-chef Kylian Phipps, de la sec­tion 3 du CM1 d’avril 2025. Les yeux cer­nés, l’allure mar­quée par trois semaines d’efforts inten­sifs, il résume d’une phrase la rudesse du stage qui forge les futurs sous-offi­ciers de la Bri­gade. Pour­tant, son large sou­rire en dit long sur son état d’esprit.

Autour du camp d’Avon, dans le dépar­te­ment des Deux-Sèvres, la nuit a été longue. Les épaules alour­dies par des sacs bien rem­plis, la S3 a ava­lé les kilo­mètres sans fai­blir, por­tée par une dis­ci­pline rigou­reuse et un esprit de cohé­sion remar­quable. Sous la lune voi­lée, les sil­houettes camou­flées se sont fau­fi­lées dans les sous-bois, les petits vil­lages, les champs et les che­mins, au rythme impo­sé par la mission.

Mar­di 22 avril, il est un peu plus de midi lorsque nous retrou­vons la S3 autour d’une « caisse à sable ». En clair : un plan de ter­rain impro­vi­sé avec des branches, des bouts de ficelle et de la mousse. Un sta­giaire expose la mis­sion du jour en sui­vant la méthode MOICP : mis­sion, objec­tif, iti­né­raire, conduite à tenir, place du chef. Les autres écoutent, concen­trés, debout ou age­nouillés dans l’herbe, les visages camou­flés de kaki et de brun.

À peine le brie­fing ter­mi­né, ils repartent sur le ter­rain : casque lourd sur la tête, Famas ser­ré contre eux, sac de plu­sieurs kilos sur le dos. Les ordres sont clairs, les mou­ve­ments vifs. Le lieu­te­nant Léo Roy, chef de sec­tion, et son adjoint, le ser­gent Ben­ja­min Pro­vost, observent en retrait, éva­luant chaque réac­tion. L’après-midi est consa­cré au « com­bat » : enchaî­ne­ment d’exercices tac­tiques en condi­tions réa­listes. Pas de doute, nous sommes bien à l’ENSOA.

La mai­son mère du sous-offi­cier. L’École natio­nale des sous-offi­ciers d’active (ENSOA), implan­tée à Saint-Maixent‑l’École (79), est le centre de for­ma­tion de réfé­rence pour les futurs sous-offi­ciers de l’armée de Terre. Chaque année, plus de 6 000 jeunes enga­gés y acquièrent les bases mili­taires, tech­niques et humaines néces­saires pour assu­mer des res­pon­sa­bi­li­tés de com­man­de­ment. Rigueur, dépas­se­ment de soi et esprit de corps rythment un cur­sus exi­geant, construit autour de mises en situa­tion réalistes.

La fatigue est omni­pré­sente. Trois semaines d’instruction inten­sive laissent des traces. Pour main­te­nir la vigi­lance, des séances de pompes, squats ou bur­pees sanc­tionnent les moindres flot­te­ments. Les sta­giaires s’exécutent sans dis­cu­ter, mal­gré quelques ron­chon­ne­ments enten­dus çà et là. Les nerfs sont mis à rude épreuve. Apprendre à gérer l’épuisement et res­ter lucide est l’un des objec­tifs sous-jacents du stage.

En images…

« Au CM1, toutes les situa­tions sont des pré­textes pour dési­gner des chefs, ana­lyse le capi­taine Mat­thieu Qué­nan, direc­teur du stage. Nous les met­tons en situa­tion de com­man­de­ment en per­ma­nence. De plus, nous leur deman­dons de chan­ger de métier le temps de quatre semaines et d’acquérir de nou­velles com­pé­tences, en tac­tique ou en topo­gra­phie, notam­ment. Et ils y arrivent très bien, mal­gré la fatigue, car ils s’entraident les uns les autres. »
À la tom­bée de la nuit, gestes ralen­tis, la S3 reprend des forces autour d’une ration de com­bat de l’armée fran­çaise. De manière sur­pre­nante, copieuses et variées, elles offrent un peu de récon­fort aux corps meur­tris. Cer­tains soignent leurs pieds endo­lo­ris, d’autres glissent des bou­gies dans leurs chaus­sures pour les sécher. Chaque minute grap­pillée pour dor­mir est pré­cieuse. Les sta­giaires s’assoupissent quelques ins­tants, casque ou sac à dos en guise d’oreiller, avant d’être appe­lés pour une nou­velle épreuve.

En direc­tion de mon bras. Dans le vacarme du moteur d’un GBC, camion tout-ter­rain emblé­ma­tique de l’armée fran­çaise, ils embarquent sans savoir où ils vont, ni ce qu’ils feront. Ils chantent pour se don­ner du cou­rage. Il fait froid. La route, chao­tique, semble inter­mi­nable. « Le plus dur pour eux, c’est qu’ils ne connaissent abso­lu­ment pas le pro­gramme à l’avance, sou­ligne le capi­taine Mat­thieu Qué­nan. Je suis impres­sion­né par ce qu’ils sont capables d’endurer et d’accomplir, tous ensemble. » Le GBC arrive à l’ENSOA. La nuit est loin d’être finie.

Pre­mière étape : le SITAL (simu­la­teur d’instruction tech­nique au tir aux armes légères). « Les pom­piers de Paris sont plu­tôt bons en SITAL car ils sont calmes, indique l’instructeur de l’armée de Terre. Nous, ce qu’on veut voir, c’est du commandement ! »

Puis vient un par­cours d’obstacles un peu par­ti­cu­lier : fran­chir chaque étape en groupe, avec sacs, fusils, lampes fron­tales… et un bran­card de plus de 80 kilos. Chaque chef est iden­ti­fié par une lampe rouge, les autres par une lampe blanche. Sous la direc­tion des chefs dési­gnés, la sec­tion S3 fait preuve d’une com­ba­ti­vi­té impres­sion­nante : les obs­tacles sont ava­lés en une tren­taine de minutes.
Le lieu­te­nant Roy féli­cite briè­ve­ment ses hommes. Il faut repar­tir. Une nou­velle marche d’une dou­zaine de kilo­mètres les attend. « Après l’effort, le récon­fort… », iro­nise un stagiaire.

« Le plus dur pour eux, c’est qu’ils ne connaissent abso­lu­ment pas le pro­gramme à l’avance…”

Il faut sou­li­gner que le moral du groupe reste excep­tion­nel­le­ment bon. L’épuisement est pal­pable, mais pas un seul ne lâche. Les blagues fusent. La cama­ra­de­rie est sin­cère. Ces jeunes gens deviennent, peu à peu, de véri­tables frères d’armes. Le capo­ral-chef Samuel Che­vrot, expert en topo­gra­phie, guide sans dif­fi­cul­té la sec­tion jusqu’au camp d’Avon. Lorsqu’ils retrouvent enfin leur sac de cou­chage, une pluie tor­ren­tielle s’abat sur le cam­pe­ment. La S3 s’endort dans le fra­cas des gouttes sur les bâches tendues.

Le len­de­main, mer­cre­di 23 avril, la pluie conti­nue de battre la plaine. À l’abri rela­tif d’une vieille grange, le lieu­te­nant Roy dis­pense un cours théo­rique, imper­tur­bable. Ensuite, la S3 aura quelques minutes pour pro­fi­ter d’une ration de com­bat avant de reprendre l’entrainement… au com­bat, en fai­sant avec les caprices de la météo. L’humidité pénètre jusque dans les treillis, mais per­sonne ne se plaint. Le CM1 n’est pas fait pour être facile.

« Le but, c’est de les sor­tir de leur zone de confort, résume le lieu­te­nant-colo­nel Sté­phane Dupré, chef de corps du grou­pe­ment de for­ma­tion, d’instruction et de secours (GFIS). Être et durer prend tout son sens au CM1. Le stage est exi­geant, mais ils apprennent qu’ils peuvent aller au bout du monde avec une bonne équipe… Ces quatre petites semaines sont fon­da­men­tales pour le sous-offi­cier de la Bri­gade. »
Qu’on se le dise !

Photos : SCH Nicholas Bady

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