
Histoire — La Brigade a récemment reçu un don exceptionnel destiné à enrichir son musée. Pièce quasiment unique, la Peugeot 402, véhicule de commandement historique ayant appartenu au colonel du Régiment avant la Seconde Guerre mondiale avait disparu des radars. Mais c’était sans compter avec l’abnégation des collectionneurs et des passionnés d’histoire… Un récit, plein de rebondissements…
Tout commence en octobre 1932. Antoine Peugeot, né le 17 avril 1910 à Valentigney (Doubs), rejoint le Corps pour effectuer son service militaire en tant que sapeur. Il est affecté à la 4e compagnie. Diplômé de l’École supérieure de commerce, il appartient à la famille fondatrice des usines automobiles Peugeot. Trente ans plus tard, il siégera au conseil de surveillance de la société.
Un détail le frappe. Lors du défilé du 14 juillet, le colonel commandant le Régiment défile à pied avec son drapeau alors même que le Corps dispose d’un parc de véhicules. Mais aucun d’eux n’est adapté à recevoir le colonel et son drapeau. Promu sous-officier, Antoine Peugeot convainc alors ses oncles, dirigeants des usines Peugeot, de concevoir un véhicule spécialement aménagé pour les cérémonies militaires et d’en faire don au Régiment.
Un don prestigieux. En 1937 – 1938, le Régiment reçoit donc un véhicule unique : une Peugeot 402 torpédo (découvrable), dotée d’une carrosserie allongée, d’une motorisation spécifique et d’un aménagement intérieur permettant au chef de Corps de se tenir debout aux côtés de la garde au drapeau lors des défilés. Ce modèle exceptionnel est donc conçu « sur mesure » pour les pompiers de Paris. C’est ainsi que, dans ce prestigieux véhicule, le colonel défile les 14 juillet 1938 et 1939.
La 402 continue de servir pendant les années suivantes. Durant la guerre, elle transporte le colonel sur les sites de bombardements. Elle est également présente lors de la Libération : au défilé du 26 août 1944 devant l’état-major, puis le 11 novembre 1944 sur les Champs-Élysées, arborant fièrement à l’avant la croix de Lorraine et les drapeaux des nations victorieuses.
Devenu obsolète, le véhicule est probablement vendu en 1958. Le centre de secours communal de La Charité-sur-Loire (Nièvre) l’achète et l’utilise comme véhicule de liaison, avant de la revendre en 1973.
Le jeu de piste. Par la suite, le véhicule disparaît, mais son souvenir demeure, d’autant que Peugeot avait produit un second exemplaire similaire, lui aussi porté disparu en Afrique. La 402 acquiert alors un statut mythique auprès des collectionneurs de véhicules anciens, en particulier des passionnés de la marque.
Vers 2020, le responsable de la remise du musée apprend, de manière confidentielle, que la voiture existe toujours et qu’un collectionneur anonyme en serait propriétaire. La prudence est de mise : plusieurs acheteurs convoitent l’automobile. Les investigations débutent, mais les fausses pistes se multiplient. Certains se taisent, d’autres parlent à tort. En 2022, une source indique que le véhicule serait en Haute-Savoie, chez un collectionneur spécialisé dans les Peugeot 402.
Les premières tentatives de contact échouent. Finalement, en mai 2023, le général Dupré La Tour, commandant la Brigade, adresse une lettre au maire de Rumilly (Haute-Savoie), sollicitant son aide pour entrer en contact avec un de ses administrés supposé détenir le véhicule. Le maire confie l’affaire à son adjoint, également officier au SDIS 74, qui perçoit aussitôt l’importance du dossier. C’est le déclic ! Grâce à l’intervention de cet adjoint, une mission est organisée à l’automne 2023. Le véhicule est identifié formellement grâce au numéro de châssis conservé dans les archives de la Brigade. Le collectionneur, bien que sollicité par d’autres acheteurs et conscient de la valeur de cette pièce unique, reste d’abord évasif sur la possibilité d’un don.
Puis, plus rien. Le silence s’installe jusqu’à l’automne 2024, où la nouvelle tombe : le collectionneur accepte finalement de faire don de la 402 au musée de la Brigade. Il faudra encore quelques mois pour résoudre les questions administratives et logistiques. L’association des Amis du musée des sapeurs-pompiers de Paris (AAMSPP) en devient officiellement propriétaire. Le 19 mai 2025, une équipe de la Brigade se rend à Rumilly pour récupérer la 402. Elle stationne désormais sur le site de la Compagnie de maintenance et d’appui (CMAI /BSPP) au camp de Voluceau.
Le véhicule est en mauvais état. Si l’on ignorait les nombreuses tentatives, parfois à prix élevé, faites pour l’acquérir, on pourrait le considérer pour une épave. Mais sa restauration est possible. Un appel au mécénat sera prochainement lancé à cette fin.