ARRÊT CARDIAQUE (1) — Chaque minute compte !

La rédac­tion Allo18 —  — Modi­fiée le 4 avril 2024 à 02 h 14 

Grands formats — Quatre articles en une semaine pour ce Grand Format consacré à la prise en charge de l’arrêt cardiaque. Un enjeu médical majeur de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris.

La sur­vie des patients pré­sen­tant une détresse vitale est for­te­ment liée à la qua­li­té de prise en charge pré­hos­pi­ta­lière, notam­ment en cas d’arrêt car­diaque. Lorsque chaque seconde compte, l’efficacité de notre « chaîne des secours » est condi­tion­née par la robus­tesse de cha­cun de ses maillons et par la flui­di­té de leurs interactions.

Dans le cadre d’une démarche glo­bale visant à amé­lio­rer encore et par tous les moyens la sur­vie des patients les plus graves, un groupe de tra­vail spé­ci­fique réunit l’ensemble des divi­sions et grou­pe­ments de la BSPP.

L’objectif à court terme est de mesu­rer avec pré­ci­sion l’efficience de nos réponses, d’identifier des leviers d’amélioration et d’évaluer en conti­nu les effets obte­nus par les mesures prises. Pour le moyen terme, les tra­vaux de doc­trine, d’innovation et de recherche scien­ti­fique orientent nos déci­sions pour construire la Bri­gade de demain. L’objectif à court terme est de mesu­rer avec pré­ci­sion l’efficience de nos réponses, d’identifier des leviers d’amélioration et d’évaluer en conti­nu les effets obte­nus par les mesures prises. Pour le moyen terme, les tra­vaux de doc­trine, d’innovation et de recherche scien­ti­fique orientent nos déci­sions pour construire la Bri­gade de demain.

Qu’ils soient témoins d’une situa­tion d’urgence, déclen­chés comme citoyens sau­ve­teurs, opé­ra­teurs d’un centre de trai­te­ment des appels, secou­ristes, chefs d’agrès, per­son­nels de san­té, tech­ni­ciens, for­ma­teurs, ingé­nieurs ou encore cher­cheurs, les lec­teurs d’Allo 18 se savent tous concer­nés par le sujet.

Que ce dos­sier soit l’occasion de tous les remer­cier. Enthou­siasme, pro­fes­sion­na­lisme, dévoue­ment, ingé­nio­si­té et com­ba­ti­vi­té sont les clés pour gagner encore quelques minutes et au final quelques « vies sau­vées » supplémentaires.

texte : Médecin chef des services Stéphane Travers

La chaine de survie

La sur­vie d’un patient en arrêt car­diaque dépend d’une « chaine de sur­vie » dont chaque maillon fait l’objet d’une atten­tion toute par­ti­cu­lière au sein de la BSPP. En effet, chaque minute gagnée aug­mente de 10 % les chances de survie.

Paul Dar­del, bon samaritain !

Paul Dar­del est le pré­sident de l’association des Bons Sama­ri­tains. Un réseau de secou­ristes volon­taires géo­lo­ca­li­sés qui sont mobi­li­sés via l’application Staying Alive pour por­ter secours sur un arrêt car­dio-res­pi­ra­toire qui se déroule à proximité.

En quelle année ont été créés les Bons Sama­ri­tains ?
Démar­rage de l’expérimentation avec les pom­piers de Paris, jan­vier 2016. Donc, ça veut dire que nous avons com­men­cé à y tra­vailler en 2014, pour avoir un pro­duit qu’on pen­sait fini à la fin 2015, mais qui ne l’était pas. Expé­ri­men­ta­tion, grâce au méde­cin-chef Sté­phane Tra­vers, avec les pom­piers de Paris à par­tir de jan­vier 2016.

Com­ment vous est venue l’idée ?
En fait, il faut remon­ter à l’application Staying Alive qui a été lan­cée en 2011 avec comme voca­tion d’aider à la car­to­gra­phie et au recen­se­ment des défi­bril­la­teurs. Un véri­table suc­cès et au bout de quelques années, nous nous sommes ren­du compte qu’on avait atteint un mil­lion de télé­char­ge­ments de Staying Alive. C’était énorme et, en paral­lèle, on savait que les défi­bril­la­teurs qui com­men­çaient à être ins­tal­lés dans les lieux publics depuis 2007 étaient peu ou pas uti­li­sés. On s’est donc dit que dans toute cette com­mu­nau­té qui avait télé­char­gé l’application, les gens étaient for­cé­ment concer­nés par le secours. En paral­lèle, nous avions obser­vé une expé­rience suisse, dans le Tes­sin, basée sur le même prin­cipe de mobi­li­ser les citoyens et les forces de l’ordre.

Quelles ont été les amé­lio­ra­tions depuis ?
Il y en a beau­coup. Même si l’on a l’impression que rien n’a chan­gé, en fait tout a chan­gé. Entre notre pre­mière ver­sion et aujourd’hui, l’application a été en évo­lu­tion per­ma­nente et réécrite de fond en comble tous les quatre ou cinq ans. Nous allons d’ailleurs, à l’heure où paraî­tra ce maga­zine, lan­cer une toute nou­velle appli­ca­tion. En ce qui concerne le défi­bril­la­teur, la fiche sera dotée de pho­tos, d’horaires d’ouverture et du numé­ro de télé­phone de la per­sonne à contac­ter. Nous allons éga­le­ment pou­voir trai­ter toutes les remon­tées de pro­blèmes, faites par les uti­li­sa­teurs de l’application.
Dans les débuts de l’application, seuls les membres for­més pou­vaient deve­nir de Bons Sama­ri­tains, mais après quelques années d’expérience avec cer­tains SDIS, nous avons ouvert à tout le monde. Dans cette nou­velle ver­sion, nous serons capables de dis­pat­cher les uti­li­sa­teurs en fonc­tion de leur niveau d’expérience et de diplôme de secou­risme pour leur attri­buer une tâche cohé­rente. Nous conti­nuons de diri­ger les per­sonnes for­mées vers les mas­sages car­diaques externes, et nous envoyons les autres vers les défi­bril­la­teurs. Par ailleurs, l’interface de l’application a été entiè­re­ment repen­sée pour être plus effi­cace et plus personnalisable.

Com­bien, y a‑t-il de Bons sama­ri­tains sur le sec­teur Bri­gade ?
Entre 2021 et 2023, le nombre d’inscrits a aug­men­té de 66 % pour atteindre 300 000 Bons Sama­ri­tains. Sur le sec­teur Bri­gade, nous dénom­brons 23 000 citoyens sau­ve­teurs. 5 500 ont répon­du à 8 676 alertes depuis 2018.

Quel est le pro­fil type ?
En numé­ro un, les secou­ristes. Avec une grosse pro­por­tion de secou­ristes sau­ve­teurs du tra­vail, ain­si que des gens for­més au PSC1 et aux gestes qui sauvent. Cela nous rend opti­miste, car ce ne sont pas des pro­fes­sion­nels du secours. Viennent ensuite les sapeurs-pom­piers SPP/​SPV. Puis en der­nier, les pro­fes­sion­nels de san­té avec une pré­do­mi­nance pour les infir­miers et les infirmières.

Quels sont les axes de déve­lop­pe­ment ?
Il y en a plu­sieurs. Sur le plan tech­nique, nous avons repen­sé entiè­re­ment l’application pour iPhone et Android. L’évolution notable tient dans le fait que nous allons deman­der aux gens qui ne sont pas des Bons Sama­ri­tains, mais qui ajoutent des défi­bril­la­teurs ou qui confirment le posi­tion­ne­ment des défi­bril­la­teurs, de deve­nir ce qu’on appelle des contri­bu­teurs. Car aujourd’hui, nous ne les connais­sons pas. Ils télé­chargent l’application, ils s’en servent sans que nous sachions qui ils sont. Aujourd’hui, nous allons leur deman­der de s’inscrire avec un email, ce sera pour nous une façon de faire gros­sir la com­mu­nau­té vers une popu­la­tion plus faci­le­ment acces­sible. Mais le grand chan­ge­ment va inter­ve­nir au niveau du nom. La fonc­tion « Bon Sama­ri­tain » va dis­pa­raître pour deve­nir « Citoyen sau­ve­teur ». Donc, nous par­le­rons désor­mais de la com­mu­nau­té Staying Alive, de l’application Staying Alive, de la marque Staying Alive. Une seule ban­nière pour mieux communiquer.

D’autres débou­chés ?
Oui, nous sommes inté­grés à NEXSIS (futur sys­tème d’information et de com­man­de­ment uni­fié des ser­vices d’incendie et de secours) ce qui va trans­for­mer notre appli­ca­tion en auto­ma­tisme. Aujourd’hui encore, à la Bri­gade notam­ment, lorsque l’opérateur décroche sur un arrêt car­diaque, il pré­vient le chef de table qui déclenche le Bon Sama­ri­tain. Dans les cas où il y a une affluence au centre opé­ra­tion­nel, on peut perdre jusqu’à trois minutes au déclen­che­ment. Avec NEXSIS, ce sera sys­té­ma­tique et on ne per­dra pas de temps. Une avan­cée tech­nique inté­res­sante lorsque l’on sait qu’en 2023, nous avons comp­ta­bi­li­sé quelque 20 000 inter­ven­tions. Cela repré­sente, aux heures extrêmes, un déclen­che­ment toutes les vingt minutes. Nous devrions, à moyen terme, élar­gir notre domaine d’intervention au-delà de l’arrêt car­diaque. En effet, il est par­fois dif­fi­cile pour le public qui découvre une vic­time de savoir s’il s’agit d’une perte de connais­sance ou d’un ACR. Nous devrions bien­tôt pal­lier cette difficulté.

Par ailleurs, quelles sont les dif­fi­cul­tés que vous ren­con­trez actuel­le­ment ?
Le manque de moyens. Il faut rap­pe­ler que nous sommes une petite équipe. À l’heure où l’on se parle, il n’y a que quatre sala­riés et un sta­giaire. Nous avons des bud­gets de fonc­tion­ne­ment qui sont bien infé­rieurs à ce que l’on pour­rait espé­rer pour être encore plus effi­caces. L’intégration à NEXSIS demande énor­mé­ment de tra­vail pour répondre aus­si aux sol­li­ci­ta­tions tech­niques. Là encore, le manque de moyens se fait sen­tir. Autre­ment, nous avons aus­si un sou­ci pour com­mu­ni­quer effi­ca­ce­ment. Cela peut paraître sur­pre­nant, mais notre com­mu­ni­ca­tion est assez redon­dante.
Il faut néan­moins pou­voir faire gros­sir la com­mu­nau­té et pour cela, il nous fau­drait être plus pré­sents dans les médias, ce qui n’est pas chose facile.

Pro­pos recueillis par Har­ry Couvin

Illustrations et photos SCH Nicholas Bady


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