ARRÊT CARDIAQUE (4) — Transporter les plus graves victimes

 — Modi­fiée le 18 avril 2024 à 03 h 59 

Grands formats — Les ambulances de réanimation, comme les VSAV et le matériel qu’elles transportent ne cesse de s’améliorer et d’innover pour la prise en charge des victimes. Un plus dans le traitement de l’arrêt cardio-respiratoire.

On les entend arri­ver de loin, puis on les voit se fau­fi­ler jusqu’à dis­pa­raître dans l’agitation du tra­fic pari­sien. Comme les autres engins de la Bri­gade, les Ambu­lances de réani­ma­tion (AR) se rendent sur inter­ven­tion par les voies les plus rapides et les plus sûres. Cepen­dant, leur objec­tif est de taille : elles repré­sentent l’ultime moyen de secours pour sau­ver des vies ! Actrices essen­tielles de la chaîne de secours, les ambu­lances de réani­ma­tion assurent une assis­tance médi­cale de pre­mier ordre. Équi­pées de tech­no­lo­gies de pointe et de maté­riel médi­cal moderne, elles sont prêtes à inter­ve­nir en tout temps et en tout lieu sur de nom­breuses situations.

Un concept né à la BSPP. La Bri­gade est nova­trice dans ce domaine. La pre­mière AR appa­raît en 1967 à Port-Royal ! Cette nou­veau­té est le fruit de réflexions débu­tées dès le pre­mier conflit mon­dial (voir notre rubrique his­toire page 68) avec pour objec­tif d’apporter à chaque bles­sé une réani­ma­tion opti­male dès le lieu de l’accident. Issu des ensei­gne­ments de la méde­cine mili­taire, le déve­lop­pe­ment de la médi­ca­li­sa­tion pré­hos­pi­ta­lière doit ensuite beau­coup à l’un des anciens méde­cins-chefs de la Bri­gade : le géné­ral René Noto. Pré­cur­seur de la méde­cine d’urgence et de la méde­cine de catas­trophe en milieu urbain, il est incor­po­ré à la Bri­gade le 1er avril 1966 et reçoit du colo­nel Robert la mis­sion de for­mer à la méde­cine d’urgence les méde­cins de la BSPP. Deve­nu méde­cin-chef, le doc­teur Noto met en œuvre ses com­pé­tences et trans­pose les tech­niques hos­pi­ta­lières aux condi­tions d’interventions. Les AR de la BSPP révo­lu­tionnent ain­si la prise en charge pré­hos­pi­ta­lière des vic­times les plus graves. S’apparentant à un hôpi­tal mobile, elles prennent en charge médi­ca­le­ment un patient depuis les lieux de l’intervention puis pen­dant son trans­port. à cette époque, la concep­tion de l’engin a constam­ment évo­lué afin de s’adapter aux évo­lu­tions et aux exi­gences de la réani­ma­tion préhospitalière.

Une sol­li­ci­ta­tion à toute épreuve. Aujourd’hui, la Bri­gade pos­sède près de dix ambu­lances de réani­ma­tion opé­ra­tion­nelles 24h/​24, répar­ties dans chaque grou­pe­ment, en intra et en extra-muros. Leur répar­ti­tion géo­gra­phique est opti­mi­sée pour inter­ve­nir sur l’ensemble du sec­teur BSPP le plus effi­ca­ce­ment pos­sible. Cepen­dant, leur sol­li­ci­ta­tion est impor­tante. Avec envi­ron 10 000 inter­ven­tions annuelles, les ambu­lances de réani­ma­tion trans­portent leurs patients dans tous les hôpi­taux de la région pari­sienne. Cette rai­son incite le com­man­de­ment à suivre de près le parc engin. « Ces véhi­cules décalent beau­coup, leur usure est impor­tante » explique le capo­ral-chef Nico­las Gui­raud, conduc­teur à l’AR Courbevoie.

Nou­velle géné­ra­tion. Trois tonnes, six mètres de long et d’une hau­teur de deux mètres 70 avec le gyro­phare : il faut déte­nir le per­mis poids lourd pour conduire cet engin. « Côté moto­ri­sa­tion, on a évo­lué en gamme, la méca­nique est plus puis­sante et n’est pas bri­dée. Les phares stro­bo­sco­piques faci­litent l’accès auprès du patient puis son éva­cua­tion rapide » pour­suit le capo­ral-chef Nico­las Gui­raud. Ces nou­veau­tés offrent un confort de conduite et une sécu­ri­té indis­pen­sables à l’équipage comme aux vic­times. L’ergonomie aus­si a chan­gé. L’habitacle per­met au conduc­teur d’avoir une plus large visi­bi­li­té de la route. La séri­gra­phie a évo­lué, son mar­quage est plus visible qu’autrefois et amé­liore la sécu­ri­té. La cel­lule sani­taire est équi­pée de nom­breux ran­ge­ments : tiroirs, pla­cards et sangles per­mettent à l’engin d’embarquer de très nom­breux maté­riels, tout en pas­sant l’inévitable crash test ! « à l’intérieur, c’est propre, bien ordon­né. Il y a plein de ran­ge­ments ingé­nieux, c’est très pra­tique et cela nous faci­lite gran­de­ment le tra­vail, notam­ment dans l’urgence ! », détaille le ser­gent Audrey Renaud, infir­mière à l’antenne médi­cale de Courbevoie.

Maté­riel de pointe. Une ambu­lance de réani­ma­tion est com­par­ti­men­tée en deux zones : l’habitacle et la cel­lule sani­taire. L’habitacle est le lieu où l’équipe se poste pour aller en inter­ven­tion. On y retrouve des moyens de sécu­ri­té, les équi­pe­ments de trans­mis­sion et un pan­neau de ges­tion pour contrô­ler les élé­ments élec­triques de l’engin. La cel­lule sani­taire est la par­tie du véhi­cule où le patient est pris en charge médi­ca­le­ment jusqu’à son trans­fert vers les struc­tures hos­pi­ta­lières spé­cia­li­sées. On y retrouve dif­fé­rents types de maté­riels spé­ci­fiques aux AR : res­pi­ra­teur, pousse-seringues, maté­riel d’intubation, planche à mas­ser, écho­graphe, maté­riel de bio­lo­gie embar­quée et tant d’autres consom­mables de pre­mière néces­si­té. Il existe éga­le­ment le Med­pack1 per­met­tant d’amener au plus proche du patient le maté­riel le plus uti­li­sé. « On a réduit le poids du sac, puis on a chan­gé nos habi­tudes. La majo­ri­té des infir­miers l’apprécie car on tra­vaille en res­pec­tant au maxi­mum les pro­to­coles d’hygiène », argu­mente le capo­ral-chef Nico­las Guiraud.

Les capa­ci­tés de ce vec­teur ont ain­si per­mis d’amener au che­vet des patients une offre de soins de haute tech­ni­ci­té per­met­tant d’améliorer encore et encore la prise en charge et la sur­vie des patients les plus graves.

La pro­chaine évo­lu­tion sera peut-être la pos­si­bi­li­té d’emporter du sang à bord des ambu­lances de réani­ma­tion. Ce pro­jet fait l’objet de nom­breux tra­vaux menés par la divi­sion san­té de la BSPP2. L’intérêt semble réel et les pers­pec­tives médi­cales enthousiasmantes.

L’histoire de ces AR et du BMU sera mis à l’honneur dans « Les Méde­cins du Feu » chez Albin Michel, à paraître pour fin octobre 2024

1 : Prix concours Lépine en 2018 récom­pen­sant l’ADC Samuel Mer­cier, de la BSPP.
2 : Etudes PLYO (Jost D et al. Pre­hos­pi­tal Lyo­phi­li­zed Plas­ma Trans­fu­sion for Trau­ma-Indu­ced Coa­gu­lo­pa­thy in Patients at Risk for Hemor­rha­gic Shock : A Ran­do­mi­zed Cli­ni­cal Trial. JAMA Netw Open 2022) et Fai­sang (Daniel Y et al. Mobile blood depots in ground ambu­lances in com­pliance with French legis­la­tion : A fea­si­bi­li­ty stu­dy. Trans­fu­sion 2023) notamment.

texte Caporal-chef François-Julien Leonetti — photographies Sapeur de première classe Urvan Carbonnier

Dans les AR et les VSAV…

CMED MENI

Etude sur la valve d’impédance tho­ra­cique « ResQ­POD ». L’évolution des tech­niques et des outils en dota­tion dans les VSAV joue un rôle cru­cial dans l’amélioration des taux de sur­vie des arrêts car­diaques. Par­mi ces inno­va­tions, la valve d’impédance tho­ra­cique « ResQ­POD » a per­mis ces der­nières années une avan­cée dans l’efficacité hémo­dy­na­mique du mas­sage car­diaque externe. En amé­lio­rant la pres­sion néga­tive dans le tho­rax durant les décom­pres­sions tho­ra­ciques, ce dis­po­si­tif faci­lite le retour vei­neux au cœur, et aug­mente ain­si l’efficacité des com­pres­sions sui­vantes. Ce méca­nisme, simple mais ingé­nieux, amé­liore le flux san­guin géné­ré au cours du mas­sage. L’adoption géné­ra­li­sée de ce dis­po­si­tif reste cepen­dant un défi notam­ment en termes de for­ma­tion et de coût d’utilisation. Les recherches futures doivent éva­luer l’impact à long terme de son uti­li­sa­tion sur dif­fé­rentes popu­la­tions de patients, afin de peau­fi­ner les pro­to­coles de réani­ma­tion pour des résul­tats encore meilleurs.

Le défi de la ven­ti­la­tion manuelle. La ven­ti­la­tion au masque facial est essen­tielle mais reste une tech­nique dif­fi­cile à opti­mi­ser en l’absence de contrôle des para­mètres ven­ti­la­toires. Depuis 2020, un dis­po­si­tif « EOLIFE » est capable de mesu­rer les para­mètres ven­ti­la­toires lors d’une ven­ti­la­tion au masque facial et de les res­ti­tuer en temps réel à l’équipe secou­riste. En 2022, la sec­tion scien­ti­fique a mené une étude dont le but était d’évaluer la qua­li­té et l’efficacité des manœuvres ven­ti­la­toires pra­ti­quées par les équipes secou­ristes de la BSPP. L’étude visait éga­le­ment à iden­ti­fier les para­mètres qui influencent la qua­li­té des ces insuf­fla­tions et à pro­po­ser des alter­na­tives per­met­tant d’améliorer cette qua­li­té. Les résul­tats de cette étude sont atten­dus au prin­temps 2024.

Le défi d’une défi­bril­la­tion réus­sie. La réci­dive de la fibril­la­tion ven­tri­cu­laire après un pre­mier choc élec­trique externe est fré­quente et concerne plus de 50 % des patients ini­tia­le­ment cho­qués. En 2021, la sec­tion scien­ti­fique a mon­té un pro­to­cole d’étude visant à rac­cour­cir les cycles de RCP entre deux ana­lyses, pas­sant ain­si de deux à une minute. Par ailleurs, les défi­bril­la­teurs de la BSPP savent désor­mais ana­ly­ser le rythme car­diaque sans qu’il soit néces­saire d’interrompre le mas­sage car­diaque. La consé­quence atten­due est une dimi­nu­tion du délai pour récu­pé­rer un pouls pal­pable, et pos­si­ble­ment un gain de survie.

texte Médecin-chef Daniel Jost — photographies Caporal-chef Marc Loukachine

À LIRE AUSSI…

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ARRÊT CARDIAQUE (2) — Mas­sage téléphonique
ARRÊT CARDIAQUE (3) — Algo­rithmes, intel­li­gence arti­fi­cielle et autres start-ups

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