MÉCANISME EUROPÉEN DE PROTECTION CIVILE — Solidarité sans frontières

Perspectives — Avec plus de 330 demandes d’assistance en 19 ans, la nécessité d’un déploiement à l’échelle européenne d’un mécanisme de protection civile n’est plus à prouver. La BSPP participe régulièrement aux modules de secours de cette organisation. Le contexte actuel de crise humanitaire mondiale, liée au nouveau coronavirus, impose plus encore l’entraide interétatique comme un maillon essentiel dans nos chaines de secours.

CNE Flo­rian Loin­tier —  — Modi­fiée le 29 avril 2021 à 10 h 53 

QU’EST-CE QUE LE MEPC ?

Créé en 2001, le méca­nisme euro­péen de pro­tec­tion civile (MEPC) asso­cie 34 pays de l’Union Euro­péenne (UE) et limitrophes.

Basé auprès de la com­mis­sion euro­péenne (Bruxelles), ce méca­nisme est opé­ra­tif 24/​24. De l’envoi d’experts à l’assistance en maté­riels et per­son­nels, les pays par­ti­ci­pants contri­buent, selon leurs res­sources et leur bonne volon­té, à la demande en matière de pro­tec­tion civile d’un pays ou d’un ter­ri­toire frap­pé par une catas­trophe. Cette réponse rapide, dans un contexte où les catas­trophes ne connaissent pas de fron­tière, peut être envi­sa­gée au béné­fice de n’importe quel pays dans le monde.

Par le col­lec­tif (capa­ci­tés et com­pé­tences), ce méca­nisme se veut être un outil plus fort et plus cohé­rent, au ser­vice d’une rési­lience indis­pen­sable à nos socié­tés. D’autant qu’il pré­voit un volet pré­ven­tif impor­tant afin d’anticiper et d’être prêt face à des évè­ne­ments peu prévisibles.

QUEL RÔLE JOUE LA BSPP DANS LE MEPC ?

Trois leviers per­mettent aux états membres de contri­buer au méca­nisme euro­péen. Si l’aide huma­ni­taire (rele­vant du minis­tère de l’Europe et des Affaires étran­gères) ne concerne pas la BSPP, les deux autres sont une pleine com­pé­tence. Les modules de secours recouvrent notam­ment les aides en maté­riels et en per­son­nels sur une zone de catas­trophe. Les experts sont quant à eux pro­je­tés prin­ci­pa­le­ment en qua­li­té de coor­di­na­teurs opé­ra­tion­nels ou de logis­ti­ciens. Der­niè­re­ment, la Bri­gade a par­ti­ci­pé à plu­sieurs mis­sions et dans des contextes bien différents.

En jan­vier der­nier, une mis­sion de pro­tec­tion consu­laire, à Wuhan (Chine) a per­mis notam­ment de rapa­trier des res­sor­tis­sants de 30 pays, dont la France, de cette zone deve­nue le cœur de l’épidémie de Covid-19. Janez Lenar­cic, com­mis­saire char­gé de la ges­tion de crises, décla­rait à ce titre : « L’Union Euro­péenne n’oublie pas ses conci­toyens dans le besoin, où qu’ils se trouvent dans le monde ». 

En 2019, deux experts de la BSPP (CBA Raphaël Le Gall et CNE Laurent Onillon) ont été envoyés dans deux modules dif­fé­rents sur une mis­sion d’expertise feux de forêts en Boli­vie, afin de coor­don­ner les envois de maté­riels et per­son­nels. Plus tôt en 2017, une mis­sion d’expertise a été exé­cu­tée à la Domi­nique suite à l’ouragan Irma (voir enca­dré ci-contre). Mais pour inté­grer ce méca­nisme euro­péen, l’unité doit au préa­lable satis­faire à des cri­tères de qua­li­té, et ain­si être « cer­ti­fiée ». Un pro­ces­sus qui per­met de garan­tir un niveau éle­vé de qua­li­té et une inter­opé­ra­bi­li­té effi­cace. C’est à ce titre que la BSPP par­ti­cipe régu­liè­re­ment à des stages de niveau euro­péen et des exer­cices d’envergure. Les trois prin­ci­paux stages sont : 

MBC (modules basic course) qui est un module de base per­met­tant notam­ment de par­ti­ci­per aux exer­cices de niveau européen.

CMI (civil mecha­nism intro­duc­tion) qui est un préa­lable néces­saire mais ne per­met pas d’être pro­je­table à court terme.

OPM (ope­ra­tio­nal mana­ge­ment course) qui attri­bue la qua­li­fi­ca­tion géné­rique opé­ra­tion­nelle et qui per­met de réa­li­ser des mis­sions d’expertise.

D’autres modules, facul­ta­tifs, per­mettent de mon­ter en com­pé­tence et de se spé­cia­li­ser dans un domaine (négo­cia­tion, éva­lua­tion, sécu­ri­té). Et même de deve­nir, comme le LCL Raphaël Roche, actuel chef de corps du grou­pe­ment des appuis et de secours (GAS), un « team lea­der » capable de prendre la direc­tion d’une mission.

Les échanges, le drill1 et le par­tage des expé­riences res­tent seuls gages de per­for­mance dans la ges­tion de crises. Et la BSPP sait être proac­tive dans ce domaine puisqu’elle a orga­ni­sé, sur son sec­teur de com­pé­tence, un exer­cice d’envergure bap­ti­sé Sequa­na, en 2016, sur le thème de la « crue cen­ten­nale » en Île-de-France ; évè­ne­ment pré­vi­sible, redou­té et trans­po­sable dans de nom­breux pays. 

La com­mu­ni­ca­tion est éga­le­ment un élé­ment à prendre en consi­dé­ra­tion : par­ler le même lan­gage (celui du monde de la sécu­ri­té civile) et sou­vent aus­si la même langue sont impé­ra­tifs. « Toutes les for­ma­tions sont en anglais. Un test de langue est pré­vu à chaque niveau de for­ma­tion. Et sur le ter­rain, “it’s the same” », sou­ligne le CBA Emma­nuel Bei­gnon, l’un des pre­miers experts for­més de la BSPP. C’est à ce titre que les sau­ve­teurs seront com­pa­tibles, com­plé­men­taires, inter­chan­geables et au final, plei­ne­ment opératifs.

LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION CIVILE AU SEIN DE L’UE

En mars 2019, une nou­velle légis­la­tion est venue ren­for­cer ce méca­nisme euro­péen de pro­tec­tion civile. Dénom­mée rescEU, ce nou­vel élé­ment per­met de consti­tuer une réserve sup­plé­men­taire et réac­tive, en appui du dis­po­si­tif actuel. Au-delà, ce sys­tème accen­tue la coopé­ra­tion entre les pays membres dans les domaines de la for­ma­tion et du par­tage d’expériences.

Com­po­sé en pre­mier lieu d’avions et d’hélicoptères bom­bar­diers d’eau, d’autres moyens seront alloués à ce sys­tème au fil du temps. Et on pense par­ti­cu­liè­re­ment dans le contexte actuel aux moyens néces­saires pour faire face à des urgences médi­cales : éva­cua­tion sani­taire ou encore la mise en place d’un hôpi­tal de campagne.

Mais le plus élo­quent reste l’augmentation du bud­get consa­cré au MEPC de l’ordre de 200 %. Il est ain­si por­té pour 2020 à plus de 1,4 Mds d’euros. Le réchauf­fe­ment cli­ma­tique et les catas­trophes qui irré­mé­dia­ble­ment devraient aug­men­ter et s’intensifier semblent être la cause de cette rééva­lua­tion. Une péren­ni­té du méca­nisme en défi­ni­tive bien funeste…

1 : Entraî­ne­ment qui per­met de rendre les per­sonnes entraî­nées aptes à exé­cu­ter leur mission.

RETOUR SUR LA MISSION OURAGAN IRMA

Par­ler d’une mis­sion à l’étranger, c’est « se remettre à chaque fois en ques­tion », nous raconte le CBA Bei­gnon. Il faut « étu­dier le pays dans lequel on part, reprendre ses manuels et remettre à jour régu­liè­re­ment ses connaissances ». 

Pré-aler­té le 26 sep­tembre 2017 par un « brief » d’un peu moins de deux heures, il part dans la nuit pour la Domi­nique, en qua­li­té d’expert coor­di­na­tion opé­ra­tion­nelle. En groupe d’experts ? Pas tout à fait puisqu’il arrive le pre­mier sur un ter­ri­toire dévas­té par un oura­gan de caté­go­rie 5.

Après avoir pris contact avec le gou­ver­ne­ment local, ses pre­mières mesures consistent à trou­ver une zone logis­tique pour l’ensemble des experts et consti­tuer un embryon de centre opé­ra­tion­nel. Un stade de cri­cket, où un corps de Marines amé­ri­cains a élu domi­cile pour ses héli­co­ptères, appa­raît comme le lieu idoine. Outre la pro­tec­tion des mili­taires en zone chao­tique, une connexion inter­net et de petites salles per­mettent un confort plus qu’acceptable.

Le man­dat est celui d’assurer la liai­son entre l’Union Euro­péenne et le gou­ver­ne­ment local et ain­si, de pro­po­ser une aide pré­cieuse. Mais sur place, notre expert est loin d’être seul. De nom­breuses orga­ni­sa­tions, gou­ver­ne­men­tales ou non, sont éga­le­ment pré­sentes. « On peut tra­vailler avec eux ou bien res­ter de son côté, explique le com­man­dant. Nous, on a choi­si de coor­don­ner nos forces avec l’ONU, par l’intermédiaire de l’UNDAC (éva­lua­tion et coor­di­na­tion des Nations Unies en cas de catas­trophe) ». Par­cou­rant entre 20 et 30 km par jour, « l’expérience humaine et pro­fes­sion­nelle » per­met d’avancer avec une pas­sion com­mune entre les dif­fé­rents acteurs. « Des petites vic­toires, on en a plein tous les jours », avance le com­man­dant non sans une cer­taine émo­tion. Avant de pour­suivre : « Notre plus beau “coup” aura été la livrai­son d’un mil­lion de bou­teilles d’eau par l’intermédiaire du gou­ver­ne­ment hollandais ».

À la BSPP, une quin­zaine d’experts est for­mée et pro­je­table sans délai. C’est peu et pour­tant ces experts sont très régu­liè­re­ment déta­chés en mis­sion. « Notre dis­po­ni­bi­li­té, notre rigueur et notre culte de la mis­sion font que l’on s’intègre par­fai­te­ment au sein des groupes for­més par le centre de coor­di­na­tion de la réac­tion d’urgence (ERCC) », ana­lyse le CBA Bei­gnon. Certes, la tenue UE ne res­semble pas beau­coup à celle de la Bri­gade. Mais la mili­ta­ri­té, elle, ne peut être tra­hie quand nos experts sont à l’œuvre…

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