ROUGE MÉCANIQUE — Le BEA de 42 mètres

Nicho­las Bady —  — Modi­fiée le 8 décembre 2023 à 08 h 18 

#BrigadeInside — Il était attendu avec impatience et une pointe d’appréhension, à cause de ses dimensions. Le BEA 42 mètres est arrivé le 1er février 2022 à Masséna. Attachez vos ceintures et montez à bord de cet engin d’exception !

à Mas­sé­na, le ron­fleur sonne sui­vi de trois son­ne­ries courtes. Il n’y a aucun doute, le BEA 42 mètres décale. Son démar­rage bru­tal fait éjec­ter auto­ma­ti­que­ment la prise à laquelle il était bran­ché dans la remise. L’engin Sca­nia de 410 che­vaux ne passe pas inaper­çu dans les rues de Paris : 10,50 mètres de long, 2,55 mètres de large et 3,8 mètres de haut. Les autres BEA n’ont que deux essieux, lui en a trois… dont deux direc­tion­nels. L’engin au bras de 42 mètres a ain­si un rayon de bra­quage de 9,7 mètres. Pra­tique dans cer­taines rues étroites de la capitale !

À l’épreuve du feu. Le BEA est équi­pé pour com­battre les incen­dies. Il pos­sède deux rac­cords de 110 mil­li­mètres et une colonne sèche de 80 mil­li­mètres, per­met­tant ain­si un meilleur débit. La lance canon du BEA 42 mètres est télé­com­man­dée et pro­jette 4 700 litres d’eau par minute. Une lance de 500 litres d’eau par minute est à la dis­po­si­tion des pom­piers dans la nacelle. Sa vanne élec­tro­nique se met en sécu­ri­té en se fer­mant de trois quart lorsque les 15 bars sont dépas­sés. « À Mas­sé­na, nous fai­sons par­tie des com­pa­gnies test pour le nou­veau sys­tème à bat­te­rie élec­trique HR liber­vit, explique le ser­gent-chef Pierre Lévêque, réfé­rent du BEA à la deuxième com­pa­gnie. Ce dis­po­si­tif d’ouvre-porte hydrau­lique est en dota­tion dans le BEA 42 mètres. » Un ven­ti­la­teur maître, un ven­ti­la­teur auxi­liaire relai et un appa­reil res­pi­ra­toire iso­lant com­plètent l’équipement incen­die de l’engin.
Le micro­pro­ces­seur du BEA 42 mètres est une pièce maî­tresse de l’engin. Grâce à son sys­tème d’ascenseur intel­li­gent, il sim­pli­fie gran­de­ment les sau­ve­tages en hau­teur. « Ima­gi­nez que nous soyons confron­tés à une situa­tion d’urgence au sixième étage d’un immeuble. Il nous suf­fit d’activer le mode ascen­seur et d’abaisser le levier pour que la nacelle à l’extrémité du bras atteigne le sixième étage, en sui­vant la façade avec une grande pré­ci­sion. Mieux encore, pour­suit le sous-offi­cier, lors de mul­tiples sau­ve­tages au même étage, le micro­pro­ces­seur mémo­rise les mou­ve­ments, nous per­met­tant ain­si d’effectuer des sau­ve­tages suc­ces­sifs, et tout cela à une vitesse bien supé­rieure à une inter­ven­tion manuelle. »

L’ÉCLAIRAGE DU BEA 42 METRES PEUT illu­mi­nER LA SURFACE D’UN TERRAIN DE FOOT

Micro­pro­ces­seur de pointe. Enre­gis­trer les mou­ve­ments est une autre prouesse de ce micro­pro­ces­seur. Par exemple, en phase de déblaie­ment sur un incen­die, il apprend le tra­jet opti­mal pour trans­por­ter effi­ca­ce­ment les charges à éva­cuer. De plus, il conserve un his­to­rique com­plet de chaque opé­ra­tion, ce qui faci­lite les retours en arrière pour des actions telles que le pas­sage d’un bran­card par une fenêtre. Enfin, la fonc­tion de levage offre une indi­ca­tion en temps réel de la charge sou­le­vée. Avec une pré­ci­sion au mil­li­mètre près et des fonc­tion­na­li­tés inéga­lées, ce micro­pro­ces­seur confère au BEA 42 mètres un avan­tage indis­cu­table par rap­port à ses homologues.

Les mis­sions du BEA sont variées. D’abord, il se déplace en cas d’incendie à la fois pour effec­tuer des sau­ve­tages mais aus­si pour faire des recon­nais­sances. En effet, il per­met un tour du feu plus effi­cace pour le chef de garde. Peu importe le risque d’explosion ou d’effondrement, le BEA peut s’élever à 42 mètres de hau­teur, sans per­sonne dans la nacelle, grâce à une camé­ra ther­mique et une camé­ra pou­vant être reliée à un écran de sur­veillance situé en bas. Cette der­nière impres­sionne tou­jours par sa pré­ci­sion. Ima­gi­nez pou­voir lire un texte écrit sur une feuille A4 dis­po­sée à 600 mètres de vous. Impos­sible, pen­sez-vous… Pour­tant, la camé­ra du BEA 42 mètres le per­met !
Une autre mis­sion de l’engin est le bran­car­dage d’une vic­time incons­ciente, jusqu’à 250 kilos ; opé­ra­tion qui requiert une pré­ci­sion et une sécu­ri­té maxi­males. Le BEA est fré­quem­ment sol­li­ci­té pour cette tâche car sa concep­tion arti­cu­lée lui per­met de pas­ser au-des­sus d’une barre d’immeuble pour atteindre une fenêtre et dépo­ser le bran­card à l’intérieur. Par cette action, il assure que la vic­time ne soit jamais sus­pen­due dans le vide. Avec cette capa­ci­té, le BEA peut réa­li­ser un bran­car­dage jusqu’au 14e étage, dans sa condi­tion opti­male. Ain­si, le BEA 42 mètres peut effec­tuer des mis­sions de por­tage des vic­times et de grue, sans la pré­sence du Groupe d’intervention en milieu périlleux (GRIMP). Tou­te­fois, le BEA 42 mètres est conçu pour tra­vailler avec le GRIMP. La capa­ci­té de bran­car­dage maxi­male atteint alors une tonne. La nacelle, dis­po­sant d’un cro­chet d’appréhence de pré­cau­tion et d’une potence de rap­pel, per­met au GRIMP de tra­vailler en toute sécurité.

La galerie

Mise en route. Avant sa mise en ser­vice, un tra­vail interne a été fait pour savoir si le BEA 42 mètres était en capa­ci­té de par­tir pour un départ nor­mal (DN) ou s’il devait par­tir uni­que­ment sur demande. Il a même été ques­tion d’un départ accom­pa­gné d’une voi­ture pour lui ouvrir la voie. « Les 15 pre­miers jours, nous avons appré­hen­dé le BEA 42 mètres en rou­lant sur tout le sec­teur pour véri­fier que son enver­gure et ses 27 tonnes passent dans toutes les rues, se remé­more le ser­gent-chef Lévêque. Puis, nous nous sommes ren­dus sur tous les lieux d’intervention des DN des mois pré­cé­dents, pour esti­mer le temps que nous met­tions pour nous pré­sen­ter. » Après cette phase de test, il a été conve­nu de déployer le BEA 42 mètres en pre­mier départ. Pour pré­pa­rer les chefs‑d’agrès et les conduc­teurs à appré­hen­der cet engin, une for­ma­tion infor­ma­tique est dis­pen­sée en plus de la for­ma­tion ini­tiale sur le BEA 32 mètres. Entre jan­vier et sep­tembre 2023, le BEA 42 mètres a déjà déca­lé 338 fois… et a encore une longue route devant lui !

Photos : SCH Nicholas Bady

HISTOIRE D’ENGINS — BEA n°2, un bras de fer

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