TOUR D’INSTRUCTION VALORISÉE — Aux frontières du réel !

 — Modi­fiée le 12 décembre 2021 à 07 h 34 

#BrigadeInside — La tour d’instruction valorisée (TIVAL) de la 15e compagnie permet de simuler une intervention de façon étonnement réaliste… L’investissement de sapeurs-pompiers passionnés par leur métier et quelques astuces ingénieuses, judicieusement associés aux retours d’expériences, font de TIVAL un redoutable outil de préparation opérationnelle. Explications.

À pre­mière vue, la tour d’instruction du centre de secours Cham­pi­gny res­semble à toutes les autres. D’un gris béton déla­vé et entou­rée de gra­viers, ses quelques bal­cons per­mettent sans aucun doute de manœu­vrer des échelles à mains ou le lot de sau­ve­tage et de pro­tec­tion contre les chutes, de faire quelques recon­nais­sances, du secours à vic­time ou une manœuvre incen­die clas­sique et bien connue de tous. Cepen­dant, quelques détails attirent notre atten­tion. La tour pos­sède portes et fenêtres, dont cer­taines ouver­tures semblent modu­lables. Des QR codes fleu­rissent un peu par­tout dans le bâti­ment, qui sent bon la fumée d’incendie… Fina­le­ment, cette tour de manœuvre ne semble pas tout à fait comme les autres. Mais alors, pour­quoi parle-t-on de tour d’instruction valo­ri­sée ? « Parce que nous sommes par­tis de la tour d’instruction exis­tante, indique le capi­taine Valen­tin F., deuxième adjoint à la 15e com­pa­gnie et ins­ti­ga­teur du pro­jet, que nous avons opti­mi­sée en incré­men­tant des modules divers et variés, comme une fausse ins­tal­la­tion de gaz ali­men­tée en air com­pri­mé. » Quant aux cof­frets gaz et élec­tri­ci­té, un ingé­nieux sys­tème d’aimants et de faux mobi­lier urbain per­met d’en modi­fier la loca­li­sa­tion. « Du CT1 au ser­vant en pas­sant par le chef d’équipe, chaque action néces­site de la réflexion de la part de celui qui manœuvre, sou­ligne le capi­taine. Pour bar­rer le gaz ou action­ner un tirer-lâcher, il faut d’abord véri­ta­ble­ment cher­cher son empla­ce­ment ! » For­cer la réflexion est clai­re­ment une des plus-values de cette tour d’instruction. Mais pas seule­ment. Du mobi­lier jus­qu’à l’exutoire, en pas­sant par le grand brû­leur (GB) per­met­tant de simu­ler une fumée chaude, tout l’équipement de la tour est pen­sé pour recréer l’environnement d’une inter­ven­tion au plus proche de la réalité.

RÉALISME ET MODULARITÉ
Ce pro­jet, en déve­lop­pe­ment depuis main­te­nant deux ans, fait écho à une recom­man­da­tion pré­cise : « nous nous ins­cri­vons dans la conti­nui­té de ce que demande le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), affirme le capi­taine F. C’est-à-dire “haus­ser le niveau d’exigence de la pré­pa­ra­tion opé­ra­tion­nelle pour for­ger des hommes capables de com­battre jusque dans les champs les plus durs de la conflic­tua­li­té.” Avec TIVAL, nous entraî­nons nos sapeurs-pom­piers dans les condi­tions les plus proches d’une inter­ven­tion réelle, tout sim­ple­ment afin de les rendre plus effi­caces sur un véri­table incen­die ».

Avec une cage d’escalier, un sous-sol, plu­sieurs étages, des fenêtres, des portes et des bal­cons, la tour se com­pose de volumes réa­listes, exploi­tables dans le cadre de manœuvres, que les pom­piers retrou­ve­ront sur inter­ven­tion. Mais la véri­table force de cet outil de pré­pa­ra­tion opé­ra­tion­nelle, c’est bel et bien la diver­si­té des modules d’entraînement qui la com­posent, sa modu­la­ri­té. Avec son mobi­lier, ses ins­tal­la­tions élec­triques, de gaz, ses bar­reaux sécables, ses car­reaux de fenêtre des­truc­tibles ou encore l’existence d’un exu­toire mul­ti-posi­tions, tout a été pen­sé pour que le sapeur puisse inter­ve­nir sur de mul­tiples scé­na­rios. « Nous vou­lions que les modules soient assez pous­sés pour retrans­crire des scé­na­rios déjà vus et vécus sur le ter­rain, pré­cise le capi­taine F.. Les idées de modules viennent d’ailleurs, pour la plu­part, des ensei­gne­ments des RETEX, notam­ment ceux du bureau pla­ni­fi­ca­tion opé­ra­tion­nelle (BPO), qui consti­tuent une solide base de don­nées pour déve­lop­per ces mises en situa­tion. Ce qui nous a encou­ra­gé à déve­lop­per tout ça, c’est l’opportunité du grand brû­leur, qui ajoute une valeur à cette tour. Aujourd’hui, il y a fina­le­ment assez peu de casernes qui peuvent accueillir ce type d’outil. »

UNE TOUR D’AVENIR
Depuis sa valo­ri­sa­tion, la tour d’instruction de Cham­pi­gny reçoit régu­liè­re­ment d’autres com­pa­gnies qui viennent appré­cier ses avan­tages et l’expérience qu’elle pro­pose. « Tous sont una­nimes sur les béné­fices que pour­rait appor­ter une tour du même type dans leur quo­ti­dien, admet-il. C’est la ten­dance qui se dégage et on espère qu’elle sera par­ta­gée par le plus grand nombre à l’a­ve­nir. » Une ten­dance qui s’explique dans la capa­ci­té de la TIVAL à pré­pa­rer ou à revivre une inter­ven­tion. Ain­si, le capo­ral Kevin P., affec­té à la 15e com­pa­gnie, a dû repro­duire sur inter­ven­tion une manœuvre déjà réa­li­sée en exer­cice. « Au cours de plu­sieurs exer­cices, indique le gra­dé, j’ai pu per­fec­tion­ner le manie­ment de l’exutoire pré­sent sur la tour d’instruction. Plus tard, j’ai réa­li­sé des gestes simi­laires sur inter­ven­tion… Il est évident que je me sen­tais beau­coup plus serein et plus aver­ti à ce moment-là. C’est d’ailleurs le prin­cipe de tout entraî­ne­ment ! » Ain­si, la tour d’instruction valo­ri­sée laisse entre­voir de nou­velles pers­pec­tives d’avenir pour la Bri­gade. Elle pour­rait, en dif­fu­sant lar­ge­ment ce concept, faire entrer la BSPP dans une nou­velle ère de pré­pa­ra­tion opérationnelle.

La génèse du pro­jet par le CNE F.

« Déjà, lorsque j’étais chef de pelo­ton au fort de Vil­le­neuve-Saint-Georges et char­gé de l’instruction des recrues, nous avions com­men­cé à repen­ser cer­tains aspects de la for­ma­tion, notam­ment en termes de créa­tion d’outils, afin de la rendre plus “vraie” et de nous appro­cher au maxi­mum de la réa­li­té du ter­rain. De retour en com­pa­gnie d’incendie, j’ai sim­ple­ment eu envie de pour­suivre cette logique avec les moyens à ma dis­po­si­tion.
La tour d’instruction du centre de secours offrant de nom­breuses pos­si­bi­li­tés, nous avons, idée après idée, ajout après ajout, mis en place de nom­breux modules sup­plé­men­taires à notre ter­rain de manœuvre. Les com­man­dants d’unités suc­ces­sifs ont adhé­ré à ce pro­jet et notre adju­dant d’unité, l’adjudant-chef Yvon Demoy, aujourd’hui au CO, en a été le maître d’œuvre ! D’une cer­taine manière, il a maté­ria­li­sé mes idées. Nous avons éga­le­ment pu récu­pé­rer du petit maté­riel sur des chan­tiers alen­tours ou encore auprès d’agents de Gaz de France, qui nous ont ami­ca­le­ment appor­té leur sou­tien. Afin de rendre nos manœuvres réa­listes, nous nous sommes appuyés sur les RETEX du BPO pour créer des scé­na­rios adap­tés à la tour.
Sans nous en rendre compte, la tour d’instruction est deve­nue, petit à petit, un concen­tré d’innovations ! Indé­pen­dam­ment les unes des autres, ces inno­va­tions sont simples et à la por­tée de tous. Toutes ensemble, elles forment une tour d’instruction valo­ri­sée ! Je suis convain­cu que notre TIVAL et ses modules astu­cieux peuvent contri­buer à l’amélioration de notre effi­ca­ci­té opérationnelle. »

L’info en plus !

Sur feu, les ELD pro­fitent d’une excep­tion­nelle sou­plesse d’emploi. La limite des 25 minutes de temps d’engagement ne s’appliquant pas, une équipe ELD peut pour­suivre ses enga­ge­ments aus­si long­temps que le per­mettent les bou­teilles d’air : soit uAu sein de l’armée de Terre, le centre d’entraînement au com­bat (CENTAC) de Mailly-le-Camp (Aube) accueille chaque mois plus de 400 mili­taires des forces ter­restres afin de par­faire leur entraî­ne­ment. Ce bataillon entiè­re­ment dédié à la pré­pa­ra­tion opé­ra­tion­nelle est notam­ment équi­pé de simu­la­teurs 3D et, s’étalant sur un ter­rain de 12 000 hec­tares, il per­met de déployer des troupes au plus près de la réa­li­té ! Notre TIVAL pour­rait-elle être la pre­mière pierre d’un CENTAC BSPP ? L’avenir nous le dira.


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Photos : SGT Nicholas Bady
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