UES LOUVRE — Mission : La sauvegarde des œuvres !

Clé­ment Bou­don —  — Modi­fiée le 27 mai 2021 à 04 h 46 

#BrigadeInside — Au sein de la 43e compagnie, il existe une mission spécifique : la sauvegarde des œuvres du plus célèbre musée au monde. À l’aide de plans spécifiques et de moyens d’intervention adaptés comme le nouveau chariot sauvegarde des œuvres, les pompiers du Louvre s’entraînent chaque jour à préserver ce patrimoine inestimable. Au cas où… Enquête.

« Ce qui fait la noblesse d’une chose, c’est son éter­ni­té ». Cette cita­tion de Léo­nard de Vin­ci prend tout son sens dans le quo­ti­dien des 52 sapeurs-pom­piers rat­ta­chés à l’unité élé­men­taire spé­cia­li­sée (UES) du Louvre. Garan­tir l’éternité de ses œuvres, qui font du musée un temple de notre his­toire, demande un enga­ge­ment per­ma­nent que ces sol­dats du feu rem­plissent chaque jour, non sans une pointe de noblesse et d’humilité. Pré­sents depuis 1980, les pom­piers se confrontent conti­nuel­le­ment aux dan­gers qui menacent la struc­ture face aux risques d’incendie ou d’inondations. La réponse opé­ra­tion­nelle des pom­piers doit être tou­jours plus effi­cace face au nombre crois­sant de tra­vaux concer­nant le musée et les risques qu’ils com­portent. Dans ce contexte, pour gui­der la tâche quo­ti­dienne des sapeurs de la 43e com­pa­gnie, un docu­ment fait office de réfé­rence : le plan de sau­ve­garde des œuvres. Son but ? Sau­ver les œuvres selon un plan d’exé­cu­tion précis.

Priorisation et mode d’actions

Com­ment pro­té­ger les 38 000 œuvres qui sont expo­sées dans les 450 salles du musée ? Quels moyens per­mettent de pré­ser­ver rapi­de­ment et effi­ca­ce­ment ce patri­moine his­to­rique si la menace sur­vient ? Ce plan de sau­ve­garde, éla­bo­ré en col­la­bo­ra­tion avec la direc­tion de la recherche et des col­lec­tions du Louvre, défi­nit les conduites à tenir lors d’une inter­ven­tion : prio­ri­ser les œuvres à sau­ver et agir selon un mode d’action adap­té à chaque œuvre. 

Pre­miè­re­ment, la prio­ri­sa­tion. Le capi­taine Julien Guillon, com­man­dant de l’unité, nous décrit son appli­ca­tion concrète : « le plan four­nit des indi­ca­tions sur chaque salle d’exposition et sur l’emplacement de chaque œuvre ain­si que des ensei­gne­ments spé­ci­fiques sur leur valeur et sur la manière de l’extraire. La prio­ri­sa­tion se fait en trois phases : sau­ver en prio­ri­té les « œuvres majeures », puis les P1 et enfin les P2 ». Une prio­ri­sa­tion qui doit être prag­ma­tique et com­pré­hen­sible pour le pom­pier de Paris qui ne pos­sède pas ins­tinc­ti­ve­ment la notion de ces dif­fé­rences de valeurs.

Deuxiè­me­ment, les modes d’ac­tion. « Au nombre de trois, pré­cise le capi­taine. Le pre­mier concerne les œuvres qui ne sont pas trop lourdes et que l’on peut dépla­cer. Le deuxième, fait réfé­rence à la pro­tec­tion des œuvres. Une sta­tue comme La Vénus de Milo ne peut pas être trans­por­tée donc il nous faut prendre des bâches igni­fu­gées pour la pro­té­ger. Le troi­sième fait réfé­rence aux découpes de vitrines à réa­li­ser pour les œuvres pla­cées sous pro­tec­tion. » Appor­ter aux pom­piers de la 43e com­pa­gnie une exper­tise artis­tique et opé­ra­tion­nelle lors des inter­ven­tions, voi­là donc les objec­tifs de ce document. 

Capi­taine Julien Guillon, CDU de l’UES Louvre

« Pro­té­ger les biens de notre his­toire »

CNE Julien Guillon, com­man­dant d’u­ni­té de l’UES Louvre

Les pom­piers de l’UES Louvre reçoivent tous les trois mois une for­ma­tion « sau­ve­garde des œuvres » afin de mettre en pra­tique les ensei­gne­ments de ce plan de sau­ve­garde. « Cette for­ma­tion se fait en deux temps, explique le com­man­dant d’unité. D’une part, elle consiste à nous sen­si­bi­li­ser sur la valeur des œuvres, afin qu’on puisse prendre conscience des enjeux de nos opé­ra­tions et d’autre part, elle nous per­met de faire les mises en action évo­quées pré­cé­dem­ment. » Des exer­cices très utiles selon lui. « À par­tir du moment où le pom­pier est sen­si­bi­li­sé, ajoute le capi­taine, il y a une prise de conscience de sa part. Il sera beau­coup plus effi­cace dans son tra­vail et capable de sor­tir de son image de néo­phyte pour répondre à la situa­tion. » Une pra­tique aidée par une inno­va­tion opé­ra­tion­nelle qui va faci­li­ter le tra­vail des sapeurs-pompiers.


Le saviez-vous ?

la joconde

Comment La Joconde est-elle devenue l’œuvre d’art la plus populaire de l’histoire ? 

Au-delà de son regard magné­tique, de son ori­gine énig­ma­tique, de son style dis­tin­gué ou de son célé­bris­sime auteur, La Joconde doit sa popu­la­ri­té inéga­lée à un évé­ne­ment peu connu du grand public. Le 21 août 1911, dans la stu­peur géné­rale, le tableau de Léo­nard de Vin­ci dis­pa­raît ! Ce vol met en émoi le monde entier. Orches­tré par un cer­tain Vin­cen­zo Per­ug­gia, un vitrier ita­lien qui tra­vaillait à la réfec­tion du musée et pré­ten­dait rendre le chef-d’œuvre à l’Italie. C’est alors que la direc­tion du Louvre va réa­li­ser un coup de génie mar­ke­ting. Celui d’exposer l’emplacement vide du tableau à la vue des visi­teurs. Le mythe prend forme et jusqu’à son retour en 1914, l’œuvre est déjà deve­nue l’objet de toutes les atten­tions. Plus d’un siècle plus tard, Mona Lisa ne cesse de sus­ci­ter l’at­ten­tion de visi­teurs. Une his­toire à retrou­ver dans cet article : Le vol de la Joconde (lemonde.fr)



Un nouveau chariot d’intervention

Dans cette logique d’une réponse opé­ra­tion­nelle adap­tée, les pom­piers du Louvre sont par­tis d’un constat. « À l’époque, pour inter­ve­nir, nous n’avions que les réserves qui sont répar­ties un peu par­tout dans le musée, indique le ser­gent-chef Mat­thieu Leloup. Ces réserves d’approche, bien qu’à proxi­mi­té, nous fai­saient perdre un temps fou pour aller cher­cher le maté­riel. Si on ne fai­sait pas atten­tion à bien prendre tous les élé­ments utiles à l’o­pé­ra­tion, il fal­lait y retour­ner. » Ce pro­cé­dé, peu effi­cace dans le cadre d’une inter­ven­tion où la rapi­di­té est la clé, devait faire peau neuve. « Je trou­vais labo­rieux de devoir pen­ser à tous les élé­ments à prendre au moment de l’intervention. C’est pour­quoi, pour­suit le sous-offi­cier, j’ai pen­sé que l’idéal dans cette situa­tion serait d’avoir un petit cha­riot d’intervention, afin de trai­ter rapi­de­ment un début de sau­ve­garde. » L’idée répon­dant à la pro­blé­ma­tique, le sous-offi­cier se penche ensuite sur la com­po­si­tion et l’apparence de ce cha­riot opé­ra­tion­nel venant com­plé­ter le maté­riel des sapeurs-pom­piers du Louvre face aux dangers.

Pen­dant un exer­cice de sauvegarde

« À par­tir de ce besoin, nous indique le ser­gent-chef Leloup, il fal­lait défi­nir ce qui était néces­saire pour des inter­ven­tions de ce type. Avec l’ancienneté de cha­cun et nos dis­cus­sions, nous nous sommes ren­dus compte que la plu­part des sau­ve­gardes était contre les risques d’inondations ou de fuites d’eau pro­vo­quées par des lances à incen­die sur des feux de combles. J’ai donc dres­sé une liste d’éléments indis­pen­sables à ce type de sau­ve­garde pour com­po­ser le cha­riot. J’ai ensuite inclus les autres élé­ments indis­pen­sables lors d’un incen­die. Il ne fal­lait pas trop en mettre, de façon à ce que le cha­riot reste com­pact et puisse être trans­por­té dans chaque par­tie du musée, même très réduite. » La concep­tion du cha­riot de sau­ve­garde est confiée aux ouvriers d’art du musée du Louvre qui lui donnent la forme d’un pla­teau à rou­lettes de type déménagement.

Le cha­riot de sau­ve­garde des œuvres a pour but d’acheminer rapi­de­ment du maté­riel de sau­ve­garde des œuvres per­met­tant une action rapide en com­plé­ment d’une inter­ven­tion du déta­che­ment BSPP dans le musée du Louvre. 

Il com­prend : 
- Un lot d’outillage à main (jeux de clefs, pinces, tour­ne­vis, cut­ter…) 
- Un lot d’électroportatifs avec bat­te­ries et consom­mables (meu­leuse d’angle « disques dia­mants » et cisaille « coupe pédale » élec­trique)
- Un rou­leau de poly­ane mon­té sur dévi­doir 100 ML Trois cou­ver­tures anti-feu à vel­cro de 9 m² 
- Du maté­riel divers (serre-joints de dif­fé­rentes tailles, cous­sins absor­bants, raclettes, ven­touses de por­tage, scotch, ficelle, col­liers de ser­rage rapide…etc.) 
- Un pla­teau à rou­lette type démé­na­ge­ment
- Des caisses de trans­ports
- Une échelle modu­lable de cinq mètres 
Les élé­ments du cha­riot de sau­ve­garde des œuvres 

« Le cha­riot est un élé­ment de pre­mière inter­ven­tion »

Ser­gent-chef Mat­thieu Leloup, inven­teur du cha­riot de sauvegarde

Le cha­riot « lot de sau­ve­garde des œuvres » créé, il devient rapi­de­ment impli­qué dans les exer­cices de for­ma­tion pro­po­sés aux sapeurs-pom­piers du Louvre. Comme le 2 mars der­nier, où il prouve sa per­ti­nence dans le cadre des situa­tions pro­po­sées. Mobile, dis­cret et pré­sen­tant tous les élé­ments de pre­mière inter­ven­tion, il incite les pom­piers pré­sents sur place à manoeu­vrer de façon opti­male. « Le cha­riot est un élé­ment ultra-mobile pré­sen­tant tout le maté­riel néces­saire pour inter­ve­nir, affirme le capi­taine Guillon. C’est un outil opé­ra­tion­nel très effi­cace qui nous per­met­tra d’être plus rapides en cas de sinistre. Je pense qu’il pour­rait per­mettre à de nom­breux autres musées de se doter d’un élé­ment sim­pli­fiant la mise à dis­po­si­tion du maté­riel néces­saire pour le pom­pier. » Un nou­veau venu qui fait le bon­heur de la com­pa­gnie donc, et qui démontre toute l’expertise des pom­piers de Paris dans la réponse appro­priée à son envi­ron­ne­ment. L’histoire retien­dra que la Bri­gade a aus­si son œuvre pré­sente au musée du Louvre…

Le ser­gent-chef Mat­thieu Leloup, l’in­ven­teur du chariot
Oeil de l’artiste 

Le ser­gent-chef Mat­thieu Leloup, affec­té à la 43e com­pa­gnie depuis deux ans, est à l’origine de cette inven­tion avec les ouvriers d’art du musée du Louvre. Pas­sion­né d’art et de son métier, il nous explique avec sin­cé­ri­té qu’il « n’a rien inven­té d’ex­tra­or­di­naire ». Pour­tant, son abné­ga­tion et sa volon­té féroce de faci­li­ter le tra­vail de ses cama­rades l’ont conduit à mettre sur pied un élé­ment de pre­mière inter­ven­tion salué de tous. Pour éla­bo­rer ce cha­riot, le ser­gent-chef s’est d’ailleurs appuyé sur son expé­rience en com­pa­gnie. « Et tout par­ti­cu­liè­re­ment de celle du PS (véhi­cule pre­mier secours). C’est une boîte à outils rou­lante qui nous per­met d’intervenir sur tous les types d’interventions et on peut se débrouiller avec ça en atten­dant d’avoir le maté­riel spé­ci­fique. Le cha­riot est l’équivalent des caisses de pre­mier départ mais orien­té sur la sau­ve­garde des œuvres. » Une réfé­rence qui l’a gui­dé dans sa créa­tion. « C’est un tra­vail qui a duré plu­sieurs mois avec le cou­loir des ate­liers, indique le sous-offi­cier, ne serait-ce que pour conce­voir le dévi­doir à poly­ane parce qu’on en a plein en stocks dont les men­su­ra­tions sont dif­fé­rentes. » À l’avenir, le ser­gent-chef n’a qu’un sou­hait : « dans l’idéal, j’aimerais qu’il y ait un cha­riot par réserve d’approches. » Cha­peau l’artiste !

Credits

Photos : BCOM

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