HISTOIRE — Du fort à l’école…

Damien Gre­nèche —  — Modi­fiée le 26 octobre 2023 à 03 h 38 

#BrigadeInside — Pas facile en région parisienne de trouver un emplacement suffisamment vaste et tranquille pour créer une école militaire. Les forts offrent ces avantages et les commandants du Régiment et de la Brigade l’ont bien compris.

Le mois de sep­tembre annonce, pour de nom­breux pari­siens, un retour dans la Capi­tale et sur­tout la ren­trée. Contrai­re­ment aux enfants et aux étu­diants qui fran­chissent les portes de leurs éta­blis­se­ments sco­laires à la fin de l’été, les futurs sapeurs-pom­piers se recrutent tout au long de l’année. Fran­chis­sons avec eux les voûtes de ces bâtisses militaires.

Vil­le­neuve-Saint-Georges. Lorsque le colo­nel Cas­so prend le com­man­de­ment du Régi­ment en 1963, il aspire à moder­ni­ser l’Institution. Hor­mis l’adoption de nou­veaux maté­riels, une refonte struc­tu­relle se pro­file à la fin de cette décen­nie. D’un gros régi­ment à six bataillons, les pom­piers pari­siens sont ame­nés à for­mer une bri­gade à par­tir de 1968. Cette trans­for­ma­tion entraîne la créa­tion de quatre nou­velles com­pa­gnies (13e, 14e, 15e et 16e) mais éga­le­ment l’acquisition de nou­veaux caser­ne­ments. Témoin d’une cer­taine dis­pa­ri­té, il sou­haite homo­gé­néi­ser la for­ma­tion en créant l’école du sapeur-pom­pier de Paris. Mise sur pied en 1966, la com­pa­gnie d’instruction s’installe dans un lieu où tout est à réno­ver. D’importants tra­vaux sont menés. À la force des bras, on refait l’intérieur des bâti­ments, on assai­nit les fos­sés, on pave les axes de cir­cu­la­tion, on construit des sani­taires et une cui­sine. Le chan­tier est consi­dé­rable. Il s’agit de trans­for­mer un fort du camp retran­ché de Paris.
Cet édi­fice, vou­lu par le géné­ral Séré de Rivières, trône sur les hau­teurs de Vil­le­neuve-Saint-Georges. Construit entre 1876 et 1879, il assu­ra la cou­ver­ture défen­sive de la val­lée de la Seine avec ses 34 pièces d’artillerie. Bien qu’il ne joue pas de rôle actif lors de la Pre­mière Guerre mon­diale, l’armée alle­mande l’utilise en 1940 comme camp d’internement. Puis après l’armistice, il devient un dépôt de muni­tions jusqu’en 1965.

Vue aérienne du fort de Vil­le­neuve-Saint-Georges en 1970.

Le colo­nel cas­so sou­haite homo­gé­néi­ser la for­ma­tion en créant l’école du sapeur-pom­pier de Paris


La Briche. Au nord de Paris, à Saint-Denis, une autre for­ti­fi­ca­tion du XIXe siècle abrite des sol­dats du feu. Le mar­di 15 décembre 1970, le centre de secours posi­tion­né dans le centre-ville sur le bou­le­vard Jules Guesde est trans­fé­ré dans l’ancienne for­te­resse de la Briche. Là aus­si, des tra­vaux de réamé­na­ge­ment sont effec­tués par les ouvriers du Régi­ment. Le PC de la 9e com­pa­gnie découvre un lieu riche en his­toire. Le bas­tion eut fort à faire lors des com­bats de 1870 contre l’armée prus­sienne. Armé de 77 bouches à feu (dont deux canons de marine) et occu­pé par le 18e bataillon de la garde mobile, il fut le point de départ de plu­sieurs assauts menés vers le nord comme lors de la bataille d’Épinay (30 novembre). Vio­lem­ment pris pour cible par les obus enne­mis, le fort est aban­don­né. Après la Com­mune (1871), il ser­vit de pri­son mili­taire jusqu’en 1883. On peut éga­le­ment men­tion­ner les com­bats de la Libé­ra­tion en août 1944 à Saint-Denis, où le lieu­te­nant René Hahn (9e com­pa­gnie) perd la vie aux côtés des FFI en atta­quant la gar­ni­son allemande.Dans cette période de chan­ge­ments pour la Bri­gade, on atteste d’un défi­cit en capo­raux. Le fort de Vil­le­neuve-Saint-Georges et ses infra­struc­tures ne peuvent plus accueillir les nom­breux pelo­tons. C’est ain­si que le 4 jan­vier 1971, le PEC (pelo­tons des élèves capo­raux) élit domi­cile à la Briche. La den­si­té et la proxi­mi­té des ins­tal­la­tions fer­ro­viaires et gaso-pétro­lières apportent une plus-value à leur ins­truc­tion. De plus, les cours d’hydraulique et d’extinction acquièrent un incom­pa­rable réa­lisme par la réa­li­sa­tion de nom­breuses manœuvres en Seine et sur le vaste ter­rain d’entraînement qu’offre le site. C’est d’ailleurs dans cette enceinte que sera construite la « mai­son du feu » en 1976 où la plu­part des capo­raux feront leurs pre­mières armes contre les feux d’habitation.

Le centre de recherche du Com­mis­sa­riat à l’énergie ato­mique (CEA) en 1962.

Limeil-Valen­ton. Il ne vous a pas échap­pé dans notre actua­li­té que les deux pré­cé­dents centres de for­ma­tion ferment pro­gres­si­ve­ment leurs portes au pro­fit d’une nou­velle école, au car­re­four de Limeil-Bré­vannes et Valen­ton dans… Une ancienne for­ti­fi­ca­tion ! Depuis 2023, les jeunes recrues et les sta­giaires de dif­fé­rents niveaux (PEC-PECCH-FIO) intègrent ce nou­veau com­plexe offrant le confort d’infrastructures adap­tées. Mais avant de deve­nir « l’académie » du sapeur-pom­pier de Paris, le Centre de recherche du Com­mis­sa­riat à l’énergie ato­mique (CEA) y logeait. Com­po­sée, dès juillet 1955, de savants tech­ni­ciens sous la direc­tion de Paul Chan­son et André Chau­dière, l’équipe se réap­pro­prie un ouvrage mili­taire rat­ta­ché au même réseau défen­sif que le fort de Vil­le­neuve-Saint-Georges.
La bat­te­rie de Limeil, construite entre 1874 et 1877, ne dis­si­mule plus des canons mais des ingé­nieurs et leurs tra­vaux secrets. Les bâti­ments de la troupe sont trans­for­més en bureau, les capon­nières en labo­ra­toires ; seule la voûte reste intacte. Cet organe du minis­tère de la Défense est notam­ment char­gé d’étudier l’amorçage de la bombe H et l’emploi de rayon­ne­ments de grande éner­gie comme arme offen­sive (la déto­nique). Dans un contexte inter­na­tio­nal mar­qué par la Guerre froide et régi par la course à l’arme atomique1, le site de Limeil rat­ta­ché à la Direc­tion des études et fabri­ca­tion d’armement (DEFA) est un maillon essen­tiel dans le pro­gramme de la force de dis­sua­sion. Dès la fin des années 1960, de puis­sants ordi­na­teurs ana­lysent les résul­tats d’explosions ther­mo­nu­cléaires occa­sion­nées par les supers lasers « Octal » (1977) et le plus éner­gique de son époque, le « Phébus2 » (1985). Cet énorme géné­ra­teur de neu­trons est ins­tal­lé dans un des case­mates, appe­lé « chambre », où les scien­ti­fiques réa­lisent leurs expé­riences (peu) abri­tées par l’épaisseur des murs de pierre et quelques portes blin­dées.
Tan­dis que le déman­tè­le­ment du site est acté en 1997, ce vaste espace de 12 hec­tares est lais­sé à l’abandon, squat­té, puis acquis par la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris afin d’y implan­ter, dans un pre­mier temps, sa base logis­tique puis sa nou­velle école. 

1 : Après un essai réus­si en 1960, la France est la qua­trième nation à obte­nir l’arme nucléaire.
2 : Vous aurez recon­nu le nom du site regrou­pant les uni­tés de sou­tien du GSS, le BSI et le BPIB.

Texte LTN Damien Grenèche

DOSSIER — La récu­pé­ra­tion du sapeur-pom­pier (1/​4)

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