HISTOIRE — Sapeur-pompier de Paris d’hier et d’aujourd’hui

sapeurs-pompiers en séance de gymnastique

Histoire — Si nous avons l’habitude de mettre en avant la modernité du sapeur-pompier de Paris, nous vous proposons ici un voyage dans le temps pour comparer les époques et les usages. Une mise en parallèle intéressante où se côtoient innovation, militarité, rigueur du comportement et condition physique. Tout a changé… et rien n’a changé.

Damien Gre­nèche —  — Modi­fiée le 30 avril 2021 à 11 h 15 

POMPIER D’UN JOUR, POMPIER TOUJOURS !

Sur bien des points, le sapeur-pom­pier d’hier est dif­fé­rent de celui de 2020. En pre­mier lieu, les caté­go­ries de per­son­nels n’ont pas grand-chose à voir. Aujourd’hui, la Bri­gade compte dans ses rangs des enga­gés et des réser­vistes « volon­taires » (que ce soit des ESR ou des VSC). Cepen­dant, il n’y a pas si long­temps se côtoyaient enga­gés, appe­lés du contin­gent (1954 – 1997) et volon­taires (pom­piers com­mu­naux du dépar­te­ment de la Seine licen­ciés en 1968). Et c’est en 2002 qu’un impor­tant chan­ge­ment social inter­vient avec l’entrée de huit femmes sous le porche du fort de Vil­le­neuve-Saint-Georges, sui­vies par d’autres dans les rangs de l’unité. Aujourd’hui, elles sont 2,5 % à ser­vir l’institution.

SIX MOIS D’ENTRÉE

« On ne s’improvise pas pom­pier, sans études et sans pra­tiques » disait Féli­cien Michotte (ingé­nieur et théo­ri­cien). De nos jours, toutes les recrues passent par le fort et se voient dis­pen­ser leur for­ma­tion de sapeur-pom­pier pen­dant quatre mois. Cepen­dant, n’oublions pas que l’emprise de Vil­le­neuve-Saint-Georges est récente dans notre his­toire et que les pre­miers pelo­tons s’y sont ins­tal­lés seule­ment en 1966. Avant cette date, les jeunes recrues étaient ins­truites dans leurs com­pa­gnies d’affectation. « C’était en mai 1957, se sou­vient un enga­gé. Nous arri­vions devant Cham­per­ret stres­sés. Nous pas­sions devant les gué­rites en fran­chis­sant la voûte où nous étions contrô­lés et accueillis sévè­re­ment. On nous diri­geait au milieu de la cour où des camions de la sécu­ri­té civile étaient ali­gnés. Un gra­dé nous appe­lait : […] Georges, camion de gauche, CS Mont­martre, Lis­sa­joux, camion de droite, CS Blanche, […]. Puis, arri­vés à la caserne, nous étions reçus par le lieu­te­nant Four­nier. Dès ce jour débu­tait nos six mois de for­ma­tion en com­pa­gnie. »

exercice d'époque des sapeurs-pompiers de Paris
06 octobre 1943 — M??nilmontant

LA MGO DE 1850

Pour par­faire son ins­truc­tion, le sapeur-pom­pier de Paris du XXIe siècle dis­pose d’une série d’ouvrages regrou­pant les dif­fé­rents savoirs pour la for­ma­tion tech­nique : le BSP. Ses aînés dis­po­saient, quant à eux, des manuels Roret ou « ency­clo­pé­die du sapeur-pom­pier ». L’instruction com­porte éga­le­ment un volet tech­nique : la manœuvre. De tout temps, le sapeur-pom­pier a mis en pra­tique ses ensei­gne­ments, le plus sou­vent en uti­li­sant l’architecture et les équi­pe­ments de sa caserne : façade, tour, cave, etc. Rien n’a véri­ta­ble­ment chan­gé. Sur inter­ven­tion, la marche géné­rale des opé­ra­tions (MGO), défi­nie par Pau­lin en 1850, est res­tée la même : recon­nais­sance, sau­ve­tage, éta­blis­se­ment, attaque, extinction.

DU SAUT À LA PERCHE, À LA PLANCHE EN BOIS

Agi­li­té, vigueur et audace : trois qua­li­tés qui pré­valent dès lors qu’il s’agit d’utiliser l’échelle à cro­chet pour aller cher­cher les vic­times au milieu des flammes. Le 8 août 1868, devant La truie qui file (exploits du capo­ral Thi­baut), ou le 5 février 2019, rue Erlan­ger, les mêmes manœuvres sont employées pour les sau­ve­tages. Depuis plus de 200 ans, les sapeurs-pom­piers de Paris manient cette échelle avec la plus grande tech­ni­ci­té. L’exercice de la planche est par ailleurs une épreuve syno­nyme d’aptitude opé­ra­tion­nelle. Tous les pom­piers se retrouvent, un jour, face à cette planche de bois pla­cée à l’horizontale à 2,40 m de hau­teur. Qu’ils la montent à 10, 15, 20 ou 25, ils prouvent ain­si par leur force phy­sique qu’ils sont aptes à par­tir sur inter­ven­tion. Mais à l’origine, cette « épreuve » ins­tau­rée en 1895, visait à rem­pla­cer deux exer­cices de gym­nas­tique acci­den­to­gènes dont le saut à la perche. Au delà de ces acti­vi­tés phares, le pom­pier de Paris a tou­jours été un com­pé­ti­teur : il s’adonne éga­le­ment aux cross et aux chal­lenges. Le sapeur-pom­pier des années 1980 a pu faire le Gerbe, le Lebrun et le Mai­grot. Celui de 2019 par­ti­cipe au chal­lenge corde et au chal­lenge des Braves.

sapeurs-pompiers montant sa planche en tenue de feu

UN PEU DE TENUE

Les trans­for­ma­tions du sapeur-pom­pier de Paris sont éga­le­ment visibles sur inter­ven­tion. Son appa­rence n’est plus la même, que ce soit par sa tenue de tra­vail ou par sa tenue de feu. Le pom­pier contem­po­rain porte depuis 1981 la tenue SPF1. Le polo rem­place la che­mise cra­va­tée, la cas­quette rem­place le képi. Concer­nant les tenues de feu, le cuir et le pan­ta­lon de drap sont aban­don­nés au pro­fit d’une tenue tex­tile en Ker­mel igni­fu­gée. La révo­lu­tion est éga­le­ment visible au niveau de la tête : le casque F1 rem­place le casque dit « 33 » ou encore « en peau de loco­mo­tive ». Il en est de même pour les appa­reils res­pi­ra­toires, pas­sant du Man­det-Van­gi­not bi-bou­teilles (1903) au Air­go mono-bou­teille (2015).

manoeuvre à la caserne de Chaligny

DN EN LUMIÈRE JAUNE

Nul ne peut contes­ter l’excitation res­sen­tie lors de la son­ne­rie du DN (un coup long, pour les pro­fanes). Le départ normal(isé) est une inven­tion des pom­piers de Paris de la fin du XIXe siècle. C’est la réponse stan­dard pour un départ de feu : deux engins-pompe et un moyen aérien. Or, au siècle der­nier, on parle de « pre­mier » et de « deuxième » départ. Le pre­mier départ répond à une alerte et com­prend le four­gon auxi­liaire et la grande échelle. Le second départ, qui ren­force le pre­mier ou répond à une seconde mis­sion, est consti­tué de la pompe à vapeur et de la voi­ture dévi­doir.
On com­prend vite que les effec­tifs dans les camions ne soient pas les mêmes… dans les casernes non plus. Pour un jour pris au hasard de l’année 1899, 1 089 pom­piers sont de garde et répar­tis de la façon sui­vante : 544 dans les casernes, 67 dans les postes de villes, 281 dans les théâtres, 124 de ser­vice inté­rieur et 73 à l’état-major. En 2019, la Bri­gade compte sur plus de 1 800 hommes et femmes quo­ti­dien­ne­ment. Les véhi­cules d’incendie et de secours ont éga­le­ment évo­lué. En 1888, le four­gon auxi­liaire trans­porte douze hommes, en 1904 le four­gon-pompe auto­mo­bile embarque qua­torze hommes, et, en 2004, le four­gon d’appui décale avec six hommes. Mais le chan­ge­ment majeur s’opère dans les remises. Au XIXe siècle, on y trouve des che­vaux et des écu­ries (cer­taines casernes pos­sèdent encore ces ins­crip­tions gra­vées) puis des véhi­cules à trac­tion élec­trique en 1899, et enfin des pre­miers-secours rele­vage (PSR) et des pre­miers-secours éva­cua­tion (PSE) en 1985. Cette méta­mor­phose est liée au trans­fert de la mis­sion Police-secours aux pom­piers de Paris et à la hausse crois­sante des inter­ven­tions de secours à per­sonne. Ain­si, quelques véhi­cules hors normes ont dis­pa­ru, comme l’échelle de 45 m (« la grande dame ») et les bateaux-pompes (mis en ser­vice à par­tir de 1938 jusqu’en 1990 pour le Lutèce). Mais les anciens se sou­viennent sûre­ment que les gyro­phares, avant 1971, tour­naient en lumière jaune !

DEPART DES SECOURS

DU VIN AU MENU

Au XIXe siècle, le maillage est par­ti­cu­lier : les casernes sont implan­tées au milieu d’une mul­ti­tude de petits postes de ville. Des pom­piers vivent dans de petits locaux étroits sou­vent sur l’emplacement d’une échoppe, au milieu de leur maté­riel. Les bâti­ments récu­pé­rés aux pom­piers com­mu­naux, lors de l’extension du domaine de com­pé­tence en 1940 et en 1967, sont éga­le­ment loin des stan­dards : les pom­piers de Paris s’installent dans des bâti­ments agri­coles, des fermes, des écoles, des pavillons désaf­fec­tés, etc. Et en plein coeur de Paris, cer­tains sapeurs mènent la vie de moines, rue de Pois­sy dans le col­lège des Ber­nar­dins, employé comme caserne depuis 1845 ! à cette période, l’état-major de Cham­per­ret n’existe pas encore, le com­man­de­ment est encore ins­tal­lé sur l’Île de la Cité (bou­le­vard du Palais). Dans les casernes, les cham­brées n’ont rien à voir avec les chambres actuelles. Les condi­tions de vie sont assez éloi­gnées de notre défi­ni­tion du confort : grande cham­brée et douche froide, mais la troupe a le droit au vin à table ! Sur la pho­to­gra­phie, on remarque la pré­sence d’armes car à cette époque les sapeurs-pom­piers de Paris sont armés. Même si ce n’est plus le cas à pré­sent, les nos­tal­giques de l’époque gardent le sou­ve­nir des stands de tirs dans les fos­sés du fort de Villeneuve.

Aujourd’hui, les CS récents sont conçus pour mieux accueillir des pom­piers. Les com­pa­gnies sont quant à elles com­po­sées de deux à trois centres de secours en moyenne, grâce à la sec­to­ri­sa­tion mise en place en 1902 par le colo­nel Paris et l’ingénieur Arthur Krebs.

REFECTOIRE CASERNE DE CHALIGNY

ALLO 18 ?

Les nou­velles tech­no­lo­gies engendrent de pro­fondes ®évo­lu­tions dans le maté­riel uti­li­sé par les pom­piers mais éga­le­ment par les Pari­siens. Aujourd’hui, pour nous contac­ter, rien de plus facile que d’utiliser son smart­phone et com­po­ser le 18 ou le 112. Cela n’a pas tou­jours été le cas : il n’y a pas si long­temps, des aver­tis­seurs étaient encore dis­per­sés sur la voie publique pari­sienne. L’alerte s’effectuait alors par le biais de cet appa­reil, et l’appelant était direc­te­ment mis en rela­tion avec la caserne du sec­teur en par­lant dans un micro­phone, après avoir bri­sé une petite vitre de verre. Si bien qu’il n’était pas rare pour les sapeurs de par­tir faire la tour­née des aver­tis­seurs munis de leur petite sacoche com­pre­nant plu­sieurs vitres.

En revanche, une chose per­dure : les tra­di­tions. L’appel des morts au feu, ins­ti­tué en 1881, est l’expression même de l’ADN du sapeur-pom­pier de Paris et de sa devise : « Sau­ver ou Périr ». Ce céré­mo­nial a plu­sieurs fina­li­tés : culte du sou­ve­nir, exal­ta­tion du sens du devoir, vigi­lance opé­ra­tion­nelle et esprit de corps.

Hom­mage aux sapeurs-pom­piers de Paris d’hier et d’aujourd’hui.

AVERTISSEUR INCENDIE 1947

JOURNEE-TYPE D’UN SAPEUR-POMPIER DE PARIS AU DEBUT DU XXe SIECLE

6 h 00 : réveil au clai­ron sui­vi d’une toi­lette rapide aux lava­bos, puis les cham­brées sont ran­gées et les lits pliés.

6 h 15 : pre­mier petit déjeu­ner (café noir et mor­ceau de pain).

7 h 00 – 9 h 00 : c’est le temps des exer­cices : la manoeuvre des pompes, des échelles de sau­ve­tage, des appa­reils à feu de cave et des ven­ti­la­teurs, la gym­nas­tique et les cours théo­riques sur les incen­dies, sur les moyens de secours dans dif­fé­rents types d’infrastructures et sur les secours à appor­ter aux noyés, asphyxiés, etc.

9 h 00 : les pom­piers montent faire leur lit au carré.

9 h 15 : déjeu­ner (soupe aux légumes, viande et un ¼ de vin).

10 h 00 : défi­lé de la garde, appel des morts au feu, et ins­pec­tion des hommes. Dans les minutes qui suivent, c’est le départ de cer­tains hommes vers les postes en ville et le retour de ceux qui étaient de garde dans ces postes qui, eux, déjeunent à 10h30.

12 h 00 – 14 h 00 : nou­veaux exer­cices de gym­nas­tique et manoeuvres de sau­ve­tage à l’échelle.

14 h 00 : ras­sem­ble­ment pour ana­ly­ser la mati­née, don­ner des consignes et attri­buer le ser­vice de nuit, sui­vi de la manoeuvre des engins d’incendie.

16 h 15 : on apporte le dîner aux hommes de garde dans les postes et, à 17 h 00, on dis­tri­bue de la soupe aux hommes sur place dans la caserne (viande et légumes bouillis).

19 h 00 – 19 h 30 : départ vers le ser­vice de nuit des théâtres.

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