DÉCOUVERTE — Rendez-nous La Monnaie…

Grands formats — Chaque décennie, la péniche du centre de secours La Monnaie du GAS est sortie de l’eau pour un check-up et la réalisation de travaux d’entretien. Pendant toute la durée de l’opération conduite par un chantier naval, les spécialistes nautiques de la Brigade continuent d’assurer les départs en intervention. Nous nous sommes rendus sur les quais de Seine pour descendre en cale sèche et suivre ce chantier atypique.

La rédac­tion Allo18 —  — Modi­fiée le 21 juillet 2024 à 09 h 44 

Mardi 14 mai 2019, il est 8 heures. La péniche quitte le 11 quai de Conti avec près de 24 heures de retard. « Nous devions attendre que le niveau de la Seine baisse pour pou­voir pas­ser sous cer­tains ponts », explique Faria Cin­dy, res­pon­sable Études & Pro­jets du Chan­tier naval des Hauts de Lutèce.

« Dépour­vue de moteur, d’hélices et de gou­ver­nail, la péniche des sapeurs-pom­piers de Paris ne peut navi­guer seule. Notre bateau pous­seur est donc néces­saire pour l’acheminer vers notre chan­tier naval situé au 24 quai d’Austerlitz. Sur place, un dock flot­tant l’attend. D’une capa­ci­té de levage de 700 tonnes, mesu­rant 93 mètres de long et 11 mètres de large, il est à demi immer­gé dans le fleuve. Nous posi­tion­nons la péniche juste au-des­sus. Puis, par un sys­tème de bal­lasts, le dock remonte à la sur­face, met­tant hors de l’eau la caserne sur des cales judi­cieu­se­ment répar­ties par nos ouvriers. »

Le sui­vi des travaux

D’un point de vue logis­tique, les tra­vaux sont sui­vis par le ser­gent-chef Nico­las Demets, conduc­teur de tra­vaux au bureau sou­tien de logis­tique (BSI) de la BSPP. Il s’agit d’un chan­tier tout à fait aty­pique et adap­té à l’activité d’un centre secours (CS). La péniche reste opé­ra­tion­nelle pen­dant la phase de tra­vaux : des che­mi­ne­ments à base d’échelles per­mettent de par­tir en inter­ven­tion à tout moment. Seule l’adresse du CS a pro­vi­soi­re­ment changé.

« Pour être conforme avec la régle­men­ta­tion, la com­mis­sion de sur­veillance des bateaux veille à ce que les navires soient mon­tés en cale sèche afin d’être exa­mi­nés par un expert agrée », explique le sous-offi­cier. « Pour les bateaux de com­merce, l’opération a lieu tous les cinq ans, pour les bateaux loge­ments, à l’instar du centre de secours La Mon­naie, c’est tous les dix ans. Ce moment reste l’occasion de contrô­ler l’état des anodes de pro­tec­tion mais aus­si de la coque. »

Cer­taines épais­seurs de métal (…) demeurent en très mau­vais état. Par endroit, il y a même un risque de percement.

Faria Cin­dy — Res­pon­sable Études et Pro­jets du Chan­tier naval de Hauts de Lutèce

Les opé­ra­tions, qui vont durer près de deux semaines com­mencent par un net­toyage en pro­fon­deur de la coque. Un jet haute pres­sion de 450 bars débar­rasse le métal de toutes algues, salis­sures et coquillages. Un expert exa­mine minu­tieu­se­ment l’état de la coque. À l’aide d’un mesu­reur à ultra­sons, des son­dages sont réa­li­sés. « Lors de rele­vés d’épaisseur, la côte mini­male accep­table est de 4,2 mil­li­mètres », explique la res­pon­sable Études & Pro­jets du Chan­tier naval des Hauts de Lutèce. « Concer­nant la péniche des pom­piers, cer­taines épais­seurs de métal sont situées sous ce mini­ma et demeurent en très mau­vais état. Par endroit, il y a même un risque de per­ce­ment. Nous devons réa­li­ser un dou­ble­ment de la coque au niveau de la poupe* du navire. Sur d’autres zones, des tôles sont enle­vées à l’aide d’une meu­leuse, puis rem­pla­cée par des plaques soudées ».

Seule­ment après, la mise en pein­ture peut débu­ter. Pour obte­nir des résul­tats idoines et durables dans le temps, une pri­maire d’accrochage, une sous-couche de pein­ture à base métal­lique, est appli­quée sur la carène. La fini­tion aux cou­leurs défi­ni­tives du centre de secours La Mon­naie est réa­li­sée en deux couches à l’aide d’une pein­ture EPOXY, par­ti­cu­liè­re­ment résis­tante, notam­ment pour la par­tie immer­gée du bateau.

Le 27 mai der­nier, le dock flot­tant est de nou­veau immer­gé afin de pro­cé­der à la remise à l’eau et au remor­quage de la péniche vers son point d’amarrage habi­tuel, non loin de la cathé­drale Notre Dame de Paris.

Une caserne unique

Longue de plus de 46 mètres, large de sept mètres et d’une super­fi­cie de 480 m2, ce mas­to­donte de plus de 400 tonnes est amar­ré sur les quais de Seine depuis 1984. Ins­crit en lettres capi­tales, tout le monde peut lire « Sapeurs-pom­piers ». Avec son arma­ture de métal blanc et ses pan­neaux de bois, La Mon­naie flotte fiè­re­ment, juste en face du musée du Louvre. Ce bateau est équi­pé comme une caserne tra­di­tion­nelle pari­sienne : réfec­toire, salle de repos, cabines amé­na­gées avec deux lits et deux armoires, salle de sport, poste de veille opérationnelle…

Tous les sapeurs-pom­piers affec­tés à La Mon­naie sont plon­geurs. Les spé­cia­listes en inter­ven­tion aqua­tique (SIA) inter­viennent lors de secours à vic­times, à condi­tion que ces der­nières res­tent en sur­face. S’il faut plon­ger, ce sont les spé­cia­listes en inter­ven­tion sub­aqua­tique (SIS) qui prennent le relais.

Feu, chute de per­sonne, acci­dent flu­vial, inter­ven­tion sur bateau à la dérive, pol­lu­tion ou encore véhi­cule tom­bé à l’eau : ils sont capables d’intervenir en quelques minutes sur l’ensemble du bief parisien.

Pour mener à bien les 500 inter­ven­tions annuelles, deux bateaux d’intervention sont arri­més à la péniche. L’embarcation de secours et d’assistance aux vic­times (ESAV) détient les per­for­mances et la puis­sance néces­saire pour réa­li­ser de nom­breux sau­ve­tages dans des condi­tions opti­males. Elle embarque un équi­page de trois secou­ristes, mais aus­si tout le maté­riel de secours aux vic­times conte­nu dans un VSAV clas­sique, ain­si qu’une planche à mas­ser, indis­pen­sable pour la prise en charge des noyés en hypothermie.

Quant à la vedette d’intervention « ESAVI », elle per­met de maî­tri­ser des feux de bateaux ou de voi­tures immo­bi­li­sées au niveau des voies sur berges grâce à sa lance canon de 1 000 l/​min et sa lance à main d’un débit de 500 l/​min.

La poupe* : Le terme « poupe » est uti­li­sé pour dési­gner l’ar­rière d’un bateau.

Credits

Photos : CCH Sylvia BOREL

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