FEU D’ENTREPOT — Un incendie chaud et froid !

You­na Lan­dron —  — Modi­fiée le 27 juin 2025 à 02 h 08 

Retour d’inter — Un incendie complexe et difficile d’accès. La face avant du bâtiment sinistré est accessible par un unique chemin. Pour atteindre la face arrière, il est nécessaire de contourner le feu via deux rues adjacentes. Le tour du feu s’étend sur une longueur de près de 500 mètres…

ça ronfle. Les flammes sont hautes, le risque de pro­pa­ga­tion aux entre­pôts mitoyens est très impor­tant. L’intensité du sinistre n’a pas été anti­ci­pée en rai­son du peu d’informations dont dis­po­sait le centre opé­ra­tion­nel. Le départ nor­mal de Cha­ronne se retrouve donc seul sur les lieux de l’intervention. Les accès au sinistre sur ce bâti­ment très encla­vé sont très com­pli­qués. Le chef de garde incen­die du centre de secours Cha­ronne, le ser­gent-chef Chris­tophe Jamon­neau, doit prendre d’emblée une déci­sion capi­tale : faire le tour du feu com­plet, mais lais­ser les flammes gagner du ter­rain pen­dant encore de longues minutes, ou s’occuper en prio­ri­té de la face avant. Le choix est fait. « Je ne peux pas me per­mettre de faire le tour com­plet du feu. On per­drait de pré­cieuses minutes », com­mence le chef Jamon­neau, pre­mier arri­vé sur les lieux. 

Ins­tan­ta­né­ment, les conduc­teurs d’engins-pompes s’activent pour ali­men­ter leurs camions en eau. Seuls deux hydrants sont mar­qués comme dis­po­nibles dans cette ave­nue : un à chaque extré­mi­té. Dans le doute, un des conduc­teurs teste l’hydrant le plus acces­sible inven­to­rié « indis­po­nible ». Bonne sur­prise : il est fina­le­ment ali­men­té. Cette manoeuvre a per­mis une uti­li­sa­tion rapide des lances. Les deux pre­mières lances, une grande puis­sance et une petite, tenues par les équipes du pre­mier secours Cha­ronne, ont une action déter­mi­nante sur le feu. « La lance grande puis­sance abat les flammes sur le foyer prin­ci­pal et la petite lance enraye les pro­pa­ga­tions vers un bâti­ment connexe, un ancien pavillon squat­té », décrit le chef Jamon­neau. Très vite, le ren­fort incen­die arrive, accom­pa­gné de l’officier de garde compagnie.

Une situa­tion défa­vo­rable. « Nous avons ren­con­tré quelques dif­fi­cul­tés pour com­prendre la nature de l’incendie. Au départ, nous par­tions pour feu d’entrepôt. Fina­le­ment, il y avait des ins­tal­la­tions pré­caires, un mar­ché de fer­raille avec dif­fé­rents stands et des entre­pôts non tou­chés par les flammes sur les côtés », enchaîne le lieu­te­nant Sébas­tien Chou­quet, deuxième com­man­dant des opé­ra­tions de secours (COS). L’entrepôt le plus mena­cé, au sud, est pro­té­gé par un mur en béton, un véri­table coupe-feu. De plus, à cette heure avan­cée de la nuit, les entre­pôts mitoyens sont vides… mais les rideaux de fer bais­sés com­pliquent les reconnaissances.

À cela s’ajoute le froid, lais­sant les fumées et les gaz chauds au ras du sol. Les tem­pé­ra­tures très basses, voire néga­tives, gèlent le maté­riel des pom­piers et les pales du drone. « On se serait presque cru au Cana­da ! Cer­taines bou­teilles d’ARI ont gelé, alors pour réchauf­fer notre maté­riel, une zone de remise en condi­tion du per­son­nel chauf­fée a été mise en place », racontent conjoin­te­ment le lieu­te­nant Chou­quet et le ser­gent-chef Jamonneau.

Les fumées en par­tie basse lais­saient croire à d’autres pro­pa­ga­tions rajou­tant de la com­plexi­té à l’intervention. « Les bâti­ments sont désaf­fec­tés, il y a beau­coup de gra­vats. Il faut réus­sir à se situer parce que le feu est en forme de L. Une réserve de maga­sin a brû­lé, direc­te­ment mitoyenne avec les stands, eux aus­si réduits en cendres. Des construc­tions qui ne nous aident pas, car le feu a vite fait de gri­gno­ter ces construc­tions insa­lubres », explique le chef Jamonneau.

Une mon­tée en puis­sance indis­pen­sable. La face arrière du bâti­ment pré­oc­cupe tout le monde. Très vite, le lieu­te­nant Chou­quet décide de redi­ri­ger un engin-pompe et une échelle arri­vant bien­tôt sur les lieux, afin de l’aider à avoir une vision com­plète du feu. Ils seront ses yeux. « On sait que le feu avance. Nous devons impé­ra­ti­ve­ment savoir où il est, afin de mettre en place les moyens néces­saires pour l’arrêter », conti­nue le second COS. L’utilisation d’un four­gon mousse grande puis­sance n’est pas pos­sible en rai­son de l’imbrication des bâti­ments, tan­dis qu’un bras élé­va­teur aérien essaye, pen­dant une tren­taine de minutes, d’éteindre l’incendie. « Au début, les lances ne sont pas effi­caces, car nos sec­teurs ne sont pas armés à 100 %. La baisse du foyer prin­ci­pal n’est donc pas encore signi­fi­ca­tive, mais on sait que la mon­tée en puis­sance du dis­po­si­tif va abattre les flammes », com­plète le lieu­te­nant Chou­quet. Des sec­teurs sont alors créés de manière à coor­don­ner le volume consé­quent d’engins à venir. Au total, trois sec­teurs. Un sur chaque face à l’exception du côté sud pro­té­gé par l’épais mur de béton. Le chef Jamon­neau est repo­si­tion­né chef de sec­teur de la face qu’il connaît le mieux, la façade prin­ci­pale, ave­nue Gal­lie­ni. Côté nord, les pom­piers réus­sissent à entrer dans une cour leur don­nant accès au front de flammes sur l’arrière. 
« Une fois que les sec­teurs sont créés, le dis­po­si­tif de moyens hydrau­liques monte en puis­sance », explique le lieu­te­nant Chou­quet. Des éta­blis­se­ments de longue dis­tance sont rapi­de­ment créés en com­plé­ment du robot d’extinction. Uti­li­sé au niveau de la face avant, « il nous a gran­de­ment aidés en allant au cœur du foyer. Son action, asso­ciée à sa lance canon, a été une vraie plus-value sur cette inter­ven­tion, com­mente le chef Jamon­neau. Il nous a per­mis de moins expo­ser nos porte-lances aux explo­sions de bou­teilles de gaz ». Au contact des flammes, le robot a réa­li­sé une grande par­tie de l’extinction avant de lais­ser sa place. « En rai­son de l’enchevêtrement de pièces métal­liques, il n’était plus aus­si effi­cace qu’au départ, alors il a été rem­pla­cé par quatre lances à main pour amé­lio­rer la mania­bi­li­té et aller cher­cher les petits foyers rési­duels », pré­cise le chef. 

Des lignes d’arrêt ont éga­le­ment été créées sur les faces non visibles depuis l’accès prin­ci­pal. « Nous avons pla­cé des lances sur le sec­teur « cou­rette » et sur la face arrière. Elles ont per­mis d’enrayer les pro­pa­ga­tions et de réel­le­ment stop­per les flammes », rap­porte le deuxième COS.
 
Le dis­po­si­tif, bien arti­cu­lé, n’a pas eu besoin d’être réor­ga­ni­sé, fai­sant ain­si gagner du temps aux pom­piers sur place. Les points d’attaque, le robot et les lances ont été effi­caces, limi­tant ain­si le feu à la par­tie mar­ché. En revanche, « les fumées main­te­nues en par­tie basse nous ont obli­gés à réar­ti­cu­ler notre dis­po­si­tif au poste de com­man­de­ment. Nous avons dû mettre des masques FFP2 à proxi­mi­té, notam­ment du véhi­cule poste de com­man­de­ment, pour limi­ter la res­pi­ra­tion des fumées stag­nantes en rai­son d’un taux de par­ti­cules éle­vées », lance le lieu­te­nant Chouquet.

Photos : ADC Patrick Fatana


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