PERCHE DE FEU — Une invention au service de la rapidité

Damien Gre­nèche —  — Modi­fiée le 23 mai 2025 à 11 h 47 

Histoire — Lorsque l’on pense aux pompiers, on visualise parfaitement ces silhouettes glissant le long d’une perche pour atteindre plus rapidement les véhicules de secours. Cependant, rares sont ceux qui connaissent l’histoire fascinante derrière cet outil indispensable. Plongeons dans l’origine de la perche et son impact sur les interventions.

Avant l’apparition des mâts de des­cente, les pom­piers devaient se conten­ter d’escaliers pour rejoindre leurs véhi­cules en urgence. Au XIXe siècle, la confi­gu­ra­tion des casernes com­pli­quait net­te­ment les dépla­ce­ments avec un rez-de-chaus­sée réser­vé aux che­vaux et au maté­riel, tan­dis que les espaces de vie se trou­vaient dans les étages supé­rieurs. Dans de nom­breux postes, des esca­liers en coli­ma­çon étaient ins­tal­lés pour empê­cher les che­vaux de mon­ter aux étages. Cepen­dant, cela ralen­tis­sait consi­dé­ra­ble­ment les pom­piers lors de leurs départs en inter­ven­tion. Or, dans un contexte où les dif­fé­rentes com­pa­gnies étaient en concur­rence pour être les pre­mières sur les incen­dies, chaque seconde comp­tait. C’est dans ce cadre qu’apparaît une solu­tion qui allait révo­lu­tion­ner le métier et la caserne.

L’idée d’un pom­pier afro-amé­ri­cain. Cette his­toire émerge à Chi­ca­go, au sein de la Engine Com­pa­ny 21, une com­pa­gnie de pom­piers entiè­re­ment com­po­sée d’Afro-Américains. Un jour, alors que le pom­pier George Reid se trou­vait dans le gre­nier à foin au troi­sième étage de la caserne, l’alarme reten­tit. Plu­tôt que de des­cendre labo­rieu­se­ment par les esca­liers, il déci­da de prendre un rac­cour­ci : il s’agrippa à un poteau en bois ser­vant au trans­port du foin et glis­sa rapi­de­ment jusqu’au rez-de-chaus­sée. Son capi­taine, David B. Kenyon, fut immé­dia­te­ment séduit par cette idée. Convain­cu de l’efficacité de cette méthode, Kenyon deman­da à ses supé­rieurs l’autorisation de per­cer un trou dans le plan­cher et d’installer une perche per­ma­nente.
De la moque­rie à l’adoption géné­ra­li­sée. L’idée fit d’abord sou­rire, mais la com­pa­gnie n° 21 démon­tra rapi­de­ment son effi­ca­ci­té. Grâce à cette inno­va­tion, ces pom­piers arri­vaient sys­té­ma­ti­que­ment les pre­miers sur les lieux des incen­dies, sur­tout la nuit. Devant un tel gain de temps, la ville de Chi­ca­go déci­da d’équiper pro­gres­si­ve­ment toutes ses casernes de cette inno­va­tion. En 1880, la pre­mière perche en lai­ton fut ins­tal­lée dans la caserne de Wor­ces­ter (Mas­sa­chu­setts), amé­lio­rant la sécu­ri­té et la rapi­di­té de la descente.

L’invention tra­verse l’Atlantique, en 1885, avec le capi­taine-ingé­nieur Arthur Krebs. Après un voyage d’étude aux États-Unis, des offi­ciers du Régi­ment de sapeurs-pom­piers de Paris rap­portent cette idée en France. Les pre­mières perches font ain­si leur appa­ri­tion dans les casernes et les postes de la Capitale.

Un sym­bole en voie de dis­pa­ri­tion ? Bien qu’elle ait long­temps été asso­ciée à l’urgence et à l’efficacité, l’utilisation de la perche des pom­piers tend à dimi­nuer en rai­son des pré­oc­cu­pa­tions crois­santes en matière de sécu­ri­té. En effet, cer­tains estiment qu’elle pré­sente un risque de chute et d’accidents. Aujourd’hui, des nou­velles casernes sont conçues sans perche, pri­vi­lé­giant ain­si des bâti­ments de plain-pied. Tou­te­fois, cer­taines casernes des pom­piers de Paris ont déci­dé de conser­ver et d’entretenir leurs mâts en lai­ton.
Bien que la perche soit un sym­bole de la tra­di­tion, son uti­li­sa­tion va au-delà de son aspect pra­tique. Elle sym­bo­lise l’ingéniosité et l’efficacité des pom­piers dans leur lutte contre l’urgence.

Photos DR et BSPP

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