RETEX — Une batterie de trottinette provoque un violent feu d’appartement

Jean Flye —  — Modi­fiée le 7 octobre 2022 à 09 h 27 

#BrigadeInside — La journée du samedi 21 mai s’annonçait magnifique au 55, Quai de Dion Bouton à Puteaux. Rien ne laissait présager les prémices d’un drame. Mais une batterie de trottinette en charge explose, un appartement de 75 m² prend feu : la tragédie est annoncée. L’intervention salvatrice d’un caporal-chef et de son équipage au VSAV va permettre de rapidement faciliter l’engagement des secours.
Retex sur une intervention extrêmement délicate. 

Il est envi­ron 11 h 30 lorsque le CCH Arthur Epi­to, chef d’agrès du VSAV 231 Puteaux, clô­ture sa troi­sième inter­ven­tion de la jour­née. Lui et son équi­page viennent d’emmener une jeune fille à l’hôpital Louis Mou­rier à Colombes. Sur le tra­jet du retour, l’équipage de VSAV prend le tun­nel de l’A14, vire à droite sur le Quai de Dion Bou­ton et longe la Seine. Il fait beau aujourd’hui, la jour­née s’annonce belle. Au numé­ro 55, le feu passe au rouge, le VSAV s’arrête. « Arthur, regarde sur ta droite… » lance le conduc­teur à son chef d’agrès. Le capo­ral-chef s’exécute, pivote sa tête vers la droite et observe… L’immeuble de qua­trième famille1 construit sur pilo­tis est en proie aux flammes. Le panache de fumée démarre du pre­mier et s’étend jusqu’au dou­zième et der­nier étage. Aucun engin de pom­pier n’est encore sur les lieux. L’alerte n’a pas dû être encore donnée.

Dans la tête d’Arthur, tout se bous­cule et s’entrechoque, il ne s’y atten­dait pas du tout « C’est un truc de dingue ! » pense-t-il sur le moment. Mais l’expérimenté mili­taire du rang et ses treize ans de ser­vice est dans le cur­sus pour deve­nir sous-offi­cier. Ses cours sont encore tous frais. Alors, presque ins­tan­ta­né­ment, il applique métho­di­que­ment tout ce qu’il a appris, comme à la manœuvre. « Golf 3, faites par­tir les secours pour un violent feu d’appartement dans un immeuble de qua­trième famille au 55, quai Dion Bou­ton à Puteaux » dicte-t-il sur les ondes radio. Son télé­phone sonne, le centre de sur­veillance opé­ra­tion­nelle du 3e grou­pe­ment lui indique que les secours sont déjà pré­ve­nus et qu’ils devraient bien­tôt arri­ver. À la radio, le capo­ral-chef apprend qu’une famille serait blo­quée sur son bal­con. Mais les fumées sont trop denses, impos­sible d’apercevoir quelqu’un. Il ana­lyse l’autre face de l’immeuble, mais à part une légère fumée se déga­geant d’une fenêtre du pre­mier étage, il n’y a rien d’alarmant. Arthur rentre dans le hall de l’immeuble avec son équi­pier. « Bloque les ascen­seurs au rez-de-chaus­sée », lui dicte-t-il.
Un flux impor­tant de per­sonnes des­cend et sta­tionne dans le hall d’entrée. « Accom­pagne-les vers la sor­tie dans la rue, je ne veux voir per­sonne dans le hall », ordonne-t-il ensuite à son équi­pier. Le conduc­teur rejoint Arthur. Ils rentrent tous les deux dans la cage d’escalier menant aux étages et actionnent le « tirer-lâcher » afin d’ouvrir les sky­doms situés sur le toit pour éva­cuer des fumées.

Ils montent au pre­mier étage, le pla­fond de fumée est encore impor­tant. Ils s’engagent tous les deux pour véri­fier si la porte de l’appartement est bien fer­mée. Deux per­sonnes habi­tant l’appartement en feu se pré­sentent à eux. Elles sont incom­mo­dées par les fumées. « Ne vous inquié­tez pas, on va vite vous sor­tir de là », leur lance Arthur pour les ras­su­rer. Rapi­de­ment, il les accom­pagne vers l’extérieur. Arthur monte alors au deuxième étage, il n’y a pas de fumée…
Rapi­de­ment le four­gon arrive, le chef d’agrès fait ali­men­ter la colonne sèche afin d’entamer l’extinction. Le chef de garde, l’adjudant Fré­dé­ric Lou­vel, chef du centre de secours de Puteaux se pré­sente alors sur l’intervention. Le sous-offi­cier expé­ri­men­té connaît bien cet immeuble, il a déjà fait un feu de par­king sou­ter­rain à cette même adresse six mois aupa­ra­vant. Son regard se pose sur le capo­ral-chef Epi­to qui se dirige vers lui. « Mon adju­dant, je vous rends compte que j’ai effec­tué la CAGET2, j’ai recon­nu le pre­mier et deuxième étage et éva­cué les habi­tants. J’ai en ma pos­ses­sion les clés de l’appartement en feu. » L’adjudant lui donne alors pour mis­sion de trou­ver un lieu pour ras­sem­bler toutes les vic­times, Arthur s’exécute. Il se dirige vers la tour Vis­ta, située à quelques mètres de l’immeuble, prend contact avec le poste cen­tral de sécu­ri­té et éta­blit un point de regrou­pe­ment à l’intérieur. Ce lieu sera vite trans­for­mé en un poste médi­cal avancé.

Des­sin : © René Dosne — Repro­duc­tion interdite.

L’adjudant Lou­vel réa­lise un tour du feu. Ce qui le choque, c’est l’intensité des flammes, le feu est vrai­ment très déve­lop­pé. Il fait face à une pro­blé­ma­tique : ce jour-là, il fait chaud, c’est le week-end et toutes les fenêtres avec vue sur la Seine sont ouvertes. La colonne de fumée par­tant du pre­mier étage enva­hit donc tous les appar­te­ments. Le feu se pro­page hori­zon­ta­le­ment aux appar­te­ments voi­sins et ver­ti­ca­le­ment au deuxième étage. La ram­barde des bal­cons est en verre et, sous l’effet de la cha­leur, une d’entre elles explose et tombe sur les équipes au rez-de-chaus­sée. Un frag­ment tombe sur un tuyau, le perce et pro­voque une grosse fuite. En un éclair, la manœuvre de rem­pla­ce­ment de tuyau est accom­plie. Pen­dant toute la durée de l’intervention, par deux fois, les chutes de verre pro­voquent des rup­tures d’attaque.

Dans la tête de l’adjudant, il n’y a aucun doute, « Je demande ren­fort habi­ta­tion au 55 quai de Dion Bou­ton à Puteaux ! » s’exclame-t-il à la radio.

Puis il monte au pre­mier étage. Devant la porte de l’appartement, le sous-offi­cier observe : la porte blin­dée est bien épaisse, mais l’intensité du feu est telle que les flammes sortent par le des­sus de la porte et même par la son­nette. L’adjudant doit y enga­ger alors ses équipes. Il doit éga­le­ment lan­cer des binômes au deuxième pour lut­ter contre les pro­pa­ga­tions, véri­fier la pra­ti­ca­bi­li­té de la cage d’escalier et l’efficacité des exutoires.

Le capi­taine Mathieu Gilles, com­man­dant la 28e com­pa­gnie, est l’officier de garde du jour. Il se pré­sente à son tour sur les lieux. Avec l’adjudant, ils effec­tuent tous les deux un nou­veau tour du feu. « Mon adju­dant, je vais prendre le com­man­de­ment des opé­ra­tions de secours », informe le capi­taine. Après un contact avec le gar­dien de l’immeuble, le capi­taine apprend que la confi­gu­ra­tion du bâti­ment est assez par­ti­cu­lière. En effet, l’immeuble sur pilo­tis pos­sède deux cages d’escaliers encloi­son­nées du pre­mier au onzième étage et au dou­zième étage, il y a des caves sur toute la lon­gueur. Par ailleurs, les deux cages d’escaliers com­mu­niquent entre elles.
Afin de mener à bien l’opération, l’officier de garde réa­lise alors une sec­to­ri­sa­tion de l’intervention. Ain­si, quatre sec­teurs sont défi­nis. Le pre­mier concerne les deux pre­miers niveaux de la cage d’escalier menant à l’appartement en feu, le second porte sur la recon­nais­sance du troi­sième jusqu’au dou­zième étage, le troi­sième sec­teur effec­tue­ra la recon­nais­sance entière de la cage d’escalier non impac­tée, enfin le der­nier est le sec­teur sani­taire, là où sont prises en charge les victimes.

L’adjudant Lou­vel est chef du pre­mier sec­teur, ce sont ses équipes qui s’engagent dans l’appartement. Après avoir ouvert la porte d’entrée, le binôme d’attaque pro­cède à l’extinction. L’incendie s’est pro­pa­gé à l’ensemble des pièces du loge­ment, notam­ment aux deux chambres, à la salle à man­ger et au cou­loir. Les fenêtres ont cédé sous l’effet de la puis­sance de l’incendie et le feu a com­men­cé à se pro­pa­ger au second étage par la façade.

La cha­leur est intense, l’engagement des équipes est très phy­sique, des relèves d’attaques sont réa­li­sées. Afin de confir­mer l’ouverture des sky­doms sur le toit, un drone est envoyé en recon­nais­sance. En quelques minutes, le télé­pi­lote confirme l’information, la fumée s’échappe bien des exu­toires.
Au total, quatre lances sont en action, trois à l’intérieur de l’immeuble et une de plain-pied située devant le bâti­ment. Les portes-lances, bien aidés par leurs ser­vants, réa­lisent un tra­vail d’exception et l’intensité du feu com­mence à baisser.

Les recon­nais­sances sont ter­mi­nées, l’immeuble a été com­plè­te­ment éva­cué. Aucune autre vic­time n’est à déplorer.

À 13 h 25, le mes­sage « Feu éteint » résonne à la radio. Le capi­taine féli­cite ses hommes. Tout a été fait avec dis­ci­pline, bonne com­mu­ni­ca­tion et avec une belle atti­tude. Le bilan défi­ni­tif fait état de trois per­sonnes légè­re­ment intoxi­quées qui seront éva­cuées en milieu hospitalier.

1 : Immeuble de 4e famille : habi­ta­tion dont le plan­cher bas du loge­ment le plus haut est situé à plus de 28 m et à 50 m au plus au-des­sus du niveau du sol uti­le­ment acces­sible aux engins des ser­vices de secours et de lutte contre l’incendie.

2 : CAGET : pre­mières actions à réa­li­ser par le pre­mier engin-pompe se pré­sen­tant sur feu (Cour, Ascen­seurs, Gaz, élec­tri­ci­té, tirer lâcher)


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